Aquilino Morelle taille un costard à Jean-Marc Ayrault

14/03/2017 – 09H00 Paris (Breizh-info.com) – Après quarante années de mandats et de cumuls en tous genres, Jean-Marc Ayrault  jette l’éponge. Une fois l’élection présidentielle achevée (7 mai), il prendra sa retraite. Adieu la mairie de Nantes, adieu Nantes Métropole, adieu la circonscription de Nantes – Saint-Herblain.

 « J’estime que c’est une responsabilité de transmettre à d’autres générations, explique l’ancien Premier ministre. J’ai préparé le terrain dès 2008. Johanna Rolland est aujourd’hui maire de Nantes. Elle a à peine quarante ans. Elle fait bien son travail et représente l’avenir de la ville. Karine Daniel est aujourd’hui députée. L’honneur de la politique ce n’est pas de s’accrocher tout le temps. » (Ouest-France, 21/02/2017).

Dans cet entretien la question de Notre-Dame-des-Landes est évidemment évoquée. « Il y a eu un référendum », indique l’ancien Premier ministre. Dès le lendemain, Françoise Verchère, co-présidente du CEDPA (élus anti-NDDL), le recadre : « Faux, il y a eu une consultation pour avis. Les mots ont encore un sens et ils devraient en avoir un pour notre ministre des Affaires étrangères ». Françoise Verchère a raison. Le vote de fin juin 2016 n’était pas un référendum,il n’avait aucune valeur juridique. Son but était avant tout de légitimer une décision politique (Ouest-France, 22/02/2017).

Bien entendu, il ne faut pas compter sur les journalistes locaux pour nous faire un portrait du personnage qui ait quelque relief et qui soit éclairant. Dans son ouvrage L’abdication (Grasset), Aquilino Morelle, qui fut conseiller politique de François Hollande à l’Élysée, s’en charge. Quelques passages ont du piquant.

Après avoir rappelé que, lors du référendum portant sur la constitution européenne en 2005, Jean-Marc Ayrault appartenait au camp du « oui », Morelle met en lumière tout ce qui oppose Ayrault à Arnaud Montebourg.

« Jean-Marc Ayrault, lui, est l’homme du « oui ». Tout l’y porte. Autrefois partisan de Jean Poperen et, à ce titre, membre de l’aile gauche du PS, il est devenu un partisan farouche de ce que l’on appelle improprement en France la « social-démocratie », qui n’est en réalité qu’un réformisme prudent, timide même, doublé d’une adhésion sans réserve à la construction européenne, considérée comme une fin en soi justifiant tous les sacrifices, à commencer par celui du socialisme. Cet européisme de conviction et d’abandon rencontre, chez cet homme réservé mais tenace, une germanophilie à toute épreuve. Maire de Nantes efficace et apprécié de ses administrés, il a retiré de cette expérience l’opinion, largement partagée dans un PS dirigé principalement par des élus locaux, que la politique s’apparente à une forme de gestion et que la gauche sera jugée sur sa capacité à gérer. La personnalité autant que les idées de Montebourg l’irritent au plus haut point et cette hostilité a été exacerbée par les trois candidatures successives que le député de Saône-et-Loire a présentées contre lui, à la fonction de président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. »

Lors de la capitulation de Hollande face à Mittal dans le dossier des hauts-fourneaux de Florange, Morelle se trouvait en première ligne. C’est dans son bureau qu’eut lieu la conversation téléphonique « historique » entre Ayrault et un Montebourg qui songeait à démissionner après que sa proposition de nationalisation fut refusée.

«Ah, tu fais un beau général ! »

C’est donc en témoin qu’il raconte : – «Oui, Jean-Marc. Je sors du bureau du Président. Non, je n’ai pas encore pris de décision. Mais une chose est sûre. Ce que tu as fait est inadmissible. Tu t’es couché devant Mittal et tu as enterré la promesse de Hollande. C’est lamentable. Ah, tu fais un beau général ! Non seulement tu laisses tes soldats monter seuls au front, mais tu envoies ta propre aviation nous mitrailler dans le dos ! Tu es tout juste bon à présider le conseil municipal de Nantes…Et encore ! Quand je pense que toi qui n’est même pas capable de te dépétrer de ton histoire d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, tu t’es permis de débiner Serin. Alors qu’il fallait mettre 400 millions d’euros pour reprendre Florange. Mais c’est un vrai patriote, lui, pas comme toi ! »

« Pas assez d’autorité et trop de raideur. Pas assez de fierté et trop d’orgueil. »

Jean-Marc Ayrault a droit à quelques coups de patte supplémentaires. En particulier quant à sa capacité à être un bon Premier ministre.

«  Ce n’est pas faire offense à Jean-Marc Ayrault que de souligner qu’il n’était pas fait pour occuper la responsabilité de Premier ministre.
Sans aucune expérience de l’État, il en était devenu par la grâce de l’article 8, alinéa 1er de notre Constitution, le deuxième personnage. Germaniste et germanophile, il aurait dû devenir le fer de lance d’une renégociation politique de notre relation avec l’Allemagne, au cœur du projet du candidat Hollande ; il ne le voulut pas. Grand élu local, sans relais ni réseaux dans la haute fonction publique d’État, il s’était fait imposer son principal collaborateur à Matignon par le président de la République, qui eut tôt fait de le circonvenir et de le couper de toute réalité politique. Sans charisme et se méfiant de la presse, notamment de la télévision, piètre homme de communication, il ne parvint jamais à valoriser son action ni à incarner sa fonction.
 »

Et Aquilino Morelle d’enfoncer le clou : « Et puis il y avait l’homme et son caractère. Pas assez d’autorité et trop de raideur. Pas assez de fierté et trop d’orgueil. Pas assez de dureté et trop d’intransigeance. Pas assez de sensibilité et trop de susceptibilité. Pas assez de colère et trop de rancœur. Sans compter son principal défaut, auquel il ne pouvait rien, et de nature paradoxale : le couple politique fusionnel qu’il formait avec le Président ne convenait pas à l’exercice du pouvoir d’État. Trop proches l’un de l’autre, leurs qualités se neutralisaient tandis que leurs défauts se potentialisaient. »

Tout cela, c’est du passé. Aujourd’hui, Jean-Marc Ayrault a un gros souci : « Une chose est sûre ? Je ne pourrai pas me résigner à devoir choisir entre Fillon et Le Pen. Ce serait insupportable. » (Ouest-France, 21/02/2017). Entre Hamon et Macron, il hésite. Aux dernières nouvelles, il pencherait pour Macron.

Bernard Morvan

Crédit Photo :Parti socialiste/Flickr (cc)
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2 réponses à “Aquilino Morelle taille un costard à Jean-Marc Ayrault”

  1. Pschitt dit :

    Aquilino Morelle est dur envers le Jean-Marc Ayrault qu’il a connu et indulgent envers le Jean-Marc-Ayrault qu’il n’a pas connu. Il y voit un « maire de Nantes efficace ». Il conviendrait de préciser que son action a été payée par une augmentation énorme des impôts locaux : il est facile de faire des choses quand on a beaucoup d’argent à dépenser ! L’habileté de Jean-Marc Ayrault a été de créer une direction de la communication puissante et professionnelle, qui a construit cette image de « maire efficace », quitte à rajouter encore une couche de dépenses.
    Mais le rôle du maire d’une grande ville n’est pas seulement la gestion au jour le jour. Les principaux choix stratégiques de Jean-Marc Ayrault sont des échecs ou des demi-échecs. Vous avez parlé du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qu’il a été incapable de mener à bien. Vous auriez pu parler aussi du projet de nouveau CHU de Nantes, décidé unilatéralement par Jean-Marc Ayrault, dont le chantier commence à peine mais qui s’annonce déjà comme une grosse source de problèmes. Ou de l’île de Nantes, qui aurait dû devenir le nouveau quartier de prestige de Nantes et qui au bout de quinze ans se résume à des alignements d’immeubles sans âme. Ou d’Euronantes, qui aurait dû devenir un quartier d’affaires international. Ou du plan de circulation, sujet difficile bien sûr, sur lequel Jean-Marc Ayrault a tâtonné tout au long de son mandat sans trouver la bonne formule.

  2. JeanPhi85 dit :

    Jean-Marc Ayrault, l’homme qui a réussi à faire de Nantes la ville où l’on circule le plus lentement de France, qui a fermé la moitié de l’autoroute qui permettait d’entrer dans Nantes depuis le Sud jusqu’au Château des Ducs sans le moindre embouteillage même lors des rentrées de vacances, qui l’a remplacée par des parkings et une énorme voie de bus inutile !

    Et tout cela pourquoi ? Parce que c’est un fonctionnaire ! Dans son esprit médiocre il faut créer de la demande de fonctionnaires au détriment si possible de l’emploi privé. Et vous savez qui conduit les bus ? Des fonctionnaires… Les travaux ont duré des années pendant lesquelles la circulation venant du Sud était en embouteillage constant. Mais Jean-Marc Ayrault, s’en fiche, il est fonctionnaire payé grassement sur nos impôts. Sans oublier qu’il a sûrement détourné une part du contrat BTP par de fausses factures pour financer les copains, son parti, les partis adverses (il faut bien acheter leur silence)… et lui-même !

    Et quand je lis ce que dis Pschitt ci-dessous, je vois que lorsqu’on détecte la médiocrité d’un acte chez quelqu’un on peut être sûr qu’il en a commis bien d’autres. Jean-Marc Ayrault n’a pas « tâtonné » comme le pense Pschitt, il a constamment été guidé par la volonté de pourrir la vie de la société civile, ce qui à ses yeux a toujours l’avantage de favoriser l’embauche de nouveaux fonctionnaires.

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