10/04/2017 – 06H45 Paris (Breizh-info.com) –Les Etats-Unis ont averti vendredi qu’ils étaient prêts à lancer de nouvelles frappes contre le régime syrien et la Syrie et à mettre en place de nouvelles sanctions économiques, au lendemain du bombardement d’une base de l’armée syrienne.
Sur place la situation est particulièrement floue. Dans le monde entier, beaucoup ne comprennent pas cet interventionnisme américain – alors même que Donald Trump semblait vouloir tourner le dos au passé belliqueux (et sanglant) de la politique étrangère américaine. Même Barack Obama n’était pas allé aussi loin en Syrie.
Pour faire le point sur la situation, nous avons interrogé la journaliste Charlotte d’Ornellas – qui, contrairement à de nombreux autres commentateurs de la question syrienne – s’est rendue sur place à de nombreuses reprises, aux côtés des institutionnels mais aussi des populations civiles.
Breizh-info.com : Quelle est votre réaction après l’annonce des bombardements américains sur la Syrie ?
Charlotte d’Ornellas : Ma première réaction a été la stupéfaction. Une stupéfaction terrifiée pour être honnête, de voir Donald Trump qui semblait suivre les pas de Georges W. Bush, également élu sur un programme isolationniste mais dont on connaît toutes les actions guerrières désastreuses.
Cet interventionnisme américain a détruit tant de pays que c’est une crainte pour la Syrie.
J’ai été la première à répéter que je préférais voir Donald Trump gagner cette élection américaine, en raison de la promesse de guerres en tous genres que faisait régulièrement Hillary Clinton… Douche froide, en tout cas à la première impression.
Revenons au début de cette « histoire ». Je suis extrêmement sceptique, pour rester prudente, sur l’origine de cette attaque au gaz. D’abord parce que je ne vois vraiment pas quel intérêt aurait le gouvernement syrien à agir de la sorte : il s’agit de la pire arme possible – aussi bien dans la réalité que dans la guerre de communication qui prend une grande place dans ce conflit – et le gouvernement syrien le sait. L’utiliser au moment même où une éclaircie diplomatique semblait s’installer, où les occidentaux – emmenés par les Américains – ne demandaient plus le départ de Bachar el-Assad, et le tout dans une région où les différentes factions rebelles se chargent déjà de s’entre-tuer… semble absurde.
Le gouvernement syrien n’est pas composé de tendres, mais certainement pas non plus d’imbéciles. Or il faudrait l’être pour agir ainsi.
Sans compter qu’il existe de nombreuses bizarreries autour de l’annonce de cette attaque relayée par l’Observatoire syrien des droits de l’homme et les casques blancs dont on connait l’engagement extrêmement militant contre le gouvernement syrien.
Les Américains nous ont habitués à justifier leurs guerres par de pures mensonges, d’où mon inquiétude.
Mais Donald Trump était quand même celui qui suppliait Obama de ne pas intervenir en 2013, qui répétait à l’envie qu’il se retirerait de la région pendant sa campagne, et qui affirmait encore récemment que le départ de Bachar el-Assad n’était plus une priorité. Ce retournement est pour le moins étonnant et inquiétant.
Passée cette première réaction qui laisse un goût amer, j’ai tenté de comprendre ce qui avait pu motiver cette décision, et ce qu’était réellement cette intervention.
Breizh-info.com : Trump a-t-il trahi tous ceux qui croyaient en son projet isolationniste ?
Charlotte d’Ornellas : Je pense qu’il est trop tôt pour le dire parce qu’il est difficile de discerner avec certitude quelles pourraient être les causes, mais également les conséquences de cette agression.
Donald Trump est extrêmement contraint par son propre parti – majoritaire au Congrès – qui ne cesse de bloquer ses décisions. Il est également accusé d’être une marionnette de Vladimir Poutine…
Cette attaque d’une base de l’armée syrienne pourrait être une façon – très cynique – de traiter ses problèmes sur la scène intérieure comme extérieure. On retrouve d’ailleurs sa personnalité dans l’illégalité totale de cette action, dont il semble se ficher éperdument.
Mais cela lui permet aussi de montrer à la face du monde qu’il est capable de réagir vite et très fermement, et aux néo-conservateurs qui lui sont assez hostiles, que les Etats-Unis sont de retour dans le jeu international (et de faire ainsi « mieux » qu’Obama).
Sur la scène intérieure, il s’attire la bienveillance de ces derniers, mais également des médias. Il est assez ironique que Donald Trump revienne en grâce par un bombardement, mais nous avons constaté que c’était également le cas en France. Les médias sont ses ennemis jurés, ce pourrait être une manière d’adoucir les relations.
Vous allez me dire que je ne réponds pas exactement à votre question, mais je ne saurais y répondre pour l’instant, seule l’évolution de la situation permettra de le faire. Parce que pour l’instant, à la grande différence de Georges W. Bush, Donald Trump n’engage pas l’armée américaine dans cette guerre.
Il a frappé une fois, et s’il s’arrête là, il n’aura pas forcément trahi ses promesses.
Reste en revanche à voir quel sera le comportement des européens qui rêvent d’intervenir depuis des années, et celui des Russes. Mais ces derniers semblent pour l’instant réagir avec mesure. À suivre donc.
Breizh-info.com : Avez vous des nouvelles de la situation sur place ?
Charlotte d’Ornellas : J’ai eu quelques réactions de Syriens : ils sont assez anéantis par cette agression américaine, craignant que rien ne change malgré leurs espoirs.
Beaucoup de colère et d’incompréhension pour certains d’entre eux évidemment, mais également une forme de résignation : ils se sont habitués à avoir le monde entier contre leur gouvernement, et voit d’un bon oeil la détermination russe.
Encore une fois, il ne s’agit pas forcément d’un soutien politique à leur gouvernement mais d’un constat que beaucoup partagent : rien ne peut aujourd’hui le remplacer et l’opposition gangrenée par l’islamisme continue à les terrifier.
Eux aussi attendent de voir ce qui se passera dans les jours qui arrivent et tous espèrent contre toute espérance la paix. Mais cette période est émotionnellement difficile : il y a quelques jours encore, les Occidentaux semblaient résolus à s’entendre avec les russes pour une transition politique… Ils se retrouvent à nouveau dans l’expectative, alors qu’ils sont épuisés par six très longues années de guerre.
Breizh-info.com : Quel regard portez vous sur les réactions en Europe ?
Charlotte d’Ornellas : J’ai déjà évoqué la chose mais je suis assez affligée par le regard simpliste que certains posent sur la situation.
Je suis également fascinée – au sens très négatif du terme – par ceux qui hurlaient à la mort pour l’interdiction d’un visa et semblent se féliciter aujourd’hui d’un bombardement.
Cette politique interventionniste a systématiquement échoué, comment peut-elle à nouveau susciter l’enthousiasme de certains, cela reste un mystère pour moi.
Pour ce qui est de l’attaque chimique elle-même, rien d’étonnant dans les réactions : comme d’habitude, rares sont ceux qui acceptent de ne pas céder à l’émotion et de rester prudents dans l’analyse. Il est normal d’être horrifié par les photos de cadavres d’enfants, il est stupide d’en tirer des conclusions définitives sur un conflit que tous savent extrêmement compliqué.
Et sur ce point précis, je reconnais éprouver une immense colère : il est totalement injuste que seuls les morts qui servent un discours entendu provoquent l’indignation. Il y a des dizaines de morts dans cette attaque, et ce sont des dizaines de morts de trop. Mais des centaines de milliers de personnes sont déjà mortes dans ce conflit, et beaucoup trop dans l’indifférence générale.
Propos recueillis par Yann Vallerie
Crédit photos : DR
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7 réponses à “Charlotte d’Ornellas sur la Syrie : « Cet interventionnisme américain a détruit tant de pays… » [Interview]”
59 missiles Tomahawks, 6 morts et quelques avions détruits. Pour détruire totalement cette base il en eut fallu exactement le double; d’ ailleurs les vols ont repris dès le lendemain…
Cette attaque a été volontairement « téléphonée ». Des témoins sur place ont vu des files de camions quitter la base quelques heures avant le déclenchement de l’ attaque.
Trump a fait un coup politique à destination de son opposition intérieure et de ses adversaires extérieurs: Russie, Chine, Corée du nord.
Poutine l’ a parfaitement compris qui a répondu verbalement et de façon modérée.
Je ne pense pas qu’ il faille prendre cette action pour une volonté de reprendre une politique interventionniste à la Killary Clinton.
En effet, il est bon parfois de montrer les muscles en diplomatie, et c’est une partie de la raison du choix de la réponse.
Il faut bien monter d’une façon ou d’une autre que ce n’est plus le moralisateur pacifiste pleutre Obama qui est aux commandes (quelqu’un qui devait beaucoup plaire à Mme. Charlotte.)
Entièrement d’accord avec vous Charlotte, et aussi avec Ludo. Que Trump ait prévenu Poutine équivalait à prévenir Assad. Mais c’est néanmoins triste pour la Syrie que Trump doive sauver sa peau de l’impeachment en tapant sur la Syrie.
Avez-vous perdu l’esprit?
Quel « impeachment »? Par qui? Pour quoi?
Ne soyez pas dupe de ce que racontent les médias de propagande de Gauche.
Parce que les locaux avaient attendu les Etats-Unis pour détruire leur pays.
Je reste abasourdi par le fait que l’extrème-droite roule pour Assad, un homme qui illustre le terme « dictateur fasciste » et don’t elle devrait se séparer le plus possible.
D’autre part, Charlotte, puisque vous nos faites la leçon de morale, ça ne vous dérange pas les enfants gazés..?!
Je sais que c’est un argument spécieux, mais franchement moins que de critiquer un pays et un Président qui essaye d’empêcher le pire en Syrie.
Ca semble facile de se parer de moralité quand on est isolationiste comme vous, mais l’isolationisme, il y a aussi de nombreux cadavres.
Alors, no vous mêlez plus de nous faire la leçon.
Merci.
Assad un « dictateur fasciste »…
Donc, quand on a dit cela on a tout dit…. Par ici les missiles…(?)!
Kadafi aussi était un dictateur…
Pourtant pour la population, il était le garant de la paix au sein de ce territoire artificiel créé par les colonisateurs où des populations différentes ont été contraintes de vivre ensemble et de se partager le pouvoir.
Aujourd’hui nous (Bretons, Français) pouvons être fier car grâce à l’intervention militaire les Libyens (hommes, femmes et enfants) peuvent enfin mourir libre, et c’est tellement mieux que de vire en paix sous un dictateur : Les populations différentes se tapant « librement » dessus pour prendre le pouvoir, l’équilibre étant rompu!
Donc, Charlotte…. NON, il n’y a pas que les USA dont l’interventionnisme à détruit des pays…! Et vous savez ce que l’on dit : Avant d’aller voir chez les autres, il faut balayer devant sa porte.
Justement ici en Bretagne si vous souhaitez un exemple, nous pouvons vous présenter un pays détruit par un interventionnisme (non américain) qui voulait « civiliser le plouc » (acte humanitaire) en lui retirant son argent (et oui) puis sa culture, sa langue, son histoire et sa démocratie afin de pouvoir augmenter artificiellement la population de l’agresseur et par là même la puissance de son armée. Quelque fois la richesse convoité c’est la population, d’autres fois c’est le gaz ou le pétrole…!
@ Breizh-Info :
Je n’ai rien contre Charlotte d’Ornellas qui a eu le mérite de se déplacer en Syrie… mais n’avez vous vraiment aucun analyste breton à nous présenter avant d’aller les chercher en France et sur TV Liberté?
Car avec Charlotte d’Ornellas ce n’est pas vraiment ce qu’on appelle de « l’info vue de Bretagne »!
Cette manie des amerloques à s’occuper des affaires des autres…. US, go home!