Cinéma. « Sous peine d’innocence » : quand la foi d’un homme brise le système judiciaire américain

07/03/2017 – 14h30 Rennes (Breizh-Info.com) –  Sorti début mars en salles (notamment au cinéma Armor à Rennes, rue d’Antrain, tous les jours jusqu’au 7 mars à 17h), le documentaire Sous peine d’innocence réalisé par Pierre Barnerias raconte l’histoire d’une vie. Une histoire de dingue. En 1981, dans un bar à hôtesses du Bronx, un coup de feu claque et tue un dealer. Après une enquête bâclée, la police arrête Severino Diaz. Cubain qui a émigré en 1960 aux USA, réussi le rêve américain, mais qui menait depuis plusieurs années une vie dissolue. Bien qu’il clamait son innocence, mal défendu par un commis d’office, il a été condamné à quinze ans de prison pour le meurtre.

Entre-temps, le coupable du crime avait été arrêté en train de commettre un kidnapping, avec la même arme qui a servi au meurtre. Mais il a passé un accord avec la justice : être expulsé vers son pays une fois sa peine pour kidnapping purgée. Il n’a jamais été jugé pour le meurtre, et cette affaire n’a jamais été rouverte par une justice qui n’avait rien à y gagner : Severino Diaz est pauvre.

Une fois sa peine purgée, il demande à être libéré. Mais la commission de libération, constatant qu’il refuse toujours de reconnaître sa culpabilité, le condamne à nouveau à deux ans de prison. Puis deux ans à la nouvelle échéance, et ainsi de suite. Il clame toujours son innocence. « Un mot : coupable, il est libre. Non coupable, il reprend deux ans ». Dans son documentaire très touchant, Pierre Barnerias raconte l’obstination d’un homme, soutenu par un autre : l’aumônier de sa prison, un prêtre ouvrier français, originaire de l’Aveyron, le père Pierre Raphaël. Mais aussi l’acharnement d’un système américain en panne, où il « vaut mieux être riche et coupable que pauvre et innocent ».

Surtout, ce documentaire a quelque chose de vivifiant : bien que la caméra ne cesse de s’attarder sur les grilles, gâches et verrous qui semblent en constituer la grille de lecture, au sens propre et figuré, c’est la foi qui irrigue cette histoire, ces vies et en constitue la trame. Jamais affirmée, toujours évoquée – à part plusieurs plans dans une église de Lodève – la dimension salvatrice de la foi, sa nécessité pour l’homme, sa centralité dans le combat de Severino pour être libéré alors qu’il clame son innocence, est assumée avec force.

Nous avons posé quelques questions au réalisateur Pierre Barnerias.

Breizh Info : Pierre Barnerias, est-ce votre premier film documentaire ?

Pierre Barnerias : J’ai réalisé une quarantaine de documentaires pour des chaînes télévisions, notamment TF1. C’est mon second documentaire cinéma, le premier, M et le 3e secret, était consacré au troisième secret de Fatima, et avait attiré à l’époque 70.000 personnes dans les salles, bien qu’il soit sorti sans aucune publicité.

Breizh Info : Pourquoi avoir pris ce sujet ?

Pierre Barnerias : Il s’agit d’une erreur judiciaire unique dans l’histoire des annales judiciaires américaines ; s’il s’était reconnu coupable, Severino Diaz aurait été libéré depuis longtemps. Mais il a fait en tout un quart de siècle de prison dont dix pour le seul motif qu’il refusait d’arrêter de clamer son innocence. Il a fini par être libéré [en 2006] toujours en clamant sa non-culpabilité. C’est un homme seul qui a fait plier l’absurdité de la machine judiciaire américaine. Et c’est le premier – probablement le seul aussi – qui a été libéré alors qu’il clamait toujours son innocence.

Breizh Info : Quelle est la place de la foi dans ce film ?

Pierre Barnerias : Severino Diaz a été soutenu par le père Pierre Raphaël, un prêtre ouvrier français, de l’Aveyron, envoyé dans le Bronx dans les années 1970, et qui y a créé la maison d’Abraham, destinée à la réhabilitation sociale des prisonniers en fin de peine. Aumônier de la prison de Rikers Island, il fait retrouver la foi à Severino Diaz et le soutient dans son combat acharné pour maintenir sa dignité et refuser de se reconnaître coupable alors qu’il est innocent.

Breizh Info : Quel est le point fort de cette histoire, de ce film ?

Pierre Barnerias : C’est une histoire forte qui touche tout le monde, qui parle au cœur, qui promeut l’amour fraternel, la bienveillance, le soutien spirituel. Un soutien spirituel qui a duré plus d’un quart de siècle. On ne peut pas rester indifférent face à ce film, même quand on n’a pas de pratique religieuse. C’est l’histoire, en fin de compte, d’une amitié indestructible, fortifiée par la foi, qui triomphe d’une machine de destruction massive.

Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe

Crédit photo : DR
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