07/03/2017 – 08H00 Belfast (Breizh-info.com) – L’an dernier, le référendum sur le Brexit n’avait pas manqué d’ouvrir un débat au sein de chacun des partis nord-irlandais. Globalement les unionistes étaient favorables au Brexit par solidarité avec les Anglais, tandis que les nationalistes y étaient hostiles par solidarité avec la République d’Irlande. Lors de ce référendum, les Nord Irlandais avaient voté à 54% pour le Remain, ce qui a été perçu comme un revers par les unionistes.
Les dernières élections législatives, qui remontent à mai 2016 seulement, avaient porté à la tête de la région les unionistes du DUP (Democratic Unionist Party, 38 sièges) et le Sinn Féin (28 sièges), car selon les règles politiques en place en Irlande du Nord depuis les Accords de paix de 1998, garantis par les gouvernements de Londres et de Dublin, le pouvoir doit être partagé entre les partisans d’une union avec la Grande-Bretagne et les nationalistes partisans d’une union avec la République d’Irlande.
un gouvernement ingérable
Ce gouvernement s’est vite révélé ingérable en raison de la mésentente entre le premier ministre DUP Arlene Foster et son vice premier ministre du Sinn Féin, Martin McGuinness – qui s’entendait très bien avec le prédécesseur de madame Foster, Ian Paisley. Parmi les points de désaccord : l’Irish Language Act qui est une revendication forte du Sinn Fein et à laquelle Arlene Foster est complètement opposée.
Mais le véritable déclencheur de la crise a été le scandale sur les dérives d’un programme de subventions aux énergies renouvelables, Renewable Heat Incentive, qui a coûté des millions de livres aux contribuables nord-irlandais. Arlene Foster en avait été informée mais n’y a pas mis un terme pour autant.
Le Sinn Féin a sauté sur l’occasion pour lui demander de se mettre en retrait le temps de l’enquête, ce qu’elle a refusé. Ce refus a été pour Martin McGuiness, qui est très malade, l’occasion de démissionner plus tôt que prévu de son poste de vice-premier ministre. La première ministre a dû automatiquement démissionner à son tour, ce qui entraîne en vertu des Accords du Vendredi saint la chute du gouvernement de partage du pouvoir entre nationalistes et unionistes.
Les sondages se sont trompés
La réforme électorale qui réduit le nombre de sièges de 108 à 90 (par mesure d’économie) est aussi une autre donnée de ce scrutin, dont les résultats font craindre un durcissement de la crise : sur 90 sièges, le DUP, favorable à l’union avec la Grande-Bretagne , est passé de 38 à 28 sièges, et les nationalistes du Sinn Féin sont passés de 28 à 27 sièges. L’autre grand parti unioniste, l’Ulster Unionist Party (UUP), a également plongé, en passant de 16 à 10 sièges, se faisant doubler par le SDLP (Parti social-démocrate et travailliste, modéré, 12 sièges).
Les analystes avaient parié sur une nouvelle victoire des unionistes. Or, le rapport de force est aujourd’hui égal : DUP + UUP = 38 / Sinn Féin+SDLP (modérés) = 39.
Le DUP et le Sinn Féin ont désormais trois semaines pour s’entendre sur la formation d’un gouvernement et résoudre les différends qui ont conduit à la tenue de ces élections. Alors qu’Arlene Foster a annoncé qu’elle souhaitait reprendre son poste, Michelle O’Neill, qui a remplacé Martin McGuinness à la tête du Sinn Féin, a réaffirmé qu’elle refuserait d’entrer dans un gouvernement avec Arlene Foster.
S’il n’y a pas d’accord, l’assemblée d’Irlande du Nord, le Stormont, sera suspendue, et c’est Westminster qui reprendra l’administration directe et mènera les négociations, en relation avec Dublin. Mais comme Londres n’a plus envie de gérer l’Irlande du Nord, son but sera de remettre sur pied le gouvernement nord-irlandais aussi vite que possible.
Le Brexit chamboule tout
La seule frontière terrestre entre l’Union européenne et le Royaume-Uni se situe entre la République d’Irlande et les provinces du Nord, sur 500km. Cette frontière était devenue « invisible ». La sortie de l’UE et un possible retour à une frontière « visible » sont un sujet très sensible dans une région où la population a des liens économiques et familiaux très étroits avec sa voisine du sud. En cette période d’incertitude économique et politique, les Irlandais n’accepteront plus des contrôles douaniers ou policiers entre les deux parties de l’île, et une frontière « comme avant » serait vécue comme un casus belli par les nationalistes. Si cette situation n’est pas gérée avec calme à Belfast, Londres et Dublin, un vrai risque existe que les paramilitaires se réveillent.
Suite au vote nord-irlandais pour le maintien dans l’Union européenne, les dirigeants du Sinn Féin se sont empressés de réclamer un référendum sur la réunification de l’île. Réclamation repoussée par Londres comme par Dublin qui n’ont pas envie d’attiser la crise.
AW
Crédit photo : Palais du Stormont, Wikimedia (cc)
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