02/06/2017 – 07h15 Morlaix (Breizh-Info.com) – Dans la quatrième circonscription, quinze candidats s’opposent, à savoir Virginie Luret (PCD), Edith Roussel (FN), Christine Prigent (EELV), Ismaël Dupont (PCF-FG), Florent le Saux (DLF), Patricia Blosse (LO), Sandrine le Feur (LREM), Julien Kerguillec (LFI), Virginie Grall (UPR), Jean-Paul Yves le Goff (RIC), Maël de Calan (LR), Corinne Nicolle (Régions et peuples solidaires), Gwenegan Buy (PS), Anne Chorlay (Parti du vote blanc) et Serge Bougot (Parti Breton).
Nous avons interviewé Ismaël Dupont, qui portera les couleurs du parti communiste sur la circonscription de Morlaix. Il y sera notamment opposé au juppéiste Maël de Calan, investi dans une circonscription dont les militants ont largement voté Fillon aux primaires, et qui affirme vouloir « réformer avec Macron », se plaçant dans l’élan centrifuge qui divise la droite bretonne.
Breizh Info : Ismaël Dupont, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Ismaël Dupont : J’ai 37 ans, je suis documentaliste dans un collège public de Morlaix. C’est ma seconde campagne aux législatives – j’étais déjà candidat en 2012. J’étais aussi tête de liste du Front de Gauche aux municipales de 2014 à Morlaix où j’avais fait 15.47% au premier tour, je suis élu d’opposition à Morlaix et Morlaix communauté.
Breizh Info : La France Insoumise a ignoré tous les appels du PCF au rassemblement, ce qui fait d’ailleurs le désespoir d’autres communistes bretons qui anticipent le gâchis électoral à venir. Qu’en pensez-vous ?
Ismaël Dupont : Sans le PCF, Mélenchon n’aurait pu se présenter – nous lui avons apporté 414 parrainages sur les 600 et quelques qu’il a récoltés. Cependant en terme d’alliances ils n’ont voulu que des négociations sur 15 puis 30 circonscriptions. Il y a quelques circonscriptions où le PCF a retiré ses candidats, ici, on a proposé un rassemblement sur le département du Finistère, avec des binômes mixtes PCF/La France Insoumise, on s’est fait jeter.
Breizh Info : Quelles sont vos prévisions en terme de députés pour le PCF et La France Insoumise ?
Ismaël Dupont : Le score de Mélenchon était un espoir inédit pour la gauche de transformation sociale, il y avait moyen de faire élire de 50 à 100 députés, là, ça va être très dur de garder ceux qu’on a. On a 10 députés Front de Gauche alliés à des progressistes de l’Outre-Mer [contre 24 élus en 2007], mais là on part divisés, il y a quatorze, quinze candidats sur chaque circonscription, il faut faire 12.5% des inscrits donc près de 20% des voix pour être au second tour, les députés sortants courent donc un très gros risque.
Breizh Info : En 2007, Gremetz accusait Mélenchon de se servir du PCF comme un marche-pied à ses ambitions et pronostiquait qu’il le détruirait quand il en aurait plus besoin. On y est ?
Ismaël Dupont : Mélenchon fait tout cela en connaissance de cause, il veut la recomposition de la gauche autour de lui et pour cela il faut faire sauter le PCF, obstacle à ses ambitions personnelles.
Breizh Info : Le PS apparaît profondément clivé après la victoire de Macron. Quelle est votre analyse ?
Ismaël Dupont : Il y a une forme d’éclatement, de division au PS autour de la question de savoir si on va ou non rejoindre la majorité de Macron. Pour l’aile droite du PS, Macron, c’est le vieux rêve de créer un parti démocrate à l’américaine, libéral, pro-européen, tandis que l’aile gauche veut conserver une force sociale-démocrate marquée à gauche et refuse de travailler avec un gouvernement dont le premier-ministre et le ministre du budget sont de droite.
Breizh Info : le candidat du PS, Benoît Hamon, a clairement raté sa campagne. Pensez-vous que son score se retrouvera aux législatives ?
Ismaël Dupont : Non, il y a des militants, des élus sur les territoires. Mélenchon a bénéficié du vote utile à gauche, c’était le mieux placé pour aller au second tour. Les législatives, ce n’est pas la même configuration et une partie de ses électorats reviendront à leurs familles traditionnelles.
Breizh Info : L’ambition personnelle de Mélenchon peut-elle participer à les faire revenir vers les partis traditionnels de la gauche ?
Ismaël Dupont : Je ne suis pas sûr que la 6e République signifie de se ranger tous derrière un homme providentiel. Nous, nous disons que les intérêts de la population n’attendent pas ça. Jouer les fiers à bras et les leaders n’est pas notre priorité, c’est d’avoir un maximum de députés de résistance possible. Les députés Front de Gauche ont été lors de la dernière législature une force politique qui a combattu sans relâche contre les lois de régression sociale, comme la loi Travail.
Breizh Info : Aux dernières régionales, l’électorat du PCF était en chute libre sur l’ensemble de la Bretagne historique, y compris dans ses bastions des Côtes d’Armor, du Kreiz Breizh et de la Basse Loire. Un déclin qui se poursuit depuis plusieurs décennies. Qu’en pensez-vous ?
Ismaël Dupont : Non, pas du tout, le PCF n’est pas en déclin ! Aux cantonales, le Front de Gauche faisait 9%. Les régionales étaient très particulières, avec les attentats juste avant, la personnalité consensuelle de Jean-Yves le Drian, son bilan perçu comme bon, et le contexte de crise au Front de Gauche où Melenchon essayait déjà de créer autre chose. Si on avait su rassembler avec les Verts, on aurait été au second tour. On a encore plusieurs centaines d’élus en Bretagne, des zones bien rouges dans le centre Bretagne…
Breizh Info : Touchées de plein fouet par la désertification rurale, et où le FN ne cesse de progresser électoralement…
Ismaël Dupont : Dans ma circonscription le FN n’est avant Mélenchon que sur une ou deux communes. La Bretagne continue à résister au FN même s’il progresse à cause des difficultés sociales. Il y a une autre réponse à la réaction xénophobe, il y a une réponse progressiste que nous proposons. Certes, le PCF ne peut plus prétendre à être seul à la porter, on n’a plus la même implantation, mais on a toujours des militants – 56.000 à jour de cotisation en France, dont 650 dans le Finistère, un chiffre stable depuis plusieurs années – on n’est pas moribonds. On est bien décidés à rester une force politique qui compte.
Breizh Info : Et quelles idées souhaitez-vous défendre ?
Ismaël Dupont : Premièrement, que les jeux ne sont pas faits. Compte tenu du score de Mélenchon, il est possible d’avoir un nombre de députés de la gauche qui lutte assez significatif pour faire échec aux projets de régression sociale. Ensuite que nous serons des députés de proximité, au contact de la population et qui ne lâcheront rien. Je suis un élu de terrain, je suis investi dans divers dossiers tels que la défense de l’hôpital, de la poste, du passage en régie publique de l’eau, des stationnements, des transports. On a besoin d’élus combattifs et qui fassent des contre-propositions, des élus ancrés. Beaucoup de candidats ne sont pas du coin ou n’ont pas de légitimité locale.
Breizh Info : Par exemple ?
Ismaël Dupont : Corinne Nicole [Régions et peuples solidaires] est de Scrignac, c’est la circo d’à côté. Celle d’En Marche [Sandrine le Feur] n’a aucune expérience ni engagement politique. Gwenegan Bui [investi par le PS] a voté tous les textes du gouvernement alors qu’il était le suppléant de Marylise Lebranchu. Mäel de Calan, macrono-compatible, porte un projet ultra-libéral et n’est pas écouté par ses militants aux primaires [ils ont largement voté Fillon, NDLA], mais sa place a été néanmoins sanctuarisée suite aux primaires… dire qu’il n’affiche pas le logo LR sur ses affiches alors qu’il est encore au bureau national du parti !
Breizh Info : Votre circonscription connaît aussi des problématiques de désertification rurale. Que comptez-vous faire ?
Ismaël Dupont : Lutter pour le maintien de l’hôpital public, contre la désertification médicale en implantant des centres de santé où les médecins seraient salariés, pour l’autonomie des personnes âgées, pour la construction des 2000 places qui manquent en maison de retraite dans le Finistère, qu’elles soient accessibles à tous les revenus, et pour un grand service public des troisième et quatrième âges.
Breizh Info : L’UE a autorisé sous conditions une aide pour la centrale de Landivisiau, ce qui conforte son projet. Cela change-t-il votre position ?
Ismaël Dupont : Non, on reste opposés, comme on l’est de façon constante depuis 2011. L’argumentation pour la centrale n’est pas honnête, il n’y a jamais eu de black-out en Bretagne, et elle ne tournera pas en permanence pour accroître la production d’énergie bretonne. On sait qu’en Allemagne et dans l’est de la France, des centrales similaires sont à l’arrêt car elles ne sont pas rentables au vu des prix du gaz. Puis le montage financier, payé par les contribuables et construit sur la dérégulation de l’énergie, nous interroge. Il est issu d’un deal entre Le Drian et Sarkozy, en échange du financement par Direct Energie des projets d’énergies renouvelables en Bretagne, c’est justement l’économie-casino qu’on dénonce.
Breizh Info : Quelle est votre opinion sur le projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes ?
Ismaël Dupont : Je suis opposé. Tous les communistes ne sont pas d’accord là-dessus [le secrétaire départemental 44 Aymeric Séassau, qui tient ses postes électoraux du PS à Nantes, est pro-aéroport, NDLR] mais pour ma part Nantes-Atlantique ne me semble pas saturé, et je suis opposé à la concentration des équipements à l’est de la Bretagne au détriment de l’ouest.
Breizh Info : Quelles sont vos lectures actuelles ?
Ismaël Dupont : Je fais un gros travail sur les nationalistes bretons de l’entre-deux-guerre. En juin [en septembre, en fait, NDLR] va sortir La fin d’un chemin de Maryse Leroux, où elle interroge d’anciens nationalistes de cette période, j’en fais la chronologie critique pour contextualiser son travail, et je prévois de mon côté une publication indépendante cet hiver chez Skol Vreizh. Sinon, je lis Mon traître et Retour à Killybegs de Sorj Chalandon.
Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe.
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