16/03/2017 – 07H15 Rennes (Breizh-info.com) – Le 27 octobre dernier, Guillaume Bernard, professeur à l’ICES (Institut catholique d’études supérieures) de la Roche-sur-Yon, chroniqueur à Valeurs Actuelles, faisait paraître un livre intitulé La guerre à droite aura bien lieu.
Sa thèse principale : les idées politiques ne viennent plus par la gauche, comme depuis deux siècles, mais par la droite. Nous l’avons interviewé sur cette révolution politique en cours.
Breizh Info : Guillaume Bernard, bonjour, vous affirmez dans votre dernier livre que le mouvement des idées n’est plus sinistrogyre mais dextrogyre, que les idées viennent donc de la droite. Comment pouvez vous l’expliquer ?
Guillaume Bernard : L’élément déclencheur est, à mon avis, l’effondrement de l’URSS. Il n’y a plus de pression idéologique venant de la gauche, dont les idées se sont effritées. La production des idées et des idéologies à gauche a aussi cessé. Les diverses tendances (anarchisme, trotskisme, communisme, socialisme etc.) datent au mieux du milieu du XXe siècle, souvent de la fin du XIXe, les idées les plus récentes, comme la décroissance ou la théorie du genre, des années 1970. En parallèle, l’opinion publique s’est droitisée, et les idées sont maintenant produites à droite. Les vieilles idées politiques sont repoussées plus à gauche.
Breizh Info : Ce qui explique que la gauche alternative soit aussi hargneuse et ne recule devant rien (casse massive etc.) lors de ses manifestations ?
Guillaume Bernard : Elle a compris qu’elle a perdu le combat, donc oui, c’est logique. Au début des années 1980 le PC c’était 15% de l’électorat. Aujourd’hui, c’est moins de 5, son électorat a fui plus à droite, au PS… ou au FN.
Breizh Info : Le PS connaît le même phénomène…
Guillaume Bernard : Maintenant, oui. Le libéralisme glisse vers la gauche, avec Macron, qui commence à regrouper autour de lui une coalition hétéroclites de centristes divers [Bayrou, Corinne Lepage, Jean-Marie Cavada, bientôt Le Drian peut-être, NDLA]. Macron est le navire amiral de la nouvelle gauche libérale et libertaire. Quant au socialisme, il a glissé encore plus à gauche, avec Benoît Hamon, quasiment sur la même ligne que Mélenchon.
Breizh Info : Quelle est l’influence du mouvement dextrogyre sur l’UMP ?
Guillaume Bernard : Les électeurs sont plus à droite que les hommes politiques dominants, ce qui a provoqué l’avènement de Fillon. Les autres ont été conduits soit à rester sur leurs idées, donc à glisser vers le centre, comme Juppé, NKM et le Maire, soit à rester sur leur créneau comme Sarkozy et Poisson.
Breizh Info : Pour vous, Macron a-t-il ses chances ?
Guillaume Bernard : Il peut faire un chantage à l’existence d’une majorité législative. Aujourd’hui aucun candidat n’est certain d’en avoir une, surtout si Marine le Pen fait un très haut score et que les triangulaires se multiplient. Mais il est le mieux placé pour réussir en faisant une coalition contre le FN.
Breizh Info : De quoi on peut être sûr dans ce scrutin ?
Guillaume Bernard : La France n’a jamais été aussi à droite que maintenant, du moins pendant les dernières décennies. Et les vieux partis sont en train d’imploser sous la pression. L’UMP, le PS et l’UDI ont tous des scissions avec des fractions prêtes à passer dans le camp voisin.
Breizh Info : Ce mouvement dextrogyre continue ?
Guillaume Bernard : Bien sûr. Sous la pression des idées de la droite identitaire, ou de la droite catholique par exemple.
Breizh Info : Dans ces conditions, même les idées monarchiques pourraient revivre en France ?
Guillaume Bernard : Ce n’est pas impossible, même si au début ce sera par défiance de la classe politique en général.
Breizh Info : Et quelles pressions exerce la droite catholique ?
Guillaume Bernard : Elle exige des partis d’avoir une cohérence doctrinale, alors que tous, FN y compris, se positionnent sur divers segments électoraux qu’ils juxtaposent.
Breizh Info : Y a-t-il un critère dominant de la droitisation de la société ?
Guillaume Bernard : Plus l’attachement au patrimoine culturel, immatériel, est important, plus le vote est marqué à droite. Les ressorts économiques, et même idéologiques ne sont plus déterminants.
Breizh Info : Quelle est votre réaction aux attaques que subit Fillon ?
Guillaume Bernard : Fillon est attaqué par le système qui lui préfère Macron, mais au-delà, il y a une autre lecture possible. Je ne crois pas à la bulle Macron, par exemple. Il correspond à une solution modérée, est capable d’attirer des deux côtés de l’échiquier politique, bref, sa difficulté, c’est surtout d’arriver au second tour.
Du reste, le duel idéal pour le système, c’est Macron contre le Pen : deux choix de société différents, alors que Fillon, lui, maintient l’ambiguïté.
Breizh Info : Est-ce que ce mouvement dextrogyre est capable d’arrêter le glissement à gauche du FN, qui fait une campagne 2017 plus marquée à droite (Jeanne d’Arc dans le clip de campagne, discours au Mont saint Michel, etc.) ?
Guillaume Bernard : Possible. Le FN a compris que la porosité des électorats ne marche qu’avec celui de la droite, mais les rapports dominants entre les forces en présence dans le parti ont changé aussi, notamment avec l’émergence de Marion Maréchal Le Pen. Par ailleurs le FN a toujours fait une campagne de second tour au premier, là, ils ont fait un choix différent.
Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe
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