24/06/2017 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) ‑ Le « plus grand plan social de l’année », comme on l’appelle déjà – la mise au chômage de centaines et peut-être de milliers de personnes nourries par la politique ‑ va être sévère en Bretagne du fait du renouvellement subit de la classe politique.
Pour les ex-députés, passe encore. Quelques-uns peuvent retrouver leur activité d’autrefois. Jean-Luc Bleuven (Finistère), par exemple, possède une exploitation agricole ; déjà battu aux municipales de 2014, il a eu le temps de réfléchir à un nouvel échec. Quitte à se serrer la ceinture, certains ex-députés pourront se reporter sur d’autres mandats ; Isabelle Le Callennec (Ille-et-Vilaine) ou Michel Ménard (Loire-Atlantique) sont ainsi conseillers départementaux. Ceux qui étaient fonctionnaires, comme le professeur de droit Jean-Jacques Urvoas (Finistère) peuvent retrouver leur poste. Les sexagénaires, comme Michel Lesage (Côtes d’Armor), sont éligibles à une retraite confortable. Les autres ont droit une indemnité mensuelle dégressive – de 6 000 euros les premiers mois.
Pour des dizaines de collaborateurs parlementaires, en revanche, l’avenir s’annonce plus sombre. Au niveau national, certains revendiquent le bénéfice du régime de licenciement économique, comme s’ils étaient salariés d’une entreprise en faillite. Leurs indemnités de chômage s’élèveraient alors à 75 % de leur salaire au lieu de 57 %. L’idée de faillite appliquée au Parti Socialiste ou aux Républicains peut avoir un aspect jubilatoire dans l’ambiance actuelle d’hostilité aux partis traditionnels. Mais la loi décrit précisément les conditions du licenciement économique et il paraît exclu qu’elle puisse s’appliquer à ce cas. D’ailleurs, on imagine mal un assistant parlementaire traîner devant les prud’hommes son patron lui-même renvoyé par les électeurs : ce serait obérer définitivement une carrière déjà mal partie !
Coup de chapeau aux militants, haro ! sur les permanents
Quelles sont les possibilités de recasage ? Le parti socialiste « tient » la Bretagne depuis longtemps. Il y a bâti un écosystème qui permet des embauches dans divers organismes sous contrôle. Un grand nombre d’élus socialistes ont été salariés de mutuelles, d’associations subventionnées ou de sociétés d’économie mixte ; cela avait été le cas de Michel Ménard et Michel Lesage, cités plus haut. Mais l’afflux soudain des réfugiés dépasse aujourd’hui les possibilités d’absorption. D’autant plus que les fédérations départementales des partis en déroute vont elles aussi devoir licencier une partie de leurs permanents.
Il est probable en outre que certains patrons d’exécutifs locaux ne montreront pas beaucoup d’empressement. Un maire qui voudrait se ménager la possibilité de négocier l’étiquette En Marche ! pour les prochaines élections municipales, dans moins de trois ans, n’a évidemment pas intérêt à truffer son entourage d’apparatchiks socialistes. À Nantes, Johanna Rolland, qui doit toute sa jeune carrière au P.S., s’est empressée de tourner la page de ce parti qui « s’est progressivement délité, devenant un archipel d’egos et de clans, dilapidant la force collective que constituent ses militants engagés ». Les militants oui, les permanents non, en somme. Vae victis.
La Loire-Atlantique, laboratoire de la casse sociale
Les socialistes de Loire-Atlantique ont un petit temps d’avance sur leurs collègues des autres départements bretons : ils ont déjà commencé à faire l’apprentissage de l’austérité. Voici deux ans encore, leur parti tenait tout : Nantes depuis 1989, sa communauté urbaine depuis 2001, le département et la région des Pays de la Loire depuis 2004. La perte de la région, présidée par Bruno Retailleau (Les Républicains) depuis 2015, a été un coup de semonce.
Fils d’une députée socialiste élue sans interruption depuis 1997, Christophe Clergeau n’avait alors, à 46 ans, aucune réelle expérience professionnelle en dehors de la politique. Premier vice-président de la région des Pays de la Loire, il était programmé pour succéder à Jacques Auxiette. Les électeurs en ont décidé autrement. Désormais simple conseiller régional, il a vu ses revenus s’effondrer. Comment mettre du beurre dans les épinards ? Ainsi qu’il l’a expliqué à Simon Janvier sur la Radio des Entreprises, des amis bien placés lui ont dit que son pedigree le rendait inembauchable mais que « si tu créais ta propre entreprise, on pourrait peut-être te faire travailler ».
Ce qui fut fait : Christophe Clergeau a créé une société de conseil, C2Stratégies, chargée d’animer l’Observatoire des énergies de la mer, organisme de lobbying constitué par les industriels du secteur pour défendre leurs intérêts à l’occasion des élections de 2017. À ses côtés, une autre victime de l’élection régionale, Étienne Pourcher, ancien délégué aux énergies marines à l’Agence régionale des Pays de la Loire – et ancien élu local P.S. dans les Vosges. Et aussi, pour se garantir à droite, Marc Lafosse, océanographe respecté mais également conseiller municipal de Bordeaux… Cependant une reconversion de ce genre est fragile. L’Observatoire des énergies de la mer a été créé à l’automne dernier « à titre expérimental » pour un an. Ses animateurs étant subitement devenus beaucoup moins bankables depuis le raz-de-marée d’Emmanuel Macron et de La République en marche, on peut douter que l’expérience soit prolongée.
Le temps des reclassements est venu
Un autre exemple de victime économique des revers électoraux socialistes est celui d’Édouard Gassin. Peu d’électeurs bretons, sans doute, ont remarqué le héros modeste de la vidéo n° 10 réalisée par le Parti socialiste pour la campagne officielle des dernières élections législatives. « Je m’appelle Édouard Gassin, j’ai 40 ans, j’habite à Nantes, je suis chef d’entreprise », annonçait-il avant de préciser : « il y a trois ans, notre entreprise s’est retrouvée en difficulté et on est passés à trois semaines du dépôt de bilan ». En fait, la petite agence de communication d’Édouard Gassin, Mille Watts, s’est très bien portée jusqu’en 2014 : elle a réalisé cette année-là un chiffre d’affaires de près de 600 000 euros. Avec parmi ses principaux clients la région des Pays de la Loire, dont elle gérait notamment le site web. Depuis 2015, elle refuse de publier ses données financières ; la loi le lui permet, mais ce n’est jamais très bon signe.
Précision de M. Gassin, qui nous a contacté dans la foulée de l’article : « Notre SARL réalise 95% de son chiffre d’affaire grâce à son activité Campus Com (communication des universités et grandes écoles) et non sa marque Mille-Watts effectivement dédiée à la communication politique (moins de 30 000 euros de chiffre d’affaires cette année, contre plus de 550 000 euros pour l’activité Campus Com). Cette activité d’accompagnement d’élus pendant les campagnes électorales n’a pas pour objet d’être très rentable et la déroute de nos malheureux candidats PS aux législatives n’aura aucun impact sur la santé économique de notre entreprise et nos salariés. Quant à nos résultats financiers, ils sont malgré un passage difficile en 2015 lié principalement au départ imprévu et soudain d’un des associés historiques, ils sont aujourd’hui très bons avec près de 70 000 euros de bénéfices en 2016 pour un chiffre d’affaire de 550 000 euros. »
Mille Watts a tenté de développer davantage ses activités au service du personnel politique. Elle se veut la « première agence dédiée à la communication politique locale en France » et travaille principalement pour des notables socialistes. Johanna Rolland lui a confié son site web personnel. Le désastre électoral de 2017 annonce évidemment des lendemains qui déchantent. Mille Watts intervient aussi pour des universités, dont celles de Nantes et de Rennes 2, sous la marque Campus Com. Si professionnel soit-on, être proche du pouvoir est un atout commercial dans ce métier. Oui, mais cet atout peut devenir d’un seul coup un handicap quand le pouvoir s’effondre sans espoir raisonnable de retour à meilleure fortune…
Le bouleversement électoral a donc donné le coup d’envoi d’une tectonique des plaques économiques locales. Fera-t-elle beaucoup de victimes ? Ce n’est pas si certain en réalité. Les macronistes vont devoir constituer leur propre écosystème presque ex nihilo. On peut donc imaginer que, d’ici les prochaines élections départementales et municipales, beaucoup d’obligés du socialisme vont se prendre soudain de passion pour le nouvel occupant de l’Élysée…
Crédit photo :[cc] extrait d’une copie d’écran de DailyMotion
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
3 réponses à “Que vont devenir les victimes du plan social post-électoral ?”
On comprend mieux pourquoi il y a tant de fonctionnaires en politique quand on les voit sans problème retrouver leur poste après un échec électoral! Sans compter que les deux retraites vont se cumuler……….!
J’ai déjà utilisé toute ma compassion ,là je n’en ai plus 1 nano gramme !
Article même pas signé ,qui n’a aucune importance du faît que tout ce moche monde ,connaît très bien les tenants et les aboutissants de se présenter en politique ,ces gens là n’ont certainement pas pensé au pauvres français qu’ils ont dû eux mêmes mis dans la misère ,donc je ne vais pas les plaindre !
Bonjour,
j’ai découvert avec étonnement votre article évoquant mon nom et celui de notre agence de communication. Celui-ci comporte des données inexactes que je souhaiterais vivement que vous puissiez corriger.
Notre SARL réalise 95% de son chiffre d’affaire grâce à son activité Campus Com (communication des universités et grandes écoles) et non sa marque Mille-Watts effectivement dédiée à la communication politique (moins de 30 000 euros de chiffre d’affaires cette année, contre plus de 550 000 euros pour l’activité Campus Com).
Cette activité d’accompagnement d’élus pendant les campagnes électorales n’a pas pour objet d’être très rentable et la déroute de nos malheureux candidats PS aux législatives n’aura, bien heureusement, aucun impact sur la santé économique de notre entreprise et nos salariés.
Quant à nos résultats financiers, malgré un passage difficile en 2015 lié principalement au départ imprévu et soudain d’un des associés historiques, ils sont aujourd’hui très bons avec près de 70 000 euros de bénéfices en 2016 pour un chiffre d’affaire de 550 000 euros.
Vous remerciant de bien vouloir rétablir ces données factuelles.
Bien cordialement.