Retrouvez ci-dessous l’analyse du Général Dominique Delawarde à propos des élections législatives en France et au Royaume-Uni.
A trois jours d’intervalle deux élections majeures se sont déroulées dans deux grands pays européens. Elles présentent toutes deux des aspects que l’on peut qualifier d’historiques tout en se différenciant très fortement quant à leurs résultats. Les médias n’ayant pas traité de tous les aspects de ces deux élections, je me permets d’en faire apparaître certains pour susciter la réflexion.
Au Royaume Uni, Thérésa May disposait, au début d’avril, d’une majorité absolue. Se fondant sur les sondages qui donnaient une avance considérable aux conservateurs en cas d’élection anticipée, elle a pris, le 18 avril 2017, le risque d’organiser une nouvelle élection pour élargir sa majorité et pouvoir négocier le Brexit en position de force. Mal lui en a pris. Peu charismatique, elle a conduit une mauvaise campagne et perdu sa majorité absolue. Elle devra donc désormais composer avec d’autres partis et courir le risque de perdre le pouvoir. Que s’est-il donc passé dans l’opinion anglaise pour que les électeurs votent, une fois de plus après le BREXIT, contre les sondages et les médias.
S’agissant de Theresa May, son programme d’austérité, de réduction des dépenses publiques et la volonté de négocier un Brexit dur étaient connus de longue date. Ils ont pu jouer un rôle dans la contre-performance de Theresa May, mais peut être moindre que ce qu’on en dit les médias.
Les deux attentats successifs de Manchester et de Londres ont donné au thème de la Sécurité une grande importance dans la campagne électorale. Les médias, très majoritairement pro-May, en ont profité pour attaquer sans relâche Jeremy Corbyn sur ce sujet, les travaillistes étant souvent jugés laxistes en matière de Sécurité.
Corbyn a riposté avec le plus grand calme en attribuant la montée du terrorisme à l’«incompétence» de Thérésa May dans ses précédentes fonctions de Ministre de l’Intérieur, et notamment à la forte réduction des effectifs de Police qu’elle avait conduite. Mais il a surtout expliqué, avec force et constance, la montée du terrorisme par une politique étrangère irresponsable d’alignement systématique sur le bellicisme US, une politique étrangère irresponsable d’ingérence tous azimuts dans les affaires d’états souverains, une politique étrangère irresponsable de mensonges et de bombardements (Irak, Syrie, Libye) qui ne servent en rien les intérêts du Royaume Uni, une politique étrangère irresponsable de soutien inconditionnel aux excès de l’état hébreu.
A la surprise générale, ce discours sur la politique étrangère britannique semble avoir été entendu et compris, surtout par les jeunes, qui se sont mobilisés en masse et ont voté majoritairement pour Jeremy Corbyn. Thérésa May a donc fini par perdre sa majorité absolue……. en partie sur les thèmes de la sécurité et de la politique étrangère, ce que les médias ont «oublié» de commenter….
Ce qui est historique dans l’élection au Royaume Uni , c’est le taux de mobilisation des jeunes qui s’est traduit par un taux de participation jamais atteint dans ce type d’élection outre Manche (76%), ce qui est plutôt sain dans une démocratie digne de ce nom.
Ce qui est historique c’est que 40 % des britannique aient pu voter, contre la pression des médias et de certains lobbies, pour un homme qui remet en cause l’allégeance automatique et le suivisme du Royaume Uni aux USA, pour un homme qui prône la non ingérence, pour un homme qui explique la montée du terrorisme par les excès et les bombardements injustes de la coalition occidentale contre des pays qui ne leur demandaient rien (Irak, Libye, Syrie) pour un homme clairement pro-Palestinien et qui assume clairement son anti-sionisme . …., en liaison avec ses nombreux amis israéliens.
Madame Thérésa May reste au pouvoir, mais elle est affaiblie. Elle aura désormais des difficultés à imposer son point de vue, notamment en matière de politique étrangère.
Et pendant ce temps, en France …
Au taux de participation historiquement haut de l’élection britannique du 8 juin, s’oppose le taux historiquement bas de l’élection française du 11 juin.
Jamais dans l’histoire des élections législatives françaises le taux d’abstention n’avait atteint un tel niveau.: 51,3 % auxquels on peut d’ailleurs ajouter ajouter 1,08 % de votes blancs ou nuls…..
Il y donc bien eu un «tsunami historique d’abstentions» qui n’est évidemment pas sans raison et sans risque pour le futur.
Le deuxième fait historique est le très faible score, en voix, du parti du président «La République en Marche» qui ne rassemble sur ses candidats que 6,39 millions de suffrages soit 13,3 % des inscrits. En d’autres termes, 41,2 millions d’électeurs, soit 86,7% des inscrits n’ont pas voté pour le parti d’un Président pourtant élu avec 8,4 millions de voix au premier tour (où est le vote d’adhésion tel que les médias nous l’ont présenté ?
Jamais dans l’histoire des législatives françaises le parti du Président élu n’a obtenu, au premier tour des législatives, les suffrages d’adhésion d’un aussi faible pourcentage des inscrits, suffrages qui devraient pourtant suffire à obtenir une majorité absolue écrasante en sièges. C’est ce parti qui ne représentera finalement qu’ une infime partie de l’électorat qui va régner sans partage sur la France pendant les cinq prochaines années. Les médias n’ont pas beaucoup insisté sur cette très faible représentativité des candidats «en marche» dont certains, qui seront élus dimanche prochain, n’ont pas recueilli plus de 8% des inscrits au premier tour pour soutenir leur projet . …..
Contrairement à ce qui nous a été rabâché par les médias, le président et son parti ne sont pas «anti-système». Ils sont, à l’opposé de Monsieur Jeremy Corbyn, européistes, mondialistes, otaniens, bellicistes et interventionnistes en politique étrangère, alignés sur la position néoconservatrice US, pour un soutien inconditionnel à l’état hébreu.
Le soutien unanime des médias au président élu et à ses candidats (plus de 11 000 articles et 1200 couvertures de magazine pro-Macron lors de la campagne présidentielle) est là pour nous confirmer qu’on est bien en présence de la substantifique moelle du «système».
Le risque n’est pas nul qu’un électorat désabusé, qui considère que les élections ne servent plus à rien se fasse entendre dans la rue dès la publication des premières ordonnances en Septembre. A moins qu’il ne se résigne …… Le risque n’est pas nul non plus qu’un dérapage belliciste au proche orient, dans le sillage de Washington, conduise ce qui reste de notre beau pays vers l’abîme.
En tous cas, la démocratie anglaise post-Brexit semble bien vivante. La démocratie française, elle, semble aujourd’hui bien malade, si ce n’est moribonde.
Les britanniques font valoir leurs idées dans les urnes en écartant la propagande médiatique (Brexit, dernières législatives). Les français, en net retard sur les anglo-saxons, se résignent ou suivent en trop grand nombre (6,3 millions, c’est peu mais ça n’est pas rien), le discours convenu des médias militants.
Wait and See.
Général (2S) Dominique Delawarde
Ancien chef «Situation-Renseignement-Guerre électronique» à l’État-major interarmées de planification opérationnelle
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine