Election présidentielle. Un lien avéré entre la médiatisation et les résultats dans les urnes.

01/05/2017 – 05H45 Rennes (Breizh-info.com) – Dimanche 23 avril 2017, 20h00 : les chaînes d’informations diffusent sur les écrans les résultats du premier tour de l’élection présidentielle française. Les urnes ont parlé, ce sont Emmanuel Macron et Marine Le Pen qui accèdent au second tour qui se disputera dimanche prochain.

Les Français ont fait leur choix en leur âme et conscience : la démocratie a une nouvelle fois triomphé dans l’Hexagone. Enfin ça, c’est la version officielle.

Car si on se penche plus en détails sur la médiatisation des 11 candidats, on peut se permettre d’émettre quelques sérieux doutes sur le fait que les résultats de ce scrutin soient uniquement basés sur l’analyse approfondie des programmes par les dizaines de millions d’électeurs.

En effet, dans une élection on peut considérer que les candidats sont des produits et que leur résultat représente des parts de marché. Dans le marketing, on sait que le succès commercial d’un produit est lié à divers facteurs, dont sa campagne publicitaire. La décision d’un consommateur, quand il se retrouve par exemple dans un rayon de supermarché, sera dans un certain nombre de cas guidée par son subconscient.

On ne s’en rend pas forcément compte, mais à force de voir des spots publicitaires, d’entendre des slogans, de voir des affiches, vantant les mérites d’un produit, notre cerveau aura tendance à privilégier un bien qu’il connait, car c’est rassurant et il pense que cela va de pair avec la qualité.

Alors quand on observe les chiffres de temps de parole, de temps d’antenne, et de nombre de voix, on constate bien un lien, et la thèse que politique et marketing ont de nombreuses similitudes semble se confirmer.

Ci-dessous un graphique que j’ai réalisé après le premier tour de cette élection présidentielle 2017 :

A la lecture de ce graphique, on peut approfondir le sujet en commentant les chiffres des principaux candidats :

  • François Fillon aurait-il dû être présent au second tour, si vraiment il suffisait de médiatiser un candidat pour le faire gagner ? La réponse est non, car certes il a été très souvent question de lui à l’antenne (29 jours et 15 heures, soit 27.37%), mais de façon très souvent négative, en raison des affaires qui ont entouré toute sa campagne (PenelopeGate notamment). Il s’agissait donc là d’une contrepublicité. C’est comme si on diffusait tous les jours des publicités sur une lessive, en précisant fréquemment « des plaintes ont été émises contre cette marque, car elle faisait déteindre des vêtements » ;
  • Emmanuel Macron a quant à lui été le candidat le plus visible (20 jours et 14 heures), hormis Fillon, et souvent de façon élogieuse par les chaines de télévision et radios. Sa première place était donc tout sauf une surprise ;
  • Comme pour le candidat des Républicains, Marine Le Pen a aussi été souvent à l’antenne (17 jours et 15 heures), mais pas toujours dans des termes des flatteurs. Son score est donc d’autant meilleur ;
  • Pour Benoît Hamon, c’est l’exception qui confirme la règle ! Malgré qu’il ait représenté près de 16% de temps d’antenne (17 jours et 3 heures), soit l’équivalent de la candidate du Front National, il récolte moins de 7% des suffrages exprimés (3 fois moins que sa rivale). Comme circonstance atténuante, on pourra dire qu’il a payé la dynamique de Mélenchon et les trahisons de son parti, créant ainsi une fuite des électeurs ;
  • Jean-Luc Mélenchon fait quant à lui quasiment fois 2 entre son temps d’antenne (11 jours et 10 heures, soit 10.57%) et son score à l’élection. C’est remarquable, mais cela peut aussi en partie s’expliquer par son électorat jeune, qui se détourne de plus en plus des supports traditionnels d’informations (télévision et radio) au profit d’internet. La toile n’étant pas comptabilisée par le CSA, on a ici une partie de justification à ses très bons résultats ;
  • Chez les candidats ayant réalisé moins de 5% des voix, il était évidemment impossible pour eux d’espérer mieux, tant leur temps d’antenne a été famélique (entre 1 et 3 jours de temps d’antenne, idem pour le temps de parole, entre le 1er février et le 18 avril ; contre plus de 17 et 20 jours de temps d’antenne pour les deux finalistes).

En observant un autre graphique, trouvé sur internet, sur l’élection présidentielle de 2012, on observe également le triste lien entre temps de parole et nombre voix, agrémenté d’une donnée également intéressante : les recettes de campagne.

Afin de justifier ces données et graphiques, certains pourront certes dire qu’il est normal de plus médiatiser les candidats en tête dans les sondages. Mais quand d’une part on connait le degré d’indépendance de ces sondages (cf. les déclarations de Philippe de Villiers sur les sondages qui s’achètent), et quand d’autre part on se prétend être une si belle démocratie équitable, il devient difficile de justifier ces flagrantes inégalités de traitement.

Si on voulait vraiment une équité, pourquoi ne pas s’inspirer des courses de chevaux avec des handicap de 25m pour les candidats ayant le plus de réseaux et de moyens ? L’arrivée du quinté serait alors plus serrée qu’aujourd’hui où ce sont les favoris qui partent avec 25m d’avance.

Et quand on sait que les frais de campagne sont remboursés uniquement à partir de 5% des suffrages…on ne peut qu’être compatissant envers les candidats ignorés des médias.

Une fois encore, la démocratie française tient plus de la légende et de l’auto-persuasion, que de la réalité.

Erwan Pennarun

Source données 2017 :

http://www.politologue.com/Presidentielle2017/TempsParole/

Crédit Photo : DR
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