03/04/2017 – 06H45 Saint-Brieuc (Breizh-info.com) – Toujours dans le cadre de sa campagne présidentielle, et après son passage à la Trinité-Porhoët jeudi soir (voir ici), Marine Le Pen était à Erquy (22) vendredi après-midi afin de rencontrer des professionnels de la mer. Après une séance de photos à bord d’un bateau de pêche local amarré à la cale du Vieux port, une réunion s’est tenue à la « Maison de la mer » en présence de la présidente du Front national qui a présenté son programme maritime à une assistance de marins pêcheurs et de représentants d’autres professions de la mer.
Un ministère de la Mer dans les cartons
Pour débuter la réunion qui durera un peu moins d’une heure, Marine Le Pen a tout d’abord abordé « l’instabilité juridique » qui pèse sur la profession de marin pêcheur. Une instabilité qu’elle entend conjurer en créant un ministère de la mer en cas d’arrivée au pouvoir du Front national. Il faut rappeler par ailleurs que l’État français n’a plus de ministère entièrement dédié au monde maritime depuis le début des années 1990, témoignant d’un certain désintérêt pour les enjeux du secteur.
Brexit et zones de pêches
Parmi les inquiétudes des marins pêcheurs locaux, il y a le Brexit avec la sortie programmée du Royaume-Uni de l’Union européenne. Une sortie qui risque de poser des questions quant à l’attribution des zones de pêches en Manche, les Britanniques étant susceptibles de fermer leurs eaux territoriales aux pêcheurs bretons et français.
Sur le sujet, Marine Le Pen se veut optimiste et, sans écarter le risque, estime que le gouvernement français disposera d’un pouvoir de négociation suffisant, la France étant une grande importatrice de produits de la mer britanniques. Un argumentaire qui n’a pas dissipé tous les doutes des professionnels.
Oublier Bruxelles, moderniser la flotte
Raillant la Commission européenne et son « plan d’aide au démantèlement des navires de pêche », la chef de file du FN a joué sur la même corde sensible que lors de son discours au monde agricole la veille : « l’Union européenne vous a humiliés ».
À la question du renouvellement de la flotte (dont la moyenne d’âge est particulièrement élevée pour les petites unités) posée par l’un des participants, Marine Le Pen préconise une sortie de l’Union européenne pour échapper aux directives de la Commission qui complique fortement les dossiers de demande pour des bateaux de pêche neufs.
Un renouvellement de la flotte qui serait la clé, selon la candidate à l’élection présidentielle, de la compétitivité de la pêche bretonne et française. De la même manière, elle poursuit en affirmant que « des navires plus récents permettraient d’assurer la sécurité des marins et de préserver la biodiversité avec des appareils de pêche plus performants ».
Mais réduire l’avenir de la filière pêche à la seule question du renouvellement de la flotte peut paraître un peu réducteur. Le chalutage pélagique ou plus généralement la pêche industrielle, qui est toujours d’actualité par ailleurs, seront toujours des menaces pour la biodiversité, bateaux neufs ou pas.
Attirer les jeunes pour sauver le métier
Avec la présence de quelques jeunes en école de pêche dans la salle, Marine Le Pen a abordé la question de l’avenir du métier. Elle a mis l’accent sur la nécessité d’attirer la jeunesse et, là encore, elle a insisté sur la modernisation de la flottille afin d’améliorer les conditions de travail. De même, l’adaptation des formations à la réalité de l’emploi maritime a aussi été prônée par la candidate.
Précisons au passage qu’à l’heure actuelle, nombreux sont les jeunes diplômés des écoles de pêche à ne faire qu’un passage furtif dans le métier.
Éoliennes et pêche illégale
Autre sujet particulièrement sensible à Erquy, l’éolien offshore. Effectivement, un projet de parc éolien en baie de Saint-Brieuc de soixante-deux éoliennes en mer doit voir le jour. Un investissement de 2 milliards d’euros pour un parc qui s’étendra sur une surface de 75 km². La mise en service de ce parc est prévue en 2020. Et divise fortement les opinions locales.
Pour Marine Le Pen, l’éolien a prouvé son inefficacité en terme de productivité d’énergie mais, en revanche, occasionnera des dégâts considérables sur les fonds marins de la baie de Saint Brieuc. Ainsi, même si la partie émergée des éoliennes est démontable, les énormes quantités de bétons coulées sur les fonds marins ne seront jamais récupérées en cas de démantèlement du parc éolien.
Quant à la pêche illégale, la présidente du FN entend se montrer ferme sur la question, bien que les premiers à franchir la ligne blanche soient souvent les pêcheurs locaux eux-mêmes.
Comme en agriculture, un « patriotisme alimentaire »
Adaptant son discours de la veille à l’économie de la pêche, Marine Le Pen a fait la promotion de son concept de « patriotisme alimentaire » déjà évoqué devant les agriculteurs. Un concept qui commencerait par l’obligation pour les collectivités et cantines de s’approvisionner auprès de la filière pêche locale.
Plus généralement, l’idée directrice du Front National est de « renationaliser la politique de la pêche ».
Comme en agriculture, des gros et des petits
Depuis de nombreuses années, la problématique des quotas de pêche décidés par la Commission européenne agite les ports bretons et français. Des quotas souvent jugés irrationnels par les marins pêcheurs qui estiment que les décisions prises sont sans fondement la plupart du temps.
Là-dessus, Marine Le Pen argumente en expliquant la volonté des instances dirigeantes européennes de voir disparaître les petites entreprises : « comme dans bien d’autres professions, l’UE déteste les indépendants ».
Un constat que certains participants appuieront en expliquant que les obligations du « zéro rejet » imposé par Bruxelles aux petits bateaux de pêche sont « littéralement inapplicables », alors que ces mesures ne devraient concerner que la pêche industrielle.
Enfin, un intervenant fera remarquer le risque de l’absence de contrôle quant à l’attribution des subventions car ce sont bien souvent, comme en agriculture, les grosses entreprises qui empochent la mise.
Quelques opposants maintenus à distance
Une vingtaine de personnes s’était regroupée à quelques centaines de mètres des lieux de la réunion pour manifester leur opposition à la venue de Marine Le Pen. Une opposition marquée par des drapeaux du Parti communiste et quelques chasubles jaunes, ainsi que des bruits de casseroles. Aucun incident n’a été à déplorer, un barrage de police bloquant d’ailleurs l’accès au port.
Crédit photos : Breizh-Info.com
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