18/05/2017 – 08h00 Carhaix (Breizh-Info.com) – Les éditions Yoran Embanner viennent d’éditer le livre de Fanny Chauffin « Diwan, 40 ans déjà » qui dresse le bilan de la pédagogie Diwan depuis sa création. Mais qui fait également plus largement le point sur l’enseignement de la langue bretonne et ses finalités.
Voici la présentation du livre par l’éditeur :
Cette année, Diwan fête ses 40 ans. C’est cette histoire que nous conte Fanny Chauffin, professeur au lycée Diwan de Karaez. DIWAN (le GERME) c’est tout un symbole, celui d’une Bretagne qui se lève et dit non à la fatalité .
Depuis la 2ème moitié du XIXè siècle, les Bretons réclamaient l’enseignement de leur langue dans les établissements scolaires de Bretagne. Sans succès : Paris ayant décidé depuis longtemps d’éradiquer les langues »régionales ».
Mais fin du XXème siècle, changement de mentalité (une petite révolution en quelque sorte), les Bretons cessent de quémander et font par eux-même.
Ainsi, il y a 40 ans est née la 1ère école DIWAN et depuis, le système d’enseignement n’a cessé de progresser, de la maternelle au lycée.
Fanny Chauffin ne fait pas que narrer cette aventure , elle présente également :
-un état des lieux de la situation du breton en ce début de XXI ème siècle
-des comparaisons avec l’enseignement au Pays Basque, Pays de Galles, Catalogne…
-une étude poussée du système pédagoqique de DIWAN
-et ce qu’il y a en plus chez DIWAN : chant, musique, théâtre, création littéraire, audio-visuel, etc
DIWAN a créé un nouveau mode de vie, un état d’esprit. Faut-il s’en étonner, les jeunes issus de DIWAN sont de grands voyageurs : ils veulent connaître le monde !
La critique :
Fanny Chauffin docteur en breton celtique, est professeur au lycée Diwan de Karaez/Carhaix. Elle chronique par ailleurs régulièrement sur l’ABP. Elle est par ailleurs engagée politiquement à gauche.
Le livre est intéressant puisqu’il permet de cerner les clés de l’enseignement Diwan – qui a par ailleurs (et heureusement) tendance à se diversifier en fonction de tel ou tel établissement en Bretagne. Il permet également de voir comment, par la culture, par la musique, une frange de la population a pu s’ouvrir à la langue bretonne, a souhaité la parler, la faire enseigner à ses enfants.
Mais on reste toutefois dubitatif en étudiant la deuxième partie de l’ouvrage, intitulée « Diwan et les pratiques artistiques ; les clés de la revitalisation ? ».
En effet, on y retrouve un des écueils de la gauche culturelle, qu’elle soit bretonne ou française. En quoi les « pratiques artistiques » pourraient bien être le vecteur de renouveau d’une langue? A l’école, comme au collège ou au lycée, la jeunesse n’est-elle pas avant tout censée apprendre à lire, à écrire, à penser, à compter (en Breton ou en Français)?
Or, sur les fondamentaux, Fanny Chauffin n’insiste pas. Pas (ou peu) de mots sur le contenu de l’enseignement dans les écoles Diwan . Pas de perspectives , d’exemples donnés de ceux qui, parlant la langue bretonne, sont devenus chefs d’entreprise, ingénieurs, développeurs …on en reste encore et toujours à la « culture », dans laquelle de surcroît on met tout et n’importe quoi du moment que c’est en breton.
Ainsi, Fanny Chauffin évoque – dans ce langage bien propre à la gauche culturelle, qui est loin de parler à tous, ce qui risque d’enfermer Diwan dans une bulle – la rencontre entre le Kan ha Diskan et le rap, mais aussi le théâtre en Breton, la « création littéraire » (avec encore une fois à boire et à manger dans son contenu) , les artistes, les artistes, et encore les artistes.
Avant d’ouvrir ( « des clés pour l’avenir ? ») sur la réforme de l’éducation populaire (tout en citant le pédagogue Philippe Meyrieu, grand fossoyeur de l’Education nationale), mais encore, sur les festivals, sur l’audio-visuel.
Avec Fanny Chauffin, on a parfois l’impression que le rôle d’une école – et particulièrement de la pédagogie Diwan – serait de créer uniquement des artistes, de gauche si possible, « ouverts sur le monde » et » libres » ( de qui ? de quoi ?).
Cet ouvrage dresse donc un bilan sur les 40 ans d’enseignement de Diwan. Il formé et bien formé (et pas que des artistes) de nombreux enfants. Il leur a permis de parler deux langues dès la maternelle (et d’en apprendre plus facilement d’autres plus tard) , tout en connaissant une réussite scolaire plus élevée que dans d’autres établissements. Par contre, il révèle les limites , non pas du bilinguisme, mais de la pédagogie d’une partie de ceux qui l’enseignent.
Car apprendre à des enfants à devenir des artistes parlant la langue bretonne, ou des élèves imprégnés d’une pédagogie de l’enfant est roi qui fait absolument ce qu’il veut, n’est ce pas les amener droit dans le mur, à notre époque? Ce livre, mis entre les mains de familles non initiées à cette pédagogie, qui souhaitent que leurs enfants apprennent deux langues dès la maternelle, pourrait les inciter à ne pas le faire au sein de Diwan.
En effet, si des familles souhaitent parler et penser en langue bretonne, c’est aussi pour qu’on leur parle de leur histoire, de leurs racines, mais aussi des possibilités qu’ils auront demain, de briller çà et là (et pas uniquement dans la création « artistique » formatée) , économiquement, scolairement, socialement…
Et de cela, le livre « Diwan, 40 ans d’histoire » rédigé dans un langage universitaire 100% « pédagogue » – à la limite du compréhensible par tout un chacun – ne le met pas avant.
C’est fort dommage pour l’indispensable promotion et l’enseignement de la langue bretonne. Elle ne devrait pas être reléguée, si elle veut se développer et ne plus être méprisée par les jacobins, à une langue de troubadours, de musiciens et d’éducateurs spécialisés. S’ils font partie intégrante de la société bretonne, ils ne doivent pas être les modèles uniques auxquels les enfants devraient s’identifier demain.
Yann Vallerie.
Diwan, 40 ans déjà – Fanny Chauffin – Yoran Embanner – 25 euros
Crédit photos : DR
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2 réponses à “« Diwan, 40 ans déjà ! » de Fanny Chauffin, un pèdagogisme bien français”
Pas sûr que la réussite de Diwan provienne de sa pédagogie. Même si celle-ci est assez exemplaire avec son inspiration de la méthode Montessori et son principe d’immersion totale dans la langue.
En effet, Diwan a son lot d’élèves en difficulté mais lorsque ceux-ci commencent à faiblir et à être en échec, nombre de parents en incombent la faute au breton, pensant que leur enfant aurait moins de difficulté dans une filière en français. Ils pensent qu’utiliser deux langues rajoute de la difficulté. Ce faisant, ils les enlèvent de Diwan pour les mettre dans le public ou le pseudo-catholique. Au fur et à mesure des années de collège et lycée, Diwan finit donc par ne se retrouver qu’avec de bons, voire très bons, élèves.
Sans parler de l’origine sociale de nombre d’élèves de Diwan, issus de la bourgeoisie de gauche écologiste, qui implique un certain niveau de vie et de culture, avec voyages à l’étranger, spectacles réguliers, ouverture sur le monde, bibliothèque fournie et tendance au politico-culturel lors des discussions familiales. Sans parler de l’effet de réseau qu’implique le fait de participer à la vie de Diwan.
Bref, Diwan est une école élitiste, malgré sa gratuité. On est loin de l’école pour tous voulue par la République.
Soit dit en passant, l’auteur de l’article devrait se pencher sur ceux qui sortant de Diwan et ont fait de grandes écoles, des études de médecine et de droit, avec une vision très libérale de l’économie, loin de l’artistaillerie à la Chauffin. Ils sont légion.
Alain je partage totalement votre analyse! Plutôt que de « chougnier » et se plaindre comme des Français les Bretons « de droite » feraient mieux de changer la sociologie de Diwan en y mettant leurs enfants et en s’y impliquant. Ou bien de créer leurs propres écoles (il y a déjà de la concurrence à Diwan et c’est très bien!). L’important c’est qu’une part bien plus importante des enfants Bretons soient instruits dans leur langue. En gardant à l’esprit que « l’éduc nat » c’est quand même ce qu’il y a de pire!