Bretagne – Angleterre. L’anglophilie de Jean IV, duc de Bretagne de 1364 à 1399

02/04/2017 – 06h30 Dinard (Breizh-Info.com) – Nous vous proposons ci-dessous le premier d’une série d’articles sur les relations anglo-bretonnes sous la dynastie des Montfort. Ils sont réalisés par Pierre Scordia, Professeur à l’University College London

Dans la plupart des cours européennes au Bas Moyen-âge, la diplomatie que mènent les Montfort à Nantes est fort complexe et dépend avant tout de la personnalité et des intérêts particuliers du prince. Il oriente sa politique en vue d’étendre ou de conserver son autorité ; rien de nouveau.

Si une vieille alliance commence à affaiblir ou à menacer son pouvoir, il complote contre son allié et peut même lui déclarer la guerre.

Au nom de la sacro-sainte alliance liant les Stuart d’Écosse aux Valois de France, la dynastie des Montfort, installée sur le trône de Bretagne grâce à l’appui de l’Angleterre lancastrienne, scelle un pacte de soutien mutuel afin de s’assurer une prépondérance politique et militaire sur la puissance ennemie commune : la France.

Le duc de Bretagne, Jean III, meurt en 1331 sans descendance directe et sans consigne concernant sa succession. Deux prétendants disputent la couronne ducale : son demi-frère, Jean de Montfort, comte de Montfort l’Amaury et seigneur de Guérande et Jeanne de Penthièvre, fille du frère de Jean III (Guy de Penthièvre), mariée à Charles de Blois, le neveu du roi de France.

Cette dispute déclenche une guerre de Succession en Bretagne entre les Penthièvre et les Montfort.

En 1341, le roi d’Angleterre Edward III prend parti pour ces derniers et intervient militairement dans la péninsule armoricaine ; ce débarquement des troupes anglaises sur le Continent marque le début de la Guerre de Cent Ans selon de nombreux historiens français. Cette opération n’est pas désintéressée ; en effet, la péninsule armoricaine représente un enjeu stratégique pour l’Angleterre car elle favorise les échanges et facilite les communications avec le grand duché d’Aquitaine, source de revenus considérables pour les Plantagenets qui en sont propriétaires. Or, l’Aquitaine, théoriquement fief de la couronne française, suscite la convoitise de l’administration royale qui, avec peine, tente de s’ingérer dans les affaires du duché.

En échange de l’aide militaire anglaise, les Montfort soutiendront les prétentions d’Edward III au trône de France. Ils ne voient aucune contradiction à détrôner Jeanne de Penthièvre en écartant de fait les femmes de la succession de Bretagne tout en appuyant les prétentions du Roi d’Angleterre qui revendique les droits de sa mère, Isabelle de France, Reine d’Angleterre ; il devient ainsi le seul descendant légitime de Philippe IV le Bel. Ce cynisme caractérise le XIV° siècle.

Jean IV, premier duc de la nouvelle dynastie des Montfort (fils de Jean de Montfort et de Jeanne de Flandre), est probablement le souverain breton le plus anglophile. Elevé à la Cour d’Angleterre, sous la bienveillance du roi Edward III, Il débarque en Bretagne en 1362 à la tête de troupes anglo-bretonnes. Deux ans plus tard, il vainc à Auray ses adversaires pourtant soutenus militairement par la France. Dès lors, il est surnommé « Jean le Victorieux » dans les chroniques.

Jean IV aime à s’entourer d’Anglais à sa cour. Ses deux premières épouses, Mary d’Angleterre (fille d’Edward III) et Joan Holland*, de même que son trésorier et receveur-général, Thomas Melbourne, ainsi que d’autres membres de son hôtel viennent d’Outre-manche. Ses sentiments anglophiles sont d’autant plus forts qu’il jouit de ses pleins droits sur le comté de Richemont, riche fief anglais. En effet, en 1372, Jean IV signe une alliance avec l’Angleterre contre la France afin de récupérer les droits ancestraux des Ducs de Bretagne sur le comté de Richemont. Richard II le lui confisque en 1381 lorsque Jean IV signe le second traité de Guérande avec la France. En 1398, lors de son dernier séjour en Angleterre, Jean IV reçoit à nouveau ses droits d’usufruit sur Richemont et est nommé chevalier de la Jarretière par Richard II.

Au cours de son règne, Jean IV est confronté à une rébellion des seigneurs bretons mécontents de sa politique, ce qui l’oblige à se réfugier en Angleterre. Ce n’est pas tant sa politique anglophile qui est remise en question que sa tentative de centralisation du pouvoir. Comme partout ailleurs en Occident, les nobles se liguent quand leurs prérogatives féodales sont menacées. Cependant, le duc est très vite rappelé par les grandes familles bretonnes, y compris les Penthièvre et retrouve sa couronne en 1379 après l’échec de la tentative d’annexion de la Bretagne par les troupes françaises.

*La mort de la duchesse Joan Holland, en 1384, fut un événement important dans le déclin de l’influence anglaise à la cour de Bretagne.

Pierre Scordia (voir ses articles en anglais ici)

Crédit Photos : DR
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7 réponses à “Bretagne – Angleterre. L’anglophilie de Jean IV, duc de Bretagne de 1364 à 1399”

  1. Pschitt dit :

    Merci d’éclairer ainsi l’histoire de Bretagne. Les historiens bretons eux-mêmes ne sont pas toujours d’un grand secours. Le « Dictionnaire de Nantes », gros ouvrage financé par la ville de Nantes mais truffé d’erreurs et d’approximations, parle d’une « faible présence des Anglais à Nantes avant le 19e siècle » (article « Anglais »). Détail aggravant, le texte est de l’historien Alain Croix.

    • ArturusRex44 dit :

      Ah quel éclairage ! Quel rapport entre l’histoire de la Bretagne médiévale et l’histoire de Nantes ? Alain Croix n’est pas le parangon des historiens, loin s’en faut, mais il relève présentement une réalité sur laquelle on peut s’interroger : Nantes, le temps des ducs passé, ne doit sa fortune qu’aux apports étrangers : espagnols (et judéo-espagnols notamment), portugais, néerlandais, irlandais, suisses. Dans la pratique, on tolérait les protestants bataves pourvu qu’ils soient discrets dans l’exercice de leur culte, l’anglicanisme ne saurait donc expliquer l’absence des Anglais. Peut-être faut-il y voir la marque du passage des cousins Acadiens échoués à Nantes (et Belle-Île) après un « grand dérangement » qui fut, on choisira selon ses goûts, une épuration ethnique ou un grand remplacement ? Peut-être faut-il y voir l’action de la forte communauté irlandaise, chassée d’Irlande pour sa foi catholique, pour expliquer que les Anglais ne se soient pas sentis chez eux à Nantes ? Pas plus qu’ailleurs en Bretagne, où ils jouaient le rôle de l’ennemi héréditaire, depuis le Combat des Trente jusqu’au débarquement de Saint-Cast, sans oublier l’amitié séculaire entre corsaires et pirates bretons et marins anglais… Bref, Nantes et Bretagne n’ont pas été des terres favorables à la perfide Albion avant le XIXe s., Alain Croix a raison de le souligner

      • Pschitt dit :

        Vous vous trompez, ou plutôt vous cherchez midi à 14 heures. D’abord, dans le Dictionnaire de Nantes, il est question de Nantes et pas de toute la Bretagne. Ensuite, Alain Croix ne dit pas que Nantes a été (ou pas) favorable à la perfide Albion mais que les Anglais n’ont eu qu’une « faible présence » à Nantes avant le 19e siècle, un point c’est tout : il n’est pas question de sentiments là-dedans ! Or vous ne contesterez pas que la présence anglaise a été significative à Nantes au temps de Jean IV. Et vous n’aurez pas besoin de chercher beaucoup pour la trouver aussi au 18e siècle (pour une part au travers de liens entre familles de planteurs dans les îles des Antilles redistribuées entre la France et l’Angleterre par le traité de Versailles de 1783).

      • Gwendal Pennanech dit :

        La notion « d’ennemi héréditaire  » est une peu ridicule et très XIXe siècle . « Perfide Albion », « France éternelle » etc tout cela c’est du flan.

  2. jaouen dit :

    C’était le bon temps ! Crecy et azincourt sont des victoires bretonnes… et après le retournement d’alliance, Orléans, Patay et Formigny… aussi. Le corps expéditionnaire breton était alors une force redoutable.

  3. ArturusRex44 dit :

    Le nommé Pierre Scordia, blogueur hébergé par Mediapart, a quelle autorité pour traiter de la Bretagne médiévale ? Ce texte est un tissu de conneries, d’erreurs, de contre-vérités, de jugements biaisés. Il est quand même malheureux de continuer à écrire n’importe quoi [par exemple, on ne parle de dynastie lancastrienne qu’à partir de 1399 avec Henri IV : elle n’a donc pas pu « installer » la dynastie des Montfort ! ; par exemple Jean III ne meurt pas en 1331 (ligne 13) mais en 1341 ; par exemple la « chevauchée » d’Edouard III remonte à 1339-40 et la bataille de l’Ecluse date de 1340 : dire après cela que « de nombreux historiens français » (lesquels ?) considèrent que le débarquement de 1341 « marque le début de la Guerre de Cent Ans » est une galéjade] quand un immense médiéviste, le gallois Michael Jones, a consacré sa thèse à ce thème en 1970. Tardivement publiée aux Presses universitaires de Rennes en 1998, elle dispense de lire les âneries de M. Scordia. Son titre : « La Bretagne ducale : Jean IV de Montfort (1364-1399) entre la France et l’Angleterre ». Epatant, non ?

  4. Alain dit :

    2 points à souligner :

    1) Jean IV est surtout le Duc qui a mis 2 raclés monumentales à l’Armée Française et à leur roi! (Notre William Wallace à nous, mais en mieux… parce qu’à la fin, il gagne 2 fois!)
    2) Le Domaine de Richmond était une possession bretonne en Angleterre qui rapportait au Duché autant sinon plus que l’économie du Duché elle-même, et dont on dit souvent que le Breton Alan ar Ruz (Alain le Rouge) qui fut le premier gestionnaire du Domaine fut l’homme le plus riche de Grande-Bretagne de tous les temps (plus qu’Elisabeth II aujourd’hui). Sans même évoquer que les droits de la Bretagne sur le Domaine de Richmont ouvraient les portes aux Bretons vers la Couronne d’Angleterre (se souvenir du Duc Arthur 1er de Bretagne tué par son oncle Jean Sans Terre pour lui dérober cette couronne).

    Donc, l’Anglophilie du Duc était toute relative car l’Angleterre était notre allié du simple fait que les Bretons y avait un pouvoir non négligeable et une influence directe sur le trône anglais (anglo-normand).

    *PS : Le Domaine de Richemont était la « récompense » des Bretons pour avoir participer à la campagne de Guillaume le Conquérant, dont l’Armée était à 40% bretonnes (ce que l’histoire officielle aime à oublier…).
    Et pour la petite histoire, c’est ainsi que les Bretons réintroduiront la légende du roi Arthur dans l’île…!

    Jean IV nous rappelle ce temps où la Bretagne était une puissance économique et militaire en Europe….
    Aujourd’hui, les Bretons se prennent pour des Français, votent Socialiste ou rêvent de voter FN…! Quel contraste!

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