30/04/2017 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) ‑ Jean-Marc Ayrault s’apprêtait à finir sa carrière ministérielle aussi obscurément qu’il l’avait commencée. Sa dernière intervention solennelle, mercredi dernier, à propos de l’attaque aux gaz de Khan Sheikhoun en Syrie, est tombée à plat. Il l’avait un peu cherché. Affirmer le 26 avril avoir trouvé la « preuve » que l’attaque du 4 avril a été commise par le régime syrien, c’était au minimum avouer que ses précédentes interventions étaient des accusations sans preuve. Et puis, brandir une étude des services de renseignements français rappelle un peu trop le précédent de 2003, quand George Bush avait attaqué l’Irak sur la foi d’un rapport de la CIA sur les « armes de destruction massive » de Saddam Hussein, jamais dénichées par la suite. Enfin, bondir de la maîtrise du gaz sarin par le régime syrien à la conclusion que c’est lui qui l’a utilisé était quand même un peu rapide, surtout en l’absence d’un mobile plausible (quel intérêt stratégique ou tactique Bachar el Assad aurait-il eu à gazer 86 personnes, en majorité des civils ?).
La presse internationale a donc pris ces « révélations » avec des pincettes. Le New York Times, par exemple, ne les a évoquées qu’à travers les démentis opposés par la Syrie et la Russie. « Selon le ministre syrien, la remarque d’Ayrault montre que « la France est impliquée dans la préméditation de ce crime » », a écrit le quotidien américain sans prendre le moindrement la défense du ministre français. L’opération de communication a ainsi tourné au fiasco, contribuant à dégrader l’image internationale de la France.
La position de la Commission européenne sur Notre-Dame-des-Landes est donc arrivée à point nommé, le lendemain, pour que l’ancien maire de Nantes puisse quitter le Quai d’Orsay sur un succès – d’envergure locale, certes, mais il faut faire avec ce qu’on a.
La victoire n’est pas éclatante pour autant. En 2014, la Commission européenne avait engagé une procédure d’infraction contre la France pour avoir omis de réaliser une étude environnementale globale du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Les autorités ont donc retapé en vitesse le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de Nantes-Saint-Nazaire, dans des conditions souvent critiquées ; le tribunal administratif de Nantes a d’ailleurs été saisi. Mais la Commission européenne n’a pas attendu de savoir si le nouveau SCOT serait ou non validé : puisqu’elle avait demandé un papier et qu’elle avait reçu un papier, elle a décidé de classer le dossier sans suite.
Elle n’a pas pour autant « autorisé » la construction de Notre-Dame-des-Landes, comme certains l’ont dit trop hâtivement. Elle s’est contentée de se retirer de l’affaire. En toute discrétion. Sa décision n’a été révélée que par un communiqué du Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest. La Commission européenne a pourtant l’habitude de multiplier les déclarations officielles sur les sujets les plus divers. Sa base de données contient à ce jour 93 708 communiqués de presse. Cette décision prise en catimini a toutes les allures d’une bonne manière faite à un gouvernement français au bord du trépas. Et Jean-Marc Ayrault pourra se prévaloir d’un succès diplomatique. Il était temps.
Illustration : Jean-Marc Ayrault en compagnie de l’ancien Secrétaire d’État américain John Kerry, photo U.S. Department of State, domaine public, via Wikimedia Commons
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Une réponse à “Notre-Dame-des-Landes : miracle diplomatique en fin de carrière pour Jean-Marc Ayrault”
Pas sûr que Jean-Marc Ayrault ait eu à faire beaucoup d’efforts pour obtenir cette faveur : le conseil européen s’est réuni samedi pour fixer sa politique face au Brexit, et Junker tenait absolument à afficher une unité parfaite. Des journaux ont dit qu’il y a travaillé pendant des semaines. Cette décision sur NDDL était un bon moyen d’amadouer Jean-Marc Ayrault.