Affaire de Villiers. « Macron Jupiter veut être Maxi Mars » [Interview]

20/07/2017 –16H30 Paris (Breizh-info.com) – Le chef d’état-major des Armées (CEMA)  Pierre de Villiers vient de remettre sa démission au président de la République.

Entretien avec Bruno Besson, journaliste et ancien président de l’Association des journalistes de défense (AJD)

Breizh-info.com : Bruno Besson, d’après vous, qu’est-ce qui a motivé le CEMA à démissionner?

Bruno Besson : Je crois que la démission résulte d’abord d’un sentiment de perte de confiance, voire de trahison éprouvée par Pierre De Villiers à l’égard du Président. S’il avait accepté (fin juin) de rester un an de plus à son poste, c’est parce que le président lui avait donné des assurances sur ce que serait le budget de la Défense sur le mandat. Or, le 11 juillet, il a découvert dans la presse (Le Parisien) qu’on allait lui piquer 850M€ sur son budget…

Donc les assurances n’étaient pas tenues et il l’apprenait par voie de presse! La confiance était sérieusement entamée. Le 12 juillet, devant la commission de la Défense, aux députés qui le questionnent sur les mesures révélées par le Parisien, PDV s’en prend à Bercy (pas à l’Elysée), mais Emmanuel Macron le prend pour lui et, le 13 juillet, il l’humilie publiquement.

La perte de confiance est consommée ! Comprenant que le président ne changera pas, PDV décide logiquement de partir.

Breizh-info.com :  Comment l’institution militaire a-t-elle réagi?

Bruno Besson : Les militaires ont aujourd’hui un sentiment de gâchis et d’injustice: celui qui les a toujours défendus est aujourd’hui sanctionné, en tout cas obligé de partir… La haie d’honneur organisée à Balard pour le départ de Pierre de Villiers est absolument inédite et en dit long sur ce que pensent les armées du départ d’un général qu’elles aimaient et admiraient. Cela signifie que les militaires saluent aussi le fait que leur chef ait refusé tout compromis néfaste pour leur institution.

Breizh-info.com : Quelles conséquences cela va avoir?

Bruno Besson : Pierre De Villiers ne part pas a cause des 850M€ qu’on lui pique, mais parce qu’il ne croit plus que, au terme des 5 ans du mandat, le budget aura atteint les 2% du PIB ; qu’il ne croit plus à la volonté du président d’y arriver. Notez d’ailleurs que le président s’est engagé sur cet objectif (2 % du PIB) pour 2025, soit 3 ans après la fin de son mandat…

Breizh-info.com : Pouvez-vous nous présenter le Général Lecointre, le nouveau Chef Etat Majeur?

Bruno Besson : Il fallait réagir vite et calmer les militaires. Le Général Lecointre est choisi parce que le président l’a sous la main : il était en poste à Matignon. Il ne lui a peut-être pas vraiment laissé le choix. Surtout, il le nomme parce qu’il est reconnu comme un héros par ses pairs (épisode de Vrbanja).Donc, de ce fait, il ne sera pas contesté.

D’ailleurs le communiqué de nomination insiste lourdement sur ce fait d’armes, Macron aussi et le Premier ministre également. C’est effectivement un grand soldat qui a eu des expériences d’OPEX très fortes. Pour autant, il n’a qu’un an de cabinet ministériel, donc connaît bien moins les arcanes budgétaires et politiques que son prédécesseur. En tout état de cause, les militaires ne sont pas prêts pour le putsch!

Breizh-info.com : La presse parle d’une crise majeur et inédite au sein des armées. Si oui, pour quelle raison?

Bruno Besson : Les conséquences des coupes budgétaires se verront plus tard : programmes d’équipements retardés, PME non payées etc. La crise révèle (ou confirme) surtout, je crois, que le président Macron veut diriger seul, en tous cas sans personnalités fortes autour de lui. Il ne pouvait pas ne pas remercier Le Drian de l’avoir soutenu, mais ne le voulait surtout plus à la Défense!

Il lui a donné les Affaires étrangères. Il veut être seul chef de guerre, comme l’indique d’ailleurs la Constitution de la Ve République (faite pour un général). C’est pourquoi il a déjà choisi deux ministres transparentes et a même rétrogradé ce ministère régalien dans l’ordre protocolaire. En quelque sorte, on pourrait dire que Jupiter veut aussi être Mars !

Crédit photo : Flickr Ecole polytechnique Université Paris-Saclay
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2 réponses à “Affaire de Villiers. « Macron Jupiter veut être Maxi Mars » [Interview]”

  1. Magnus dit :

    Excellente analyse !

  2. sylvie dit :

    L’armée française est une institution profondément multiethnique et antiraciste qui collabore activement au remplacement de population.

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