« Muscadet is back ! ». Quand la revue DECANTER célèbre le vignoble nantais

31/05/2017 – 07H15 Nantes (Breizh-info.com) – Au moment où le vignoble nantais dresse le funeste bilan des pertes causées par les multiples épisodes de gel du mois d’avril, le Muscadet peut trouver un sérieux réconfort dans le compte rendu élogieux de la revue Decanter. Le banc de dégustation réalisé sur un échantillon de 110 muscadets de garde, prend acte des progrès notables accomplis depuis une décennie.

Retour sur les gels du printemps

Au préalable, il paraît nécessaire de remettre en perspective les récentes calamités climatiques à l’aune de la situation d’un vignoble arrivé au faîte d’une réussite en « trompe-l’œil », au début de la décennie 90. En septembre 1991, tout s’effondre, un terrible gel sonne le glas de la fragile prospérité du Muscadet, alors roi du vin à petit prix Outre- Atlantique, en Angleterre, au Japon mais aussi en Europe du nord.

Les gels répétitifs de ce printemps ont sans nul doute ravivé la mémoire d’un traumatisme encore très vivace chez les plus anciens. Le Muscadet avait bâti son succès sur le mirage du vin à bas coût qui ne fidélise en rien une clientèle versatile, mue par l’unique motivation d’acquérir un vin au prix le plus bas. À l’époque, la décision d’augmenter les tarifs afin de compenser le préjudice des destructions avait ramené le Muscadet aux conséquences de ses choix. Les stocks pléthoriques qui sommeillaient dans les caveaux n’ont jamais trouvé preneurs et nombre de négoces et domaines ont disparu suite à la perte de ces mauvais marchés.

Une nouvelle donne 

Aujourd’hui, en 2017, une partie du vignoble est à genoux, certains vignerons sont aux abois car les gels scélérats du printemps surviennent après ceux subis l’an passé. Sans le soutien des banques certaines exploitations ne surmonteront pas ce nouvel aléas climatique, d’autant que la plupart, faute de moyens financiers, n’ont pas souscrit à des assurances prohibitives contre le gel .Malgré tout, la situation est beaucoup moins alarmante qu’en 1991.

Entre temps, le Muscadet a eu le courage de s’amender par le haut, en s’engageant sur la voie de vins aux rendements modérés (moins de 50hl/hectare), élevés sur lies fines pendant une longue période. Nous parlons d’une nouvelle génération de muscadets issue de la réforme des crus communaux1, pour laquelle l’influente revue Decanter* manifeste son enthousiasme à l’occasion d’une dégustation au niveau très relevé.

Le satisfecit accordé par la prestigieuse revue anglaise récompense une décennie d’efforts engagés à redresser une image abîmée dans la production de masse. Les crus communaux, encore minoritaires (1% de la production globale), se positionnent sur le marché des grands vins de terroir à des prix ultra concurrentiels. Decanter ne cache pas son optimisme sur leur formidable potentiel commercial, en parfaite adéquation avec la demande britannique axée vers des vins frais et minéraux.

Avec ce virage qualitatif, les perspectives financières sont autrement plus engageantes : il suffit de mettre en regard le coût d’achat d’un cru communal (autour de 10€) avec celui des petits muscadets de supermarché (3 à 4€) pour saisir tout l’enjeu de cette revalorisation financière. Contrairement à 1991, les vignerons investis dans l’excellence seront certainement de plus en plus sollicités à l’étranger et notamment en Angleterre, pour fournir les plus beaux ambassadeurs du Muscadet.

D’ailleurs l’insolente réussite des figures de proue des muscadets  « bio », montre bien que la demande en grands vins de terroir est déjà là, charge aux bons vignerons d’y répondre .Fred Niger Van Herck du domaine de l’Ecu ne se cache pas de vendre la quasi-totalité de sa production sur allocations ! Quant à ceux restés sous la tutelle des négoces, pour eux les conséquences du gel seront loin d’être anodines faute de n’avoir pas pu valoriser leurs vins.

Les enseignements de la dégustation

« Muscadet is back ! »

Rappelons que cette dégustation se concentrait uniquement sur des muscadets élevés sur lies pendant une durée minimale de 17 mois, d’où l’absence de grands noms peu portés sur les élevages à rallonge.

Si l’on veut prendre toute la mesure de la performance réalisée par les vignerons du Muscadet, il faut certes être un peu familier des classements de la célèbre revue. Pensez donc ! 3 muscadets figurent au rang de vins exceptionnels, 8 dans la catégorie « outstanding2 » et 63 bénéficient du statut de vin hautement recommandable. En comparaison des multiples classements pratiqués sur des vignobles de grande renommée, les muscadets cassent la baraque par une étonnante homogénéité assise sur un niveau de qualité rarement atteint.

Sans surprise, la cuvée « Excelsior » du domaine Luneau-Papin décroche la timbale avec son millésime 2007 , grâce à une note de 99/100 rarement attribuée par le magazine. Juste retour pour une micro cuvée en provenance d’une parcelle de vieilles vignes (plus de 80 ans) située à la Chapelle-Heulin. L’un des tous premiers muscadets ayant eu le courage d’afficher de très hautes ambitions au moyen d’un élevage sur lies fines de 36 mois et d’un prix à la hauteur de son excellence.

Le sacre de Château Thebaud.

Dans ce classement, les crus reconnus de Gorges et de Clisson sont bien représentés ; mais la surprise vient surtout de Château Thebaud, futur prétendant au plus haut degré de la hiérarchie du Muscadet. Les domaines Poiron Dabin (98), le jardin D’Edouard(97), la Pépière(93) trustent les meilleures places du classement et confortent ainsi la démarche engagée pour la reconnaissance en cru communal. À ce sujet, l’absence des vins (réputés excellents) de Jérémie Huchet dans ce palmarès paraît assez étonnante, le chef de file de château Thebaud n’aurait-il pas répondu à l’appel aux échantillons du magazine ?

L’élevage sur lies ne fait pas tout …

En dépit de ces encouragements, le Muscadet ne doit pas oublier les errements du passé en se rappelant notamment que la roche Tarpéienne n’est jamais loin du Capitole. Attention à ne pas tomber dans le sophisme des vertus excessives de l’affinage sur lies fines. Si un excellent muscadet doit une partie de sa grandeur et de sa complexité à la durée de son élevage, ce dernier ne garantit pas à coup sûr d’un résultat mirifique. En l’espèce, la tendance de certains vignerons à se reposer un peu trop sur ce temps de repos pour obtenir un supplément de caractère, conduit déjà à quelques mécomptes.

Le placage tous azimuts d’un élevage aussi réducteur sur des jus manquant de fruit lors de millésimes plus difficiles, peut aboutir à des vins excessivement austères, qui auront le plus grand mal à reconquérir une personnalité séductrice. Peut-être faut-il savoir renoncer à produire un cru communal sur une année inclémente afin de préserver l’excellence du terroir ?

Raphno

  1. En 2011, trois terroirs sont reconnus en cru communal par l’INAO. L’appellation communale représente le sommet de la pyramide dans la hiérarchie des terroirs du Muscadet. En conséquence, les vignerons doivent répondre à un cahier des charges plus strict imposant des rendements à 45hl/hectares et un affinage sur lies de 18 mois au minimum.

  2. Excellent.

Crédit photo : DR
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2 réponses à “« Muscadet is back ! ». Quand la revue DECANTER célèbre le vignoble nantais”

  1. Artza56 dit :

    Je suis désolé des ravages du gel sur le vignoble nantais, d’autant que je porte en très haute estime le Muscadet-Côtes-de-Grandieu, notamment quand il a le bel âge des bouteilles sur lie des millésimes 2000 et 2003, notamment. Je suis d’autant plus fier et chauvin de cette production bretonne, qu’elle a su au fil des ans, passer de la médiocrité à la couronne de laurier des vainqueurs. Magnifique. Ceci dit, pour aider les viticulteurs en difficulté, pourquoi ne pas créer une structure vin primeur qui consiste à payer aujourd’hui les bouteilles que nous recevrons dans quelques années seulement. De quoi fournir aux viticulteurs les liquidités nécessaire aujourd’hui. Et ce serait une excellente occasion d’imaginer une monnaie spécifique régionale destinée au commerce du vin et d’autres produits bretons. Pensez-y, je suis preneur.

  2. Ar Vran dit :

    Il n’y pas eu que le gel qui a contribué à faire baisser les ventes du muscadet. Il ne faut pas oublier l’opération marketing désastreuse qui a voulu faire du muscadet un vin du val de loire et perdre toute identité bretonne qui faisait que ce vin était connu avant dans le monde anglo-saxon (cf. le groupement Interloire). Les vignerons locaux en savent quelque chose et ont décidé (enfin!) de créer leur propre groupement des vins de Nantes et non plus copier copier un vulgaire vin blanc de France

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