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Jean-Marc Ayrault, bon disciple de François Hollande, auto-célébre son bilan

21/05/2017 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) ‑ Jean-Marc Ayrault s’imagine désormais en vieux sage offrant à la collectivité une expérience utile – ce qui suppose un recul par rapport à soi-même, une capacité d’autocritique. Or, dans un entretien avec Presse Océan(1), il ne s’attache qu’à dresser son panégyrique. Extrêmement satisfait de toute sa carrière politique, il consent un seul bémol, à propos de son bail à l’hôtel Matignon : « j’ai le regret de ne pas avoir assez expliqué la situation et dit notre travail » ! Quant à ses 23 ans à la maire de Nantes, il n’a que des compliments à se décerner. « Je n’ai pas peur de le dire : j’ai transformé Nantes », assure-t-il.

Nantes a évidemment connu des transformations en un quart de siècle. Mais sont-elles l’œuvre personnelle de Jean-Marc Ayrault et a-t-il tellement lieu d’en être fier ?

Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 ont beaucoup élargi les pouvoirs de décision et les moyens financiers des collectivités locales. Devenues des puissances locales, toutes les métropoles françaises se sont transformées dans les décennies suivantes. Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne, s’est penché sur leurs évolutions dans un article(2) paru le même jour que l’autoplaidoirie de Jean-Marc Ayrault.

« Dans ces grandes villes, c’est tout le petit peuple qui a disparu, et cela en une génération », écrit-il. Les quartiers populaires, avec leurs ateliers d’artisans, leurs cafés, leurs commerces ont été ratiboisés par la politique de la ville. Celle-ci, quoique animée de bonnes intentions, s’est traduite par « l’arrivée de nouvelles populations qui ont les moyens de s’installer (cadres ou haut de la classe moyenne), ou vivent en logement subventionné (et dans lequel notamment du fait de la taille des familles, les immigrés en provenance du Maghreb ou d’Afrique sont prioritaires), ou sont étudiants. »

Muséification et clientèlisme

Évincées, les classes populaires ont dû s’installer en périphérie des villes où se sont multipliées les zones industrielles et commerciales, les rocades et les échangeurs : « il en résulte une dégradation du périurbain qui n’affecte pas les populations du centre (elles ne le traversent jamais qu’à grande vitesse), et un éloignement accru des populations pauvres salariées ou indépendantes, condamnées aux migrations pendulaires. » Aujourd’hui, ce sont les petits artisans et les salariés pauvres qui ont besoin d’une voiture : la piétonnisation et les pistes cyclables les maintiennent à l’écart du centre où trouvent place en revanche les « populations immigrées des logements sociaux occupant les métiers déqualifiés et de service au profit de la bourgeoisie ».

La relégation des activités productives et d’une bonne partie des activités commerciales a permis une « muséification de la ville », positivée au nom du tourisme, et un « clientélisme sophistiqué » : tandis que les classes populaires voyaient leur univers se désintégrer, les métropoles mettaient en place des pratiques culturelles adaptées aux étudiants et à la bourgeoisie bohème. « La figure du Blanc pauvre n’a plus sa place dans la ville rénovée, sauf à l’état de clochard ou de SDF. »

Pierre Vermeren décrit une évolution générale des métropoles françaises, initiée d’après lui par Alain Juppé à Paris puis à Bordeaux. Mais Nantes coche toutes les cases de son diagnostic : éviction des activités productives, gentrification, HLMisation, installation massive d’immigrés, muséification, promotion d’une culture bobo et de loisirs nocturnes, invention d’une vocation touristique…

Jean-Marc Ayrault le confirme sans même s’en rendre compte. Lorsqu’il est arrivé à la mairie de Nantes, rappelle-t-il, les chantiers navals venaient de fermer, « les Nantais ne se voyaient pas d’avenir ». Comment les a-t-il réconfortés ? En organisant le festival Les Allumées, qui a « déclenché la fierté, l’audace et la créativité qui étaient enfouies ». Ces séries d’animations et de spectacles « branchés » jusqu’au bout de la nuit n’étaient évidemment pas le genre de distraction que peut se permettre un métallo qui embauche au petit matin. « C’est la même chose avec Royal de Luxe », insiste même Jean-Marc Ayrault. Il aurait pu citer aussi un autre de ses sujets de fierté, Les Machines de l’île, ensemble d’attractions foraines installées sur le site des anciens chantiers navals : il y a radicalement remplacé les activités industrielles par des activités de loisir.

La réussite de Jean-Marc Ayrault n’est donc pas d’avoir transformé Nantes mais d’avoir embrassé la dérive métropolitaine avec encore plus d’application que ses collègues. Plus ça change, plus c’est la même chose que les autres.

____________________________________________________

(1) « Ayrault : « Des années de grand bonheur », entretien recueilli par Pierre-Marie Hériaud, Presse Océan, 18 mai 2017.

(2) Pierre Vermeren, « Ces métropoles qui ont changé de visage », Le Figaro, 18 mai 2017.

Crédit photo  : [cc] U.S. Department of State via Wikimedia Commons
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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