23/06/2017 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) ‑ L’inauguration du musée d’arts de Nantes, ce soir, mettra un point final à l’un des pires « accidents industriels » de l’ère Ayrault. Après la rénovation spectaculaire du château des ducs de Bretagne achevée en 2007, Jean-Marc Ayrault avait décidé de redorer le blason du musée des Beaux-arts. Fondé sous le Consulat, en 1801, celui-ci était devenu l’un des plus importants musées de France dès 1810 grâce au rachat de l’immense collection des frères Cacault. Depuis lors, ses collections ont été régulièrement enrichies par une active Association des amis du musée (dont les choix n’ont pas tous été pertinents, mais c’est une autre histoire). Elles comptent aujourd’hui plus de dix mille œuvres.
Le musée était logé depuis 1900 rue Clemenceau, dans un palais d’aspect monumental et solennel conçu par un architecte d’origine nantaise, Clément-Marie Josso. Élaboré avec le concours d’un cabinet d’architectes londonien rémunéré plusieurs millions d’euros, le projet de rénovation comprenait trois volets. D’une part, la construction de deux bâtiments supplémentaires – des immeubles fonctionnels sans grande valeur architecturale, significativement dénommés « le 14 » et « le cube » ‑ offrant au total 4 300 m² de surface supplémentaire, dont 2 000 m² d’espaces d’exposition. D’autre part, la création d’un passage reliant le bâtiment d’origine et les bâtiments nouveaux à la chapelle de l’Oratoire (17e s.), très proche et déjà utilisée depuis plus de vingt ans comme annexe du musée. Enfin, l’augmentation de moitié de la superficie du bâtiment existant par le creusement du sous-sol pour créer 5 800 m² de surface supplémentaire.
Un budget finalement pharaonique
Le projet, dans la configuration ci-dessus, avait été présenté en 2009 au conseil municipal de Nantes par Jean-Louis Jossic, alors adjoint à la culture. Le chanteur des Tri Yann avait annoncé un « montant total » de 34,6 millions d’euros HT. Lors de la fermeture du musée pour travaux, en septembre 2011, Jean-Marc Ayrault avait annoncé sa réouverture en 2013. Il avait très vite été démenti. Comme le savent tous les architectes locaux, le sous-sol nantais est spécialement piégeux. La découverte inopinée d’une importante nappe phréatique a bouleversé les plans et largement retardé le chantier. De retour en 2012 devant le conseil municipal de Nantes, Jean-Louis Jossic a présenté un nouveau projet dont le « coût total d’opération » s’élevait à 83,28 millions d’euros(1).
Le dossier est néanmoins resté enlisé pendant encore plusieurs mois, plusieurs avis de marché majeurs restant en déshérence faute de candidats. Devant l’enlisement du dossier, la ville de Nantes a enfin décidé en 2013 de confier l’ensemble des travaux à une entreprise unique, Quille Construction, espérant qu’elle se montrerait plus efficace que les procédures administratives. Mission presque remplie : la livraison des travaux neufs devait intervenir au plus tard le 30 septembre 2016, celle du bâtiment rénové le 30 janvier 2018. L’ensemble ouvrira finalement le 23 juin 2017. L’opération aura coûté au total 88,5 millions d’euros ‑ soit presque autant que la construction du musée Guggenheim de Bilbao, observe le polémiste nantais Sven Jelure.
Le sombre tableau ci-dessus n’est pourtant pas complet. Dès 2009, en prévision des travaux, la ville de Nantes avait acheté un immeuble où elle comptait stocker les œuvres du musée. Très vite, il s’était révélé inadapté ; il a fallu en construire un nouveau. Suite au déménagement des œuvres en 2010, une campagne de désinsectisation par anoxie avait été menée. Pas suffisante sans doute puisqu’une nouvelle campagne a dû avoir lieu en 2014.
Pour l’inauguration, un choix qui déçoit
Enfin, même fermé, le musée des Beaux-arts de Nantes, a connu des problèmes de direction. Il continuait à fonctionner en mode réduit, exposant dans la chapelle de l’Oratoire ou en collaboration avec d’autres institutions. Cela a été suffisant pour pérenniser les tensions avec la municipalité nantaise. Celles-ci sont récurrentes depuis des années. En 2006, la ville s’était brusquement séparée de la conservatrice, Corinne Diserens. Le poste était resté vacant pendant des mois avant l’arrivée d’une remplaçante, Blandine Chavanne. Après avoir avalé pas mal de couleuvres, celle-ci a fini par claquer la porte en 2015. Elle dirige aujourd’hui la sous-direction des musées au ministère de la Culture et de la Communication.
Quelques mois se sont à nouveau écoulés avant la nomination d’une nouvelle conservatrice, Sophie Lévy, HEC, précédemment patronne du LaM (Lille Métropole Musée d’art moderne) à Villeneuve-d’Ascq. Celle-ci assure vouloir « réenchanter le musée d’arts de Nantes ». Il lui faudra d’abord enchanter les Nantais. Ce n’est pas gagné. « Étant donné l’importance de l’événement, l’argent que Nantes y a mis, on comptait que la réouverture du musée serait marquée par une grande exposition de prestige international », note un fidèle du musée d’autrefois. « Nous aurons en réalité une installation d’une plasticienne presque inconnue. Je n’ai rien contre Susanna Fritscher mais c’est un choix incompréhensible. »
Le musée rénové et rebaptisé musée d’arts au lieu de musée des beaux-arts – personne ne semble vraiment savoir pourquoi – ouvrira ses portes ce 23 juin à 19 h et jusqu’à 23 h. Il sera ouvert tous les jours sauf le mardi de 10 h à 19 h (nocturne le jeudi jusqu’à 21 h). Entrée plein tarif : 8 €. Et il compte ratisser large avec son Café du musée, dirigé par Éric Guérin, célèbre chef de La Mare aux oiseaux à Saint-Joachim.
(1) Pour expliquer l’augmentation colossale du budget (+ 140 %), Jean-Louis Jossic a affirmé que celui voté en 2009 ne portait pas sur la totalité du projet présenté mais uniquement sur une « première phase » : la construction de bâtiments neufs. Pourtant, les procès-verbaux du conseil municipal en font foi, il avait bien présenté le projet comme un tout. « Nous nous situons dans les coûts les plus économiques par rapport aux surfaces que nous allons réhabiliter », avait-il même assuré. Cependant, la publication officielle d’attribution du marché de maîtrise d’œuvre au cabinet Stanton-Williams, en 2010, ferait bien état de deux tranches de travaux, respectivement évaluées à 19 et 27 millions d’euros HT, sans rapport donc avec le budget voté quelques mois plus tôt par le conseil municipal, les superficies mentionnées étant aussi réduites par rapport à celles indiquées en 2009.
Crédit photo :[cc] Photo musée d’art de Nantes : Yhs, via Wikimedia Commons.
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