Y-a-t-il un fasciste à Las Vegas ? Ou Emmanuel Macron décrypté par Umberto Eco

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Le fascisme (prononcer facisme  car cela le francise) a, une fois de plus, hanté notre vie politique ces derniers mois. Des journaux forcément bien-pensants (Ouest-France par exemple) ont rappelé sa menace. Ils ont appelé à la rescousse un essayiste de renom mondial, Umberto Eco, disparu en 2016. Un éditeur, Grasset, a opportunément édité une de ses conférences, prononcées en 1995, à l’Université de Columbia (New-York). Un opuscule de 52 pages, vendu 3 euros et titré : « Reconnaître le fascisme ».

Auteur d’un « Nom de la Rose » (1980) qui fit sa réputation, Eco passe encore, aux yeux de certains, pour le référent absolu en matière de sémiologie. Cette science sociale qui « étudie la vie des signes au sein de la vie sociale » (Robert). Eco l’avait triturée au point de la transformer en un « possibilisme ». Il faisait un usage systématique de l’abduction, ses syllogismes partant d’une prémisse majeure certaine pour conclure en mineure. seulement probable. Il appelait ça la méthode du détective.

Au risque de passer pour un ignare, je parlerai plutôt de mécanique de l’enfumage. Il a fallu tout le talent de Jean-Jacques Annaud pour tirer du Nom de la Rose un petit bijou cinématographique. Car le roman, rarement lu en entier, est aussi soporifique que labyrinthique.

A en croire ses propos de 1995, Eco, 8 ans en 1940, ne s’est jamais remis de son enrégimentement dans les « ballila » et, à la Libération il revint à la vie en lisant des « comics » distribués par les G.I.’s. Sa conférence associe donc anecdotes personnelles, platitudes et propos flatteurs pour son auditoire à une réflexion de fond sur le fascisme.

Il y a de bons morceaux lorsqu’il explique que le régime mussolinien était une dictature de type « fuzzy », floue, confuse, imprécise. Elle ménageait en fait des temps de liberté dont profitèrent artistes, architectes et une majorité d’écrivains et de penseurs. La répression ne s’abattit que sur les plus coriaces. Le passage aux îles lipari de Malaparte ou la relégation de Carlo Levi à Eboli attestent que tout cela n’avait rien à voir avec Dachau ou les caves de la Loubianka.

Où cela se gâte chez Eco, c’est lorsqu’il énumère les 14 points qui permettent d’identifier un fasciste à n’importe quelle époque, dans n’importe quel point du monde. Un travail de flic de la pensée, navrant, bête à pleurer et qui rappelle, sur un autre plan, la boite à outils du regretté François Hollande.

Eco, à la recherche du fascisme originel, matriciel, en vient à affirmer qu’il combine culte exagéré, agressif des racines, de l’identité et fascination pour l’extrême modernité. Ce qui est proche de la réalité vécue, voulue et trop souvent  fantasmée du « ventennio fasciste » (1922-1943). Mais Eco n’est pas un essayiste de la pointure d’un Giovanni Gentile, théoricien effectif de l’État fasciste (assassiné par les communistes, le 15 avril 1944) ou d’un Renzo de Felice (disparu en 1996), trop peu traduit en français ( Les interprétations du Fascisme, les Syrtes, 2000), historien essentiel de cette période de l’histoire italienne. Il en reste à la dénonciation, à son boulot de mouchard.

Eco à la rescousse, en pleine campagne électorale, alors que Marine Le Pen affrontait les candidats « républicains », combinaison d’Evita Peron et d’Eva Braun, à la blondeur infâme… une bonne idée… sauf que…

Visitant, à Las Vegas, en janvier 2016, le salon de la « French Tech Night », le ministre des Finances Emmanuel Macron prit le temps de s’arrêter devant le stand de la « start up » nantaise 10-Vins. Il admira sa machine vedette, la « Di vine » qui vous met les grands crus en éprouvette pour que vous puissiez les déguster dans l’instant au mieux de leur forme : La « nespresso » du vin.

Emmanuel Macron goûta, s’enthousiasma. Le Margaux ou le Chinon aidant, l’échange prit une tournure conceptuelle. Oui, c’était là défendre, exalter le génie français, ses terroirs, ses racines, la « french identity ». Associés à la technique la plus sophistiquée, les vins de France, marqueurs essentiels, continueraient à s’imposer au monde.

Autant dire que si l’on s’en tient à la fiche d’identification du fasciste éternel prescrite par Umberto Eco, notre (déjà) vénéré président n’a plus qu’à passer à la trappe. Cornegidouille !

Jean Heurtin 

Crédit photo : DR
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5 réponses à “Y-a-t-il un fasciste à Las Vegas ? Ou Emmanuel Macron décrypté par Umberto Eco”

  1. An dit :

    Faut croire que l’auteur de ce texte à lui-même abusé de la bouteille pour penser une seconde qu’il y avait le moindre intérêt à le proposer à la publication.
    Atterrant.
    Alors qu’il y a bien des choses à dire sur le fascisme qui revient par Macron.
    Mais encore une fois, les droitards, écoeurés de constater qu’il y a plus fort qu’eux au jeu des symboles, ne proposent rien
    Eco, l’intellectuel gauchiste qui a fondé son succès sur la malhonnêteté intellectuelle ?
    Bien.
    Dégoûtez en donc de potentiels lecteurs. Ils n’auront jamais l’occasion de découvrir l’imaginaire médiéval dont se nourrit Eco.
    C’est très productif tout ça.
    Critiquer, toujours critiquer l’adversaire. Ne respirer que par l’adversaire. La stratégie du FN, ça. Avec les résultats.
    Vaudrait peut-être parler d’Abélard, par exemple ? Exalter cette figure bretonne, non ?
    Tiens, c’est marrant, un des rares intellectuels à pouvoir être une porte d’entrée à la scolastique, c’est l’affreux antifasciste d’Eco.
    Le Nom de la Rose, soporifique ? Sans doute faut-il avoir un minimum de culture médiéval pour relever l’incroyable texte ludique proposé. Eco en a d’ailleurs sorti une version simplifiée pour que des plus jeunes ne soient pas effrayés, et ainsi espérer encore disitiller ce monde médiéval tant méprisé.
    Labyrintique ? Euh… C’est, justement, une volonté de l’auteur et en ce sens, une vraie réussite littéraire.
    Eco a d’ailleurs été le 1er critique enthousiaste de l’adaptation d’Annaud, grand film européen s’il en est. Et admis que la vision cinématographique du labyrinthe du livre (mais vous vous êtes sûrement arrêté avant pour lire des auteurs de la dissidence pour des frissons à peu de frais et d’efforts) était supérieure à celle littéraire.
    Comment prétendre intéresser à nos racines en espérant une ligne droite et claire ? C’est un mensonge. Tout raccourci entre justement dans la fantasme identitaire qui permet d’identifier le fascisme, ce dont Macron use et abuse.
    Eco aimait profondément cette culture médiévale et lui a rendu une noblesse auprès du grand public dans le tombereau de mépris où il est encore trop souvent maintenu.
    Il a même clairement identifier notre époque au Bas-Empire romain. Ce qui paraît assez explicite sur la vision qu’il avait de demain.
    Mais c’est tellement plus gratifiant de citer des auteurs qui ne sont pas politiquement correct, n’est-ce pas ?
    Pose dissidente binaire, faussement réfléchie ( on peut en faire de la semio depuis ce mot), insupportable face aux complexités à venir.
    Avec des critiques pareils, Macron peut bien jouer avec ses smartphones l’esprit tranquille.

  2. Tite dit :

    Rien compris. D’accord avec An… Mais pas avec Eco… Je trouve son roman bien meilleur que le film de Annaud.
    Il faut également lire ce pavé (mais pas indigeste) qu’est,  » Le pendule de Foucault « . Le reste de sa prose est un peu plus décevant.

    • An dit :

      Concernant le film, Eco parlait de la vision de la bibliothèque-labyrinthe, pas des qualités des œuvres.
      Le film est évidemment moins riche mais reste à mes yeux un tour de force (sa scène d’amour ayant fasciné ma génération il faut bien le dire).
      D’accord avec vous en ce qui concerne ses romans.
      J’adore « Le Nom de la Rose », car j’adore cette époque mais « Le Pendule de Foucault » lui est peut-être supérieur. Tout du moins plus accessible alors que pas moins exigeant.
      « La Mystérieuse Flamme de la Reine Loana » ayant l’intérêt de l’intime, suite à deux livres plutôt abscons.
      Il faut vraiment aimer l’Histoire, les mythes et légendes pour apprécier « L’île du Jour d’Avant » (longuet mais aux derniers chapitres sublimes) et « Baudolino » amusant mais plutôt vain, sauf dans son entreprise à décrire une culture occidentale prête à conquérir le monde. Et comme toujours chez Eco, la fin relève l’intérêt de certaines longueurs.
      Ces deux romans se suivent d’ailleurs dans cette description de la mondialisation par l’Europe, « l’Île » et la science, « Baudolino » et l’imaginaire, ce n’est certainement pas fortuit, et jamais on n’y trouve un jugement moral sur certains modes de pensées de l’époque. Mais une certaine tendresse par l’humour, de considérations passées qui peuvent nous sembler étranges. Dans ses livres, le bas Moyen-Âge et le début de la Renaissance sont épiques, baroques, surréalistes, mystiques, énergiques, jamais obscurantistes.
      « Numéro Zéro », anecdotique et avec 20 ans de retard, quand « le Pendule » en avait 20 d’avance. Mais, surintéprétration de ma part, des signes d’un homme vieillissant désespéré de constater que notre époque, qui pourrait être vue comme un Âge d’or dans des siècles à venir, sombre dans une telle médiocrité ?
      Eco semblait être affable. Ses dernières années, grave. Mais il était malade, ceci expliquant peut-être cela. J’ai pourtant du mal à le voir en cynique. Le souvenir du Moyen-Âge qu’il aimait tant, déjà moribond, est condamné. Et son époque de foisonnement intellectuel (pour le meilleur et pour le pire), aussi.
      J’oubliais « Le Cimetière de Prague ». Logique, seul roman vain à mes yeux. Sorte de doublon du « Pendule » sur un monde plus souvent abordé. En surinterprétant encore, peut-être y a-t-il quelque chose à creuser avec la schizophrénie du personnage principal. Eco s’attaque aux sources de l’antisémitisme moderne mais a pris le risque d’être accusé d’antisémitisme lui-même. Il faut reconnaître une certaine ambivalence du roman sur la question: l’effet des propos antisémite à longueur de pages demande une grosde distance émotionnelle au lecteur. Voulue ? Eco ne peut certainement pas avoir été naïf sur cette question.
      Ou la constatation que cet antisémitisme aura été la dernière pelletée sur la tombe de l’Occident, déjà affaibli auparavant mais achevé par une paralysie morale des camps. Usé et abusé par d’autres par la suite, Eco, lui, ne tombant pas dans la facilité de la dénonciation crasse (ce qui laisse justement cette place à l’ambivalence pour le lecteur). Ou quelque chose m’a échappé. Peut-être lui redonnerais-je un jour une chance.

  3. Eschyle 49 dit :

    Pour comprendre , lisez ceci ( 26.372 vues ) : http://reseauinternational.net/avons-nous-elu-un-fou/

    • An dit :

      La question n’est pas de savoir si Macron est un fou dangereux. Il l’est, assurément.
      La majorité des Français s’en doutent fortement, elle n’a pas voté pour lui.
      Ceux qui l’ont fait n’étaient certainement pas enthousiastes et ne devraient pas mettre longtemps à se poser des questions.
      Reste les autres, mais ils sont certainement aussi fou que lui.
      L’important est de savoir si Umberto Eco doit être cité par des personnes qui ne le comprennent pas.
      Il ne faut pas perdre de vue l’importance des choses en ces temps sombres.
      Macron ou un autre… La décadence ira simplement un peu plus vite.

      Sinon, vous êtes de l’Anjou ?
      J’espère alors que vous soutenez la réunification du 44 à la Bretagne.
      Nantes vous a volé Cholet. Rennes prend Laval. Si vous ne voulez pas que les campagnes de l’Anjou soient des zones de résidences secondaires pour émigrés à Nantes ou à Paris qui investissent pour leurs retraites…
      Les Bretons ont besoin de vous ! Séparons-nous pour fonder une véritable alliance !

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