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Fonds secrets du Sénat : après Fillon, Bruno Retailleau mis en cause

21/03/2017 – 07H15 Nantes  (Breizh-info.com) – Bien que François Fillon soit resté – faute de prétendants – le seul et unique candidat UMP/LR aux présidentielles, les ennuis médiatiques continuent à pleuvoir sur lui. Après la mise en cause d’un de ses proches, Dominique Tian, pourfendeur de la « fraude fiscale » par les pauvres et renvoyé en correctionnelle pour blanchiment de fraude fiscale, puis l’affaire des costumes de luxe qui lui auraient été offerts par un homme fort de la Françafrique, ce qui ne peut pas ne pas poser de questions, voici maintenant son fidèle lieutenant Bruno Retailleau – qui préside aussi la région des Pays de la Loire – mis en cause par la presse.

En l’occurrence, il s’agit de Mediapart, qui publie dimanche dernier un article qui soutient que « Bruno Retailleau apparaît parmi les bénéficiaires du système occulte des ristournes qui aurait permis à des sénateurs UMP, jusqu’en 2014, de récupérer des fonds théoriquement destinés à la rémunération d’assistants parlementaires ». Des investigations ont été lancées par la Brigade de répression de la délinquance astucieuse – autrement dit des escroqueries – et six personnes dont plusieurs élus auraient été mis en examen pour des détournements qui ont eu lieu entre 2009 et 2014, dont l’ancien sénateur André Dulait, qui ne fait plus partie de la Chambre haute.

Un ancien ministre de Fillon, Henri de Raincourt, a aussi été mis en examen – d’après Mediapart (18/12/2016) il aurait bénéficié de 2008 à 2011 d’un complément de salaire de 4000 € par mois tiré d’un compte secret du groupe UMP du Sénat dans le cadre de ces fameuses ristournes. Le comble, c’est qu’il a continué d’en bénéficier même quand il était ministre, chargé des Relations avec le Parlement, en violation du principe de séparation des pouvoirs. En tout, près de 150.000 € auraient été détournés.

Celles-ci sont issues des « restes » des enveloppes versées aux sénateurs pour salarier leurs collaborateurs et qu’ils n’épuisent pas toujours ; ils rendent le restant au groupe, ce qui est légal et toléré, le groupe s’en servant normalement pour embaucher des collaborateurs supplémentaires qui profitent à tous et améliorent le travail parlementaire. Cependant, « entre 2003 et 2014 le système a été perverti côté UMP : des sénateurs récupéraient en douce un tiers du crédit qu’ils déléguaient au groupe », écrit Mediapart (28/1/2017), les sommes étant « directement distribuées par le groupe UMP » où elles transitaient « par une association fantoche baptisée Union Républicaine du Sénat (URS) plus discrète, qui se chargeait de signer les chèques » ; la fameuse « ristourne » serait légale pour les sénateurs mis en cause… pas pour les juges d’instruction René Cros et Emmanuelle Legrand.

« Ces commissions ont rarement dépassé 4000 € par sénateur et par trimestre. Mais sur douze ans ce goutte-à-goutte a concerné des dizaines d’élus et se compte en millions d’euros », assène encore le journal parisien, qui estimait, quatre jours plus tôt, les sommes détournées à « 10 millions d’euros sur douze ans ». Ce dimanche, il estime les sommes détournées dans le cadre des ristournes à « au moins 5 millions d’€ », ce qui reste respectable. Ces sommes s’ajoutent à d’autres privilèges révélés par la presse – « étrennes » à Noël, « privilège du bouilleur de cru » avec des sommes versées de 2002 à 2006 à certains sénateurs centristes ralliés à l’UMP etc. Sans aucun contrôle de la part du Sénat ou du groupe UMP…

Fillon a aussi bénéficié du système des ristournes

Le 28 janvier dernier, Mediapart révélait que Fillon aurait lui aussi bénéficié de ces fonds : « les sommes siphonnées entre 2005 et 2007 par l’actuel candidat LR à la présidentielle ne dépassent sans doute pas les 25.000 € mais les juges d’instruction ont d’ores et déjà estimé que le stratagème utilisé pouvait relever d’une infraction pénale », affirmait le média d’investigation parisien, marqué à gauche, qui ajoutait que « son cas ne fait pas l’objet d’investigations », les juges d’instruction s’étant limités à la période postérieure à 2009.

Le 4 février, Mediapart enfonçait le clou en publiant un talon de chèque datant de 2006 et émis par l’URS, pour un montant de 3205 euros et 41 centimes, ainsi qu’un chèque non daté, lui aussi émis par l’URS à l’intention de M. Fillon, de 3221 euros et 73 centimes. « Un seul détail pourrait clocher : le chèque n’est pas daté. En réalité, c’est le cas pour l’ensemble des chèques signés au nom de François Fillon, qui exigeait souplesse et discrétion », remarque Mediapart.

Retailleau : un Monsieur propre sale ?

Bruno Retailleau quant à lui n’a jamais admis avoir reçu de ristournes, et même « a servi un joli récit à la presse. Celui d’un patron de groupe qui a fait le ménage, lancé un audit, recruté un expert-comptable, publié des comptes pour la première fois dans l’Histoire du Sénat etc. », remarque Mediapart, qui révèle que la réalité est toute autre.

Le journal parisien s’appuie sur la comptabilité occulte du groupe saisie par les deux juges d’instruction. « D’après certains de ces tableaux », que le journal a récupéré, « Bruno Retailleau s’est inscrit dans ce système dès qu’il est arrivé à l’UMP début 2012, et pendant huit mois au minimum. Il a ainsi récupéré plusieurs milliers d’euros ». Son nom est accompagné de la mention « remboursement de frais », et du montant de 3029.36 €. D’après Mediapart, « il semble en effet que le versement de ristournes ait pu être maquillé, s’agissant des élus les plus récents, derrière un remboursement de frais de restaurant, de fleurs etc. ».

Sur son compte Twitter, Bruno Retailleau a démenti « fermement les pseudo-révélations de Mediapart » et affirme qu’il n’a « jamais bénéficié d’un quelconque avantage illégal ». Dans un entretien ancien qu’il avait eu avec Mediapart et que le journal diffuse aujourd’hui, il est moins catégorique. Fin 2011 ou début 2012 « on m’avait indiqué que le groupe pouvait me soutenir sur mon activité. J’ai présenté des factures d’impression pour le journal que j’envoie aux grands électeurs, des gerbes, du matériel informatique », reconnaissait-il alors. Pourtant, logiquement, ces dépenses sont couvertes par la « dotation micro-informatique » que chaque élu reçoit du Sénat et par l’IRFM.

Autre question qui reste ouverte : les pièces publiées par Mediapart sont logiquement soumises au secret de l’instruction, puisqu’elles ont été saisies dans le cadre d’une enquête en cours. De quoi apporter de l’eau au moulin des supporters de Fillon qui crient à l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques.

Louis Moulin

Crédit Photo : breizh-info.com
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