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« No Future, une histoire du punk ». Caroline de Kergariou se laisse pousser la crête ! [Interview]

04/06/2017 – 08H15 Brest (Breizh-Info.com) –  Voici un superbe cadeau à offrir pour les nostalgiques de la périodes Punk , des années 70 et 80, du temps des copains  …

No future, une histoire du punk, écrit par Caroline de Kergariou (scénariste, auteur dramatique, qui écrivait pour de nombreux magazines rock dans les années 70-80-90, plonge dans l’histoire d’un mouvement qui a traversé l’Europe, puis les océans, pour finalement toucher, sous différentes formes, le monde entier (et encore aujourd’hui). Il s’agit de l’une des premières tentative (réussie) de synthèse globale de l’histoire du punk sous tous ses aspects (musicaux, artistiques, culturels …)

L’éditeur (Perrin) présente le livre ainsi :

Plus personne aujourd’hui ne remet en cause l’importance de Mai 68 en tant que fracture sociale, culturelle et politique. Le mouvement punk, pris pour une énième agitation adolescente, incompréhensible car chantant la laideur, représente en réalité une fracture toute aussi profonde.
Bien masqué derrière son amour de la provocation, le punk est beaucoup plus sérieux qu’il n’y paraît : il constitue la réponse d’une génération à un monde usé, dont le modèle économique s’est fracassé sur le choc pétrolier de 1974. C’est la Blank Generation, la génération vide, celle qui a toujours connu la télévision, la prospérité et l’abondance, mais une abondance que l’on découvre quelque peu frelatée, à l’instar des colorants chimiques cancérigènes ou du  » poulet aux hormones « .

Et si le mot punk évoque en tout premier lieu la musique, il nourrit d’autres formes artistiques, comme le graphisme, et se conjugue en art de vivre, esthétique, philosophie et politique. Des mots qui auraient paru pompeux aux adultes qui découvrirent en 1977 des jeunes gens hargneux aux vêtements lacérés et aux cheveux verts ou rouges hérissés sur la tête. Quatre décennies plus tard, il est possible de revenir sur cette époque de manière dépassionnée et de suivre jusqu’à aujourd’hui les riches prolongements d’un mouvement fascinant.

D’abord chronologie, le récit, extrêmement bien sourcé, s’intéresse ensuite à des aspects thématiques (Le punk dans « le monde libre » et « dans le monde communiste », le punk dans des pays où il est difficile d’imaginer qu’il existait, la pensée punk, les légendes ….)

Le livre fait pas loin de 600 pages, et possède presque 50 pages de notes, de recherches faites par l’auteur, qui a également eu la bonne idée, comme pour un dictionnaire, de mettre un index à la fin permettant de chercher directement l’information sur telle ou telle personnalité, groupe ou musicien. D

Il y a des anecdotes à la pelle (Alain Krivine qui se fait braquer par les membres de Bazooka au pistolet à blanc …) et cet ouvrage est vraiment bien ficelé, à posséder en bonne place dans sa bibliothèque musicale et à dévorer, en écoutant au choix, les Clash, Sex Pistols, Joy Division, ou Paris Violence (le seul sacrilège commis par l’auteur dans ce livre ayant été de ne pas citer ce groupe phare !)

Hey you ! Let’s buy this fuckin book !

no_future

No Future – Une histoire du punk – 27 € – Perrin 

Et comme je n’en avais pas assez après la dégustation de l’ouvrage, j’ai interrogé Caroline de Kergariou, made in Bourg Blanc, 100% Bzh !

Breizh-info.com : Tout d’abord, pouvez vous vous présenter à nos lecteurs, pour ceux qui ne vous connaitrais pas .

Caroline de Kergariou : Je présume d’ailleurs que c’est le cas de la plupart de vos lecteurs.

Originaire des environs de Brest j’ai rencontré le punk en juin 1977, très tard par rapport à certains mais le Finistère porte bien son nom : on est quand même au bout de la route, et une route sans issue…

Cette rencontre a été un électro-choc, la fameuse bouffée d’air frais dont témoignent tant d’acteurs du mouvement. Moi aussi je voulais participer d’une manière ou d’une autre mais comme je n’avais aucune possibilité musicale je me suis tournée vers ce que je savais faire, écrire. Dès septembre de la même année j’étais correspondante de province pour un magazine de rock plus ou moins obscur…

Ensuite j’ai poursuivi mes études de mathématiques à Paris, suis devenue scénariste de télévision puis auteur de théâtre et de radio, en l’occurrence France Inter pour laquelle j’ai commencé à écrire des émissions d’histoire. Voilà ce qui m’a menée à ce livre.

Breizh-info.com : Vous avez été critique rock pour plusieurs magazines il y’a 30 ans de cela (et même plus). C’est une certaine nostalgie qui vous a donné envie d’écrire cet ouvrage ?

Caroline de Kergariou :En effet, vous pouvez dire 40 ans. Mais il n’y a aucune nostalgie dans cette histoire, d’ailleurs le punk ne m’est jamais apparu appartenir au passé.

L’élément déclencheur est une rencontre, un heureux hasard… Je parlais à l’historien Didier Le Fur (qui est directeur de collection de mon livre) d’une émission, « Plogoff, un David breton face au Goliath parisien », que j’étais en train d’écrire pour France Inter sur le refus opposé vers 1978 par la population de Plogoff à la construction d’une centrale nucléaire sur le site de la pointe du Raz.

Dans mes recherches j’avais croisé tous ces jeunes gens militants qui avaient consacré des années à manifester contre ce projet, et notais en passant qu’à la même époque il y avait une autre jeunesse pas du tout militante, du moins de cette façon, et dont la principale préoccupation était le punk !

J’étais bien placée pour en parler, étant encore brestoise à cette époque ! Didier Le Fur a trouvé que c’était un excellent de sujet de livre. Voilà comment les choses ont démarré. J’étais évidemment très heureuse de travailler sur un sujet qui me tenait tellement à coeur…

Breizh-info.com :  Vous écrivez que le punk fût la réponse d’une génération à un monde usé . D’une génération, ou bien de plusieurs ? Qu’est ce qui vous fait dire cela ? N’est-ce pas également, quand il né, une réponse, violente, à une autre partie de cette génération, hippie, baba cool, qui fût la génération Mai 68 ?

Caroline de Kergariou : Je pense bien sûr à la toute première génération qui a fait le punk, celle qui a pris de plein fouet les conséquences du choc pétrolier, le chômage qu’on n’avait jamais connu dans ces proportions, et aussi les conséquences désastreuses engendrées par la volonté, l’espoir de changer le monde.

A ce moment-là tout craque, c’est en 1975 que Pol Pot prend le pouvoir au Cambodge, en 1973 et 1976 que la junte militaire fait de même au Chili et en Argentine… la génération qui devient punk à cette période ne croit plus aux vertus de l’action politique, ni pacifiste, comme à Plogoff (les Plogoffistes ont gagné pour la seule raison que François Mitterrand avait fait de l’abandon du site une promesse de campagne) ni violente.

C’est en ce sens que le monde est usé : désormais la machine ne fonctionne plus correctement. Le modèle économique issu de l’après-guerre a manifestement implosé.

Pour les générations suivantes les choses sont différentes, elles sont déjà habituées à cette situation, elles ne l’ont pas prise de plein fouet comme les punks du début. C’est pourquoi le punk des années 80 st si différent de celui des années 70, il renoue avec les mots d’ordre politique simples.

Le punk est effectivement aussi une réponse à la génération baba, celle des grands frères, mais elle n’est en aucun cas violente, si ce n’est visuellement. Au contraire le punk s’amuse à prendre systématiquement le contre-pied des valeurs hippies, il joue de la dérision, du grotesque et du second degré.

Breizh-info.com : Qu’est ce qui différencie l’ascension du punk aux Etats-Unis et celle en Europe de l’Ouest ?

Caroline de Kergariou : Dans l’Europe de l’Ouest vous comptez le Royaume-Uni ou non ?

Briehz-info.com : Of course

Caroline de Kergariou : Je me posais la question car le punk d’Europe de l’Ouest continentale est déjà d’une grande hétérogénéité alors si on prend en plus en compte l’UK il est difficile de répondre à votre question.

Si on se limite à l’opposition classique USA/UK on peut se souvenir de ce que disait Lester Bangs et d’autres encore : le Royaume Uni est plus porté à la revendication politique tandis que les Etats Unis, qui sont dégoûtés de la politique depuis la guerre du Vietnam, et ont une approche plus hédoniste.

Pour schématiser grossièrement je dirais que beaucoup de groupes d’Europe de l’Ouest (mais pas tous) manifestent des préoccupations sociales, soit dans leurs paroles, soit dans leur action (participation aux concerts Rock Against Racism), ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis avant l’émergence de la génération du punk californien représentée par Dead Kennedys, Black Flag, les Dils, etc.

Mais, je le répète, il s’agit d’une schématisation grossière, le punk étant caractérisé, toujours et partout, par sa foisonnante diversité.

(NDLR : The Decline, sans doute un des meilleurs groupes punk-rock actuel en Bretagne)

Breizh-info.com :  Depuis des années, on assiste (et notamment en Bretagne où ils se produisent fréquemment) à des « come back » de groupes punk ou skinheads des années 70-80 qui se reforment (Adicts, Sham 69, Cockneys Rejets, …) . Qu’est ce qui explique cela selon vous ? Nostalgie des années 80 de toute une génération, ou bien appétit commercial chez certains et réel « revival » (même s’il suffit de faire quelques concerts pour voir que le « milieu » se renouvelle finalement assez peu)

Caroline de Kergariou : L’envie de gagner un peu d’argent est certainement là, d’autant que l’industrie du disque, comme celle d’autres supports culturels, n’est plus très florissante.

Les reformations des Sex Pistols en sont un exemple flagrant. Mais ce n’est certainement pas le facteur le plus important.

Nostalgie ? Je ne sais pas. Il semble que le public soit très mélangé d’un point de vue générationnel, c’est du moins ce que j’ai constaté à Paris, mais je ne suis pas allée voir ce type de groupes.

Il y a surtout à mon sens une usure du rap et autres pratiques proches, alors, en attendant du neuf en matière de rock, le public se tourne vers les anciens groupes qui se reforment.

Breizh-info.com : Quels sont les groupes qui vous ont, à titre personnel , particulièrement marqué et que vous appréciez le plus ?

Sex Pistols, Olivensteins, A 3 dans les WC, Adolf Gitler et Armya Vlasova (deux des nombreux groupes de Egor Letov), SadiQueArno.

Breizh-info.com : En tant que native de Brest (enfin de Bourg Blanc, sa banlieue :) ), quel regard portez vous aujourd’hui, et quel regard avez vous porté, sur la scène punk locale, particulièrement bien fournie (encore aujourd’hui) ?

Caroline de Kergariou : Je n’ai pas connu la scène locale pendant très longtemps car je suis partie à Paris en 1982 pour y continuer mes études. Au cours des années où j’y étais j’ai beaucoup apprécié Nicolas Cruel et UV Jets. C’est formidable qu’UV Jets se soit reformé à la faveur de ce revival que vous évoquez.

Breizh-info.com : Vous abordez peu les relations entre le punk et le football dans votre ouvrage – pourtant importantes, notamment en Angleterre. Un choix éditorial ?

Ce n’est nullement un choix éditorial. J’en parle mais le chapitre consacré à la Oi!, le street punk et les skinheads est déjà très copieux. Si j’avais tout traité, le livre ferait 2000 pages ! Peut-être que je ne suis pas très foot, c’est bien possible…

Breizh-info.com :  Dans les années 70-80, le mouvement Punk chantait la rébellion en Europe de l’Ouest contre Thatcher, contre le système capitaliste, contre la mondialisation aussi. A L’Est, c’était contre le communisme (et dans d’autres endroits du monde, contre en général contre les « isme » dominants).

Les groupes qui se proclament punk aujourd’hui en Europe de l’Ouest, et particulièrement en France semblent pour une grande partie très loin d’être « anti-système » : quand on voit un membre des Béruriers noirs appeler à voter Macron et à combattre – comme tout le système dominant –  ce qu’il nomme le fascisme, on est plus vraiment dans le punk’s not dead si ?

Ou bien quand certains hurlent à l’agonie du capitalisme avec à la poche, le dernière I-Phone et le soir en rentrant; un bel appartement dans le 15ème arrondissement …

Caroline de Kergariou : Bérurier Noir a toujours appelé à voter contre Le Pen. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Donner des mots d’ordre politiques, quels qu’ils soient, est profondément anti anar donc anti punk, c’est ce qui distingue le punk des années 80 de celui des années 70 à l’exception de celui qui est représenté par Clash, Sham 69, etc.

Beaucoup plus significatif : aujourd’hui les groupes punk polonais hurlent contre le libéralisme économique, tout comme les Chinois; les Russes s’attaquent à Poutine et à la domination croissante de la religion orthodoxe et les Pussy Riots se retrouvent en camp en Sibérie; quant aux Birmans, ils dénoncent avant tout le monde l’épuration ethnico-religieuse dont est victime la minorité musulmane de leur pays… les punks s’expriment là où les régimes autoritaires sont violents de manière flagrante.

Dans un certain nombre de pays, comme le nôtre, les gens, et surtout les plus jeunes, ne se rendent pas bien compte à quel point la société est violente, parce qu’elle l’est de façon feutrée.

Le changement de mentalité est clairement illustré par le cheminement sémantique du mot « consommation » : à la fin des années 60 on fustigeait la « société de consommation », aujourd’hui les choses vont bien quand les ménages consomment… aujourd’hui l’opium du peuple n’est plus la religion…

Breizh-info.com : Qui sont aujourd’hui les vrais héritiers du punk s’il y’en a ? Et d’ailleurs, quel héritage a laissé , dans notre quotidien, ce mouvement , cette contre culture ?

Caroline de Kergariou : Les vrais héritiers du punk sont d’une part ces jeunes gens qui risquent leur liberté voire leur vie dans les pays que je viens de mentionner et aussi dans d’autres comme l’Indonésie, la Malaisie, l’Inde ; ce sont aussi les acteurs, les promoteurs de toutes petites actions, dans le domaine culturel ou ailleurs, qui organisent des expositions ou de représentations théâtrales dans des appartements, ou montent des micro-maisons d’édition, des micro labels : des gens qui refusent de se laisser entraîner dans le processus de concentration verticale et horizontale que connaît l’économie mondiale.

Un vrai héritier du punk, c’est aussi cet ancien musicien punk qui devient maire de la capitale de l’Islande et se montre capable de rétablir des finances saines…

L’héritage du punk est là : accomplir de petites actions individuelles, ne pas donner de leçons, penser avec son cerveau et pas celui du voisin, DIY en somme, le slogan de toujours…

Breizh-info.com : Y’a t’il, pour finir, des films (vous en parlez dans votre livre) que vous recommanderiez sur le sujet à nos lecteurs ?

Caroline de Kergariou : Hélas je ne vois pas ce que je pourrais recommander d’autre que ce dont je parle dans le livre, ce qui permet déjà quelques heures de visionnage. Il y a bien un petit film d’Alain Maneval qui est passé sur ARTE, « No Future ! la déferlante punk » amis rien de global sur le sujet et rien de bien neuf non plus. Il manque une série de documentaires sur le sujet.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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2 réponses à “« No Future, une histoire du punk ». Caroline de Kergariou se laisse pousser la crête ! [Interview]”

  1. Yann dit :

    Quand je me rappel de la scène punk/rock brestoise du début des années 80, peut être la meilleure de France. Toute ma jeunesse…

  2. Mircea Eliade8 dit :

    ok pour Bronson et joy division… mais vous oubliez Master of Justice, formation de metal indus dans laquelle figure le bellâtre François Beyrouth :

    https://youtu.be/0kgivZt8tng

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