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Christophe Baroche : un souffleur dans l’ombre des négociations du RAID [Interview]

11/03/2017 – 06H00 Paris (Breizh-info.com) – Le Souffleur de Christophe Baroche et Danièle Thiéry, est un ouvrage sorti début 2016 aux éditions Mareuil. Ce récit nous dans l’ombre des négociateurs du RAID, à côté du souffleur.

« Au théâtre, un souffleur est une personne qui souffle aux acteurs leur texte pour leur venir en aide. Bien que placé au milieu de la scène, il est invisible, son rôle est discret mais indispensable » peut-on lire dans l’ouvrage. C’est exactement le travail qui fût celui de Christophe Baroche, durant 16 années au sein du RAID.où il a apporté son savoir faire et ses compétences en matière de psychologie, en première ligne face aux forcenés et aux preneurs d’otage.

Dans le livre, l’auteur raconte son parcours, son expérience, ses théories appliquées sur le terrain face à des dangers publics. Christophe Baroche était présent, lorsque l’islamiste Mohamed Merah s’est retranché dans son appartement toulousain, comme sur de nombreux autres théâtres dramatiques.

C’est ce qu’il raconte dans un livre témoignage, passionnant. Nous avons interrogé l’auteur sur sa carrière

Le Souffleur – Christophe Baroche et Danielle Thiéry – Mareuil éditions – 19€ (commandez en cliquant sur l’image ci-dessous )

Breizh-info.com : Tout d’abord, d’où vous est venu la vocation d’être psychologue clinicien  ? Et comment avez vous été par la suite attiré par le RAID ? 

Christophe Baroche : J’étais intéressé à l’origine par la criminologie et je souhaitais intégrer la police comme policier, je visais la brigade criminelle, mais à l’époque dans les années 80 la criminologie est rattachée au droit et à vrai dire peu développée en France.

Il fallait avoir un DEUG pour intégrer un certificat en crimino. N’étant pas intéressé par le droit je me suis dit que la psychologie était un domaine proche et que j’y ferais deux ou trois années et puis je bifurquerais en criminologie par la suite, mais finalement je ne l’ai jamais fait et je suis resté en psychologie.

Mon idée d’intégrer la police est restée intacte mais comme psychologue, après le service nationale (effectué à Brest), je me suis inscrit à un diplôme universitaire en criminologie à l’expertise mentale.

Là j’ai fait la connaissance d’un policier qui connaissait le premier négociateur du RAID, j’avais entendu parlé de lui dans un livre sur cette unité où il faisait beaucoup référence à l’apport de la psychologie dans les négociations.

Il parlait notamment de l’affaire Human Bomb de Neuilly où un homme avait pris en otage une classe de maternelle. Cette affaire m’avait beaucoup marqué à l’époque. Je m’étais dit qu’il y avait peut-être la place pour un psy et moi qui voulais faire un travail de terrain cela avait fait tilt.

Quand je rencontre ce policier qui connait Michel M. je me dis que la chance est au rendez-vous et que je ne dois pas la lâcher, le soir même j’appelle le négociateur du RAID, nous nous donnons un rendez-vous, qui sera reporté plusieurs fois mais j’arrive à le voir 4 mois après.

Cette rencontre est déterminante, pour lui et pour moi. J’ai alors la conviction que c’est là que je dois travailler, et lui est convaincu que j’ai le profil qu’il faut. Il y a juste un petit problème : il n’y a pas de poste de psy au RAID, il me faudra attendre 4 années pour qu’un tel poste soit créé avant de pouvoir y postuler et d’y être retenu

Breizh-info.com : Quels sont les qualités requises et indispensables pour faire votre métier ?

Christophe Baroche : Je crois qu’il faut être passionné par la matière et avoir la volonté d’aider. Être patient, résistant et pugnace ; si j’ose une comparaison il faut les qualités d’un marathonien…

Breizh-info.com : Question qui peu paraitre idiote mais pas tant que cela pour le non initié: pourquoi le souffleur n’est-il pas directement le négociateur lors des opérations de police ? Qu’est ce qui différencie les deux en terme de compétence et de personnalités ?

Christophe Baroche : Les situations sur lesquelles nous intervenons sont des situations de police, il est donc normal que ce soit un policier qui soit l’interlocuteur du forcené ou du preneur d’otage. C’est lui qui est légitime et qui de par sa fonction est l’autorité légale pour gérer cela.

Si vous vous annoncez dans une situation de crise comme psychologue vous n’avez aucune légitimité, si vous vous adressez à des délinquants ils vont doucement rire et si vous vous adressez à une personne déséquilibrée il va se sentir tout de suite considéré comme un malade mental et cela ne va rien arranger.

Et à la base, les psychologues ne sont pas formés à la négociation…

Breizh-info.com : Un psychologue peut-il être traumatisé par certaines affaires ? Avez vous des exemples qui vous ont particulièrement marqué, ou même laissé impuissant face à une situation donnée ?

Christophe Baroche : Etre traumatisé, cela reste une possibilité mais il faut pour cela avoir été directement confronté à sa propre mort ou avoir assisté à la mort d’un collègue juste à côté de soi ce qui ne m’est heureusement pas arrivé.

Par contre on est marqué par certaines situations, soit parce que nous ne sommes pas arrivés assez tôt et que nous n’avons pas réussi à empêcher le drame, soit parce que malgré tous nos efforts nous n’avons réussi à l’éviter.

Cela arrive et il faut le savoir dès que l’on s’engage dans ce type de travail, nous ne sommes pas tout puissants et nous devons accepter de ne pas toujours réussir. Ce qu’il faut c’est faire à chaque fois tout ce que l’on peut faire pour éviter des morts.

J’ai eu la chance pendant mes 16 années au RAID de ne pas perdre un otage ou un collègue et globalement j’ai connu beaucoup plus de réussites que d’échec. La balance est positive dans le cas contraire mes propos auraient certainement étaient différents

Breizh-info.com : Dans le cadre de l’affaire Merah, considérez vous le déroulement final comme un échec ? Y’a t’il vraiment une possibilité de raisonner des « fous d’Allah » ? Une négociation au Bataclan aurait elle été envisageable selon vous ?

Christophe Baroche : La mort d’un homme est toujours un échec quel qu’il soit mais nous avons tout fait pour qu’il sorte vivant, la mort fut son choix. Pour ce qui est de négocier avec des terroristes, il ne peut y avoir de généralité ou une réponse unique, chaque situation et chaque individu est unique et ce qui n’a pas été possible avec certains hier le sera peut-être demain avec d’autres.

Pour le Bataclan l’urgence était de sauver les otages si le péril est immédiat la négociation n’a pas sa place ; ce qui est sûr c’est qu’en négociation (comme en amour) il faut être deux à la souhaiter…

Breizh-info.com : Vous déterminez 4 profils bien distincts dans votre ouvrage. Mais avec les années qui passent, de nouveaux profils ne naissent-ils pas ? La grille psychologique est elle à réévaluer aujourd’hui selon vous ?

Christophe Baroche : Les profils ne bougent pas beaucoup, et pas en quelques années, mais les profils ne sont que des aides à l’évaluation.

Certains individus ne rentrent pas dans un profil mais sont à cheval sur plusieurs, le psychologue doit de toute façon réévaluer chaque situation et chaque profil. Il ne doit pas s’en remettre uniquement à des grilles ou faire du copié- collé d’un cas à l’autre.

Tout ne peut pas rentrer dans des cases…

Breizh-info.com : Par ailleurs, lorsqu’un individu commet des actes motivés par une idéologie politique, ou religieuse, doit-on forcément lui trouver un « profil psychologique » situé dans les 4 catégories que vous définissez dans votre livre ?

Christophe Baroche : Les fanatiques de quelques idéologies qu’ils soient sont avant tout motivés par des problématiques intimes, problématiques masquées. Elles sont dissimulées sous une idéologie qui a l’avantage de repousser sur l’extérieur la responsabilité de leurs échecs et de leur mal-être, et de désigner des coupables qui deviennent des cibles.

Cela leur permet ainsi d’éviter toute remise en cause personnelle…les fanatiques ne sont pas des êtres à part ou échappant aux règles communes de la psychologie, ils n’en sont qu’une illustration particulière et souvent d’une époque.

L’avantage d’un profil psychologique permet de dépasser le leurre du fanatisme et son argumentaire fermé pour tenter de revenir à quelque chose de plus spécifique et aussi de plus commun et surtout de moins informe chez celui qui se trouve en face de nous afin de pouvoir établir un contact.

Il est sûr que les profils établis ne prétendent pas être une réponse à tout ; encore une fois elles sont une aide à l’évaluation qui doit à chaque fois trouver ce qu’il y a de spécifique et d’unique pour chaque cas …

Breizh-info.com : Y’a t-il des moments de joie, ou au moins de satisfaction, dans votre carrière, en première ligne de situations particulièrement périlleuses, glauques et violentes ?

Christophe Baroche : A chaque fois que l’on ressort d’une situation où l’on a contribué à éviter la casse ou à libérer des personnes saines et sauves la satisfaction est là.

Notre mission est de préserver des vies donc quand on y parvient, on a le sentiment d’avoir rempli sa mission, particulièrement lorsque cela fut périlleux et que tout pouvait basculer à chaque instant…

Breizh-info.com : Aujourd’hui, quel regard portez vous sur votre carrière ? Que devenez vous ?

Christophe Baroche : Ma carrière n’est pas finie donc je n’ai pas réellement de regard ou de recul, mais sur mes années à la négociation du RAID j’ai le sentiment d’avoir été utile et d’avoir vécu des moments exceptionnels, forts, avec des gens qui partageaient le même engagement que moi pour leur métier avec cette différence qu’ils y engageaient leur vie tout en protégeant la mienne.

Ma carrière se poursuit maintenant à la Direction Centrale de la Police Judiciaire et plus exactement à l’office Centrale pour la répression des violences aux personnes (OCRVP).

Le travail y est très différent mais je continue à apporter mon aide aux policiers, maintenant sur des affaires criminelles afin de déterminer les profils d’auteurs d’homicides et d’agressions sexuelles, de les assister lors des auditions.

J’ ai le sentiment d’être toujours utile et de poursuivre ce qui m’a motivé pour la psychologie et pour la police depuis le début : comprendre, résoudre, protéger…

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit Photo : DR
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