La Charte pour l’emploi local en Corse agace le préfet

La Corse est à nouveau sous les feux de l’actualité. Cette fois, c’est la signature d’une charte favorisant en priorité l’emploi local qui suscite le débat.

Qu’est-ce-que cette charte ?

Le 24 mai dernier, la Charte pour l’emploi local en Corse a été signée par plusieurs parties après une longue concertation. Parmi les signataires, nous pouvons citer le STC (Syndicat des Travailleurs Corses), les présidents des chambres des métiers, du commerce et de l’agriculture mais aussi l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) ou encore les syndicats étudiants de l’île. En tout, pas moins de 15 organisations ont ratifié le document. L’Université de Corse a également pris part à la rédaction. Cette initiative fut lancée au mois de mars dernier par le président de l’assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni.

Ainsi, la charte en question devrait permettre la mise en place de toute une série de mesures ayant pour but de favoriser l’emploi des insulaires tandis que la Corse reste confrontée à un chômage relativement important. En effet, l’île compte actuellement plus de 22 000 demandeurs d’emplois pour un taux de chômage légèrement supérieur à 10%. Après avoir longtemps critiqué pour leur inaction les différents exécutifs qui se sont succédés à la tête de la Collectivité territoriale, les nationalistes fraîchement arrivés au pouvoir fin 2015 ont visiblement pris les choses en mains.

Quelles mesures concrètes ?

Sans la reprendre dans les détails, intéressons-nous à quelques-uns des principaux engagements de la Charte pour l’emploi local en Corse.

En ce qui concerne les entreprises, celles-ci devront, selon la charte, « favoriser le recrutement de ceux qui ont leurs centres d’intérêts moraux et matériels en Corse et dont les compétences sont suffisantes ». Le corse n’est pas négligée puisqu’il faudra « intégrer la dimension de la langue corse dans la vie de l’entreprise ou des associations et dans toutes leurs activités ; faire de la langue corse une différence compétitive ; permettre aux salariés d’acquérir un niveau certifié de corse ».

Du côté du secteur public, le document ratifié entend notamment « intégrer la langue corse dans toutes les missions de service public » mais aussi « développer la formation des agents et la promotion interne afin de rendre les postes plus qualifiés et d’encadrement supérieur accessibles aux Corses » ou encore « ouvrir des concours régionaux ».

Au niveau des syndicats de salariés, la charte va permettre, là aussi, d’intégrer « la dimension de la langue corse dans les entreprises, dans les secteurs et dans toutes les activités où les syndicats sont présents ».

Enfin, la diffusion des offres d’emplois sera prioritairement destinée aux personnes « dont les centres des intérêts moraux et matériels sont situés en Corse ».

Pour résumé, des mesures qui vont peut-être enfin permettre de réduire l’exil des jeunes Corses faute de travail sur leur terre et remettre l’économie insulaire sur de bons rails. Mais également des mesures à énerver un préfet !

Le préfet de Corse menaçant

De manière assez prévisible, l’initiative de la société civile corse n’est pas du goût de Bernard Schmeltz, le préfet de région. Il l’a fait savoir dans un courrier daté du 15 mai dernier dans lequel il précise que « toute disposition engageant l’entreprise et visant à favoriser le recrutement ou l’accès à la formation des personnes résidant en Corse ou d’origine corse pourrait être constitutive de l’infraction de discrimination à l’embauche ».

Y voyant là une atteinte aux valeurs républicaines, le préfet ne s’arrête pas là et surenchérit au sujet la priorité à l’emploi pour les locuteurs de langue corse : « Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles ».

Les détracteurs de Bernard Schmeltz lui répondent déjà que le fait de maîtriser le français voire une autre langue pour certains postes sur le continent est souvent un critère décisif d’embauche donc pourquoi la langue corse ne le serait-elle pas ?

La réaction des personnalités corses

Les propos du préfet de Corse n’ont, bien entendu, pas manqué de faire réagir les personnalités politiques de l’île. Ainsi, le secrétaire général du Syndicat des Travailleurs Corses, Jean Brignole, juge incompréhensible le courrier préfectoral :

« À la Réunion et dans d’autres îles gérées par un statut DOM ou TOM, des dispositions concernant l’emploi local ont été signées et validées par les services de l’Etat et en particulier le Premier ministre. Que cela soit en 2011 ou en 2015. Clairement, on ne peut pas avoir deux poids et deux mesures. »

Quant à Jean-Guy Talamoni, il a comparé les propos du préfet à des « menaces » tout en se félicitant ironiquement de ces mises en gardes puisque cela a conforté les signataires de la charte dans leur volonté, tous étant au rendez-vous lors de sa conclusion.

Les premières mises en application de ce document favorisant l’emploi des corses auront lieu dans un an. De quoi continuer à alimenter les discussions d’ici là.

VL

Crédit photo : Wikipedia (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2017 Dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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3 réponses à “La Charte pour l’emploi local en Corse agace le préfet”

  1. jc2214 dit :

    Bravo la Corse, en France les emplois devrait être réserver aux nationaux

  2. Gwendal Pennanech dit :

    Imaginons un instant que la « clause Voltaire » soit votée par la nouvelle assemblée. Et bien le même préfet serait le premier à imposer aux Corses de parler français sur le lieu de travail ! Tartufferie et syllogismes sont les deux mamelles de la République française …

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