Tour de France. Bernard Thévenet, entre anecdotes, conseils et regard sur le cyclisme [Interview]

03/07/2017 – 07h30 Paris (Breizh-Info.com) – C’est fait : depuis samedi 1er juillet, le peloton du Tour de France s’est élancé pour trois semaines, qui vont réunir des millions de spectateurs et de téléspectateurs sur le bord des routes. Et s’il en est un qui les connait bien ces routes, c’est Bernard Thévenet. Double vainqueur (1975-1977) du Tour de France, vainqueur de multiples étapes, mais aussi du Tour de Romandie, de Catalogne, Bernard Thévenet a également été pendant de nombreuses années une des voix qui commentait le Tour de France sur France Télévisions (entre 1993 et 2007), convertissant des millions de téléspectateurs et des milliers de gamins à la religion du cyclisme.

Cette année, Bernard Thévenet publie ses Carnets de route (Editions Mareuil) dans lesquels il raconte ses débuts en Bourgogne, les premiers critériums, le Tour, les classiques mais également son parcours de technicien et d’organisateur jusqu’à aujourd’hui où il occupe les fonctions de directeur du Dauphiné libéré et de la relation publique sur le Tour de France.

Bernard Thévenet, le grimpeur acharné, qui a fait vibrer les foules sur les routes dans les années 70, livre là de grands moments de l’histoire du cyclisme, passionnants pour qui a, chevillé au corps, ce sport.

Afin de recueillir quelques anecdotes supplémentaires, mais également d’avoir son regard sur le cyclisme actuel, et sur la Grande Boucle 2017, nous avons interrogé ce champion.

Breizh-info.com : Qu’est ce qui vous a amené à écrire cet ouvrage ?

Bernard Thévenet : On me l’a proposé. Je connais Pascal Sergent avec qui je l’ai écris. J’ai écris un livre il y a dix ans qui relatait uniquement ma carrière. Je voulais être un peu plus exhaustif. Je voulais surtout montrer mon cas, celui d’un jeune issu d’un milieu absolument pas favorable au sport, au cyclisme. Avec de la volonté et de l’entêtement, on peut arriver à assouvir ses rêves.

Breizh-info.com : Pensez-vous que le cyclisme de votre époque – où l’on pouvait gravir les échelons même en sortant de nulle part – est encore comparable avec le cyclisme d’aujourd’hui ?

Bernard Thévenet : Le cyclisme a énormément changé, comme a changé la société en général. Elle change dans la forme, mais peu dans le fond. Le cyclisme c’est pareil ; cela a changé dans la façon d’appréhender les courses, mais le fond reste quand même l’entrainement, l’hygiène de vie, « faire le métier », la nutrition. Cela reste le fondement principal du potentiel d’un cycliste.

Breizh-info.com : Si vous ne deviez retenir que trois anecdotes par rapport à votre carrière…

Bernard Thévenet : L’anecdote numéro 1 serait la montée au sommet de l’Isoard, en 1975. ll y avait une foule énorme, presque hystérique, qui m’encourageait follement. J’avais l’impression de leur apporter beaucoup de bonheur.

Deuxième anecdote, ma chute dans les Pyrénées, en 1972, qui m’avait rendu amnésique. Je ne savais plus d’où je venais et où j’allais. Il m’a fallu un moment pour récupérer…

Breizh-info.com : Ce qui ne vous a pas empêché de gagner le Ventoux quelques jours après…

Bernard Thévenet : Oui en effet.

En troisième, le titre de champion de France, qui est quelque chose d’extraordinaire. Ou alors le Tour de Romandie en 1972 car c’était ma première grande victoire internationale. J’avais notamment battu Gimondi – dont j’étais admirateur en étant amateur. Cela fait une drôle d’impression quand on bat quelqu’un à la régulière qu’on prenait pour un géant (vainqueur du Tour d’Italie, de France, Espagne). C’est un coureur que j’aimais bien, et le fait de pouvoir combattre et gagner contre lui, c’était quelque chose pas d’irréel mais d’incroyable. Cela donne un sentiment étrange.

Breizh-info.com : Et concernant les années 80-90-2000, où vous avez continué à graviter dans le monde du cyclisme, quelles seraient les principales anecdotes ?

Bernard Thévenet : Les émotions sont moins fortes que lorsque l’on est sur le vélo, cela marque donc beaucoup moins.
Néanmoins, le fait d’être consultant à la télévision m’a marqué.  C’est un rôle important que de faire partager sa passion à des millions de téléspectateurs. Il faut travailler, s’appliquer pour essayer de faire en sorte que les gens comprennent bien le cyclisme, la tactique, les tenants et les aboutissants, pour qu’ils s’y intéressent encore plus.
Quand on connait bien le cyclisme, pourquoi les équipes roulent, pourquoi un coureur fait ceci ou cela, ça devient plus intéressant.

Je retiens également d’avoir été chef de piste aux 6 jours de Grenoble. Je les avais gagné deux fois. Diriger des grands coureurs, les faire venir, inventer des épreuves pour passionner le public, c’est gratifiant.

Enfin, en troisième, je dirai que j’ai été marqué quand Christian Prudhomme m’a appelé pour prendre la direction du Critérium du Dauphiné qu’ASO venait de reprendre. Un grand moment car ce Critérium, c’est une course durant laquelle j’ai été six fois sur le podium (recordman). C’était une épreuve qui me tenait vraiment à cœur, et en être le directeur a été à la fois intéressant et très émouvant.

Breizh-info.com : Dans les années 90, mais aussi dans vos années, des coureurs ont transmis des valeurs (courage, abnégation, volonté d’aller de l’avant au delà même du cyclisme) aux gamins qui les regardaient. Pensez-vous que dans le cyclisme actuel, on puisse encore s’identifier à certains coureurs ? On a l’impression parfois que ce sont des machines…

Bernard Thévenet : C’est vrai qu’on a envie de ressembler à des coureurs qui ont du panache. Les sportifs qui nous donnent envie de leur ressembler ont du panache, ils ont fait quelque chose qui est inattendu. Virenque attaquait trois cols avant l’arrivée, Jalabert a défendu une fois le maillot vert, avait fait trembler Indurain dans la montée de Mende… ce genre de panache manque un petit peu en ce moment.

Mais cette année si Thibaut Pinot ne cherche pas le classement général, il va essayer d’attaquer, de remporter des étapes, d’avoir le maillot à pois, et à ce moment là ça peut être un bon exemple. Ou si Bardet gagne le Tour, tout le monde voudra l’imiter, ça c’est certain…

Breizh-info.com : Sur le papier cette année, le profil du Tour parait moins dur, contrairement aux autres années. Mais n’est-ce pas propice à un Tour surprise et animé ?

Bernard Thévenet : Le parcours va être très difficile aussi cette année. Ce qui change par rapport aux autres années c’est qu’on n’aura pas une semaine calme avec uniquement des arrivées plates. On commence à monter la Planche des belles filles dès le 5ème jour, ensuite c’est l’arrivée sur la station des Rousses, ensuite une étape très très difficile avec l’arrivée à Chambéry. Cela va nous dégager une hiérarchie plus tôt que les autres années.

Peut être qu’effectivement il y’aura plus de mouvement que les autres années.

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Breizh-info.com : Qui voyez vous cette année ?

Bernard Thévenet : Tous les ans nous disons cela, c’est relativement ouvert. Pas vraiment de favori. Il y aurait du avoir Froome mais comme il n’a pas été transcendant sur le Dauphiné, on se pose des questions. Pour l’instant ils sont plusieurs favoris. Il y a Porte également mais il n’a jamais réussi à passer toutes les étapes sur le Tour sans défaillance ou un mauvais moment . Peut être qu’il sera bon tous les jours maintenant avec l’âge et le temps.

On compte sur Romain Bardet. Un jeune comme Pierre Latour, on aimerait bien le voir aussi. C’est vraiment un espoir.

Le Tour peut être intéressant, mais ce sont les coureurs et les directeurs sportifs qui vont faire qu’il y ait ou pas du mouvement. Le parcours est fait pour ceux qui veulent attaquer. Il y a énormément de possibilités tout au long des étapes, pour lancer des attaques. Pour faire des offensives et faire basculer la course.

Breizh-info.com : Quelles sont les courses que vous avez aimé faire en Bretagne ? Et celles que vous aimez suivre aujourd’hui ?

Bernard Thévenet : J’ai fais le championnat de France à Plumelec, super souvenir. Quelques passages du Tour mais plutôt plats, donc c’était pas mon truc. J’ai fais le Tour d’Armorique, le Granitier Breton chez les amateurs. J’y ai disputé une de mes premières courses internationales, le Grand Prix de France, qui changeait de lieu tous les ans. En 1966, j’avais fais 4ème, d’un CLM de 60 km.

Aujourd’hui, je suis pas mal de courses en Bretagne. A travers le Morbihan. Le Grand prix de Plouay, le Tour de Bretagne. La route Adélie… C’est une région qui est restée très organisatrice, même si ce n’est plus celle qui a le plus de licenciés aujourd’hui.

Breizh-info.com : Quels sont vos projets par rapport au cyclisme dans les mois à venir 

Bernard Thévenet : Pour l’instant je fais le Tour de France avec ASO (les relations publiques) et puis dans les années à venir je vais continuer à m’occuper du Critérium du Dauphiné.

Breizh-info.com : Roulez-vous encore ?

Bernard Thévenet :De temps en temps. Pas assez en raison de mes occupations. La dernière sortie que j’ai faite était l’Ardéchoise, le parcours de 90km. Ça va moins bien qu’avant (rires) ! Mais j’aime beaucoup rouler quand il fait beau, c’est vraiment agréable. Mais maintenant il faut être très attentif, tenir sa droite, il y’a beaucoup d’accident. Il faut trouver des routes sans circulation et cela devient compliqué à certains endroits.

Breizh-info.com : Quels conseils donneriez vous à un jeune qui a envie de se lancer dans le cyclisme aujourd’hui ?

Bernard Thévenet : Le conseil principal est de se rapprocher d’un club. Avec de bons dirigeants qui vont lui donner les premiers conseils, les premières consignes, l’aider à s’équiper. Qui vont discuter avec les parents, car ils ont aussi un rôle à jouer. Leur montrer ce qu’est le cyclisme, ce qu’il faut faire au début (pas la peine d’acheter un vélo à 5000 euros pour débuter). L’important, c’est une accumulation de petits détails que l’on a surtout avec les dirigeants de club.

Aller voir ce club, discuter avec eux, découvrir le cyclisme, apprendre ce qu’il faut faire pour devenir coureur, ce que ça demande d’entrainement. Si le jeune est décidé, il signera une licence et le club l’aidera.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo :  DR
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