En cette époque qui perd (politiquement) son latin, un mot rare revient à la mode. Les miscellanées (du latin je mêle) sont des petits bouts, des fragments qui parlent de tout. Tout cela un peu paresseux, musard, du coq à l’âne. Ici, il sera question du cochon puisque dans le cochon tout est bon.
Où trouver du lard nantais dit encore « côtes nantaises » ? Courtine (La Reynière) en donne la recette. Je résume. Des côtes de porc prises de préférence dans l’échine que l’on va poser sur un lit de couennes blanchies dans un bouillon, avec des morceaux de foie, de rate et de poumon, cela s’appelle la « pire ». On arrose le plat avec le bouillon et on passe au four pour une heure et demie au moins.
C’est un plat de « pue la sueur », bon pour les dockers, les ouvriers de la Navale… Jusque dans les années 70, on le trouvait dans toutes les charcuteries de quartier, du côté de Sainte-Anne, de Chantenay, à la campagne aussi. Puis il a disparu. Avec l’ère socialiste à Nantes. Même si Alain Chenard, ex-S.F.I.O., le mentor de « Jean-Marc » en mangeait encore. Mais « le gars » levait le coude et mangeait gras. Depuis, nos bons élus s’alignent sur les goûts alimentaires de leur madone. Ils ne bouffent pas mais picorent, du « light » forcément.
Bien réchauffée, la côte nantaise se mange en buvant un rouge coriace. Essayez « Coup de canon », un grolleau noir de Gregory Leclerc, à Chargé, en Indre-et-Loire. A Nantes, vous trouverez des côtes chez Patrick et Huguette Viaud, au marché de Talensac. Viaud a renoncé à la « pire » mais pour le reste c’est de l’authentique.
Parlons maintenant du « cassoulet breton ». Un plumitif sévissant au Télégramme l’a découvert et transfiguré en Fike kaol qui veut dire potée. Donc ce triste crétin nous donne une potée avec photo à l’appui. Du grand n’importe quoi qui se lit page 59 du hors-série Bretagne-magazine, août-septembre 2016.
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Quant au cassoulet, le vrai, il n’est pas très courant dans les restaurants bretons. A Nantes, il a été exclu des tables « boboïdes ». Coupable de populisme… sans-doute ! Mais le cassoulet n’est pas populiste, juste populaire, enraciné, identitaire, autant dire l’horreur absolue.
Il y a trois variétés de cassoulet. De Castelnaudary, de Carcassonne, de Toulouse. Les puristes ont un faible pour le premier. Avant l’arrivée des plantes américaines, il se faisait avec des fèves. Depuis le XVIIème siècle on le cuisine avec des fayots, des « Tarbais ». Tout le secret du cassoulet tient à son temps de cuisson. C’est de la «slow food». Au four ou sur le coin de la cuisinière ; on crève régulièrement la croûte pour l’enfouir. Jusqu’à sept fois pour les fanatiques.
Anatole France le mangeait rue Vavin, à Paris, chez une dame Clémence : « Pour être bon, il faut qu’il ait longuement cuit sur un feu doux. Le cassoulet de Clémence cuit depuis vingt ans. Elle remet dans le poêlon tantôt de l’oie ou du lard, tantôt un saucisson ou des haricots, mais c’est toujours le même cassoulet. Le fond reste : et ce fond antique et précieux lui donne la saveur que, dans les tableaux des vieux maîtres vénitiens, on trouve des chairs ambrées des femmes. »
Rendez-vous chez Frédéric Pinheiro, au Restaurant du Pont à Basse-Goulaine. Ce chef a fait ses classes dans le Sud-Ouest. Il en a toujours un sous le coude. Délicieux. Dessus, buvez là encore un rouge qui tient, par exemple un Madiran, Château Montus, concentré, tannique mais pas trop.
Jean Heurtin
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