L’Union européenne au bord du gouffre ? Les inquiétudes d’Hubert Védrine

Le 16 septembre 2016, une réunion des dirigeants de l’Union européenne a eu lieu à Bratislava ; elle avait pour objectif, après le référendum britannique qui a provoqué la sortie du Royaume-Uni, de relancer le processus de construction européenne. Le moins qu’on puisse dire est que cette réunion a été un échec total. Hubert Védrine en a tiré ses propres conclusions dans un petit livre, publié en novembre dernier, intitulé Sauver l’Europe.

L’européisme est une impasse

Dans ce livre, l’ancien ministre, qui a la particularité d’être sans doute la personnalité socialiste la moins aveuglée par les parti-pris idéologiques et qui, de ce fait, analyse le monde réel tel qu’il est et non pas tel que les idéologues aimeraient qu’il soit, nous fait part de sa très grande inquiétude quant à l’avenir de l’Union européenne. Hubert Védrine s’inquiète tout particulièrement de l’autisme de ceux qu’il appelle les européistes, autrement dit les partisans d’un État fédéral lesquels ne sont, selon l’auteur, qu’une infime minorité en Europe, de l’ordre de 1% de l’ensemble des populations européennes, mais qui seraientt largement dominants au sein des instances dirigeantes des Etats et de l’UE. Si l’on en croit Védrine, il y aurait au sein des populations de l’Union européenne 15 à 20% de chauds partisans de l’UE telle qu’elle est, 15 à 25% d’opposants résolus de cette même UE et 60% d’eurosceptiques qui inclinent de plus en plus vers la pure et simple opposition.

La construction européenne a été le fait de dissimulateurs

Comme l’ont écrit Christopher Booker et Richard North dans un ouvrage intitulé La grande dissimulation (paru en 2016), l’UE et, avant elle, la CEE ont été bâties par des gens qui avançaient et avancent toujours sans dévoiler leurs intentions réelles. Pour North et Booker il est clair que la dissimulation était voulue par Monnet lequel, en accord avec Spaak, voulait que toute référence à une union fédérale soit supprimée du discours officiel des européistes de façon à ne pas inquiéter les peuples. « Dans cette optique, une intention de tromper et de dissimuler était dans la nature implicite du « projet » à partir de son lancement. L’habitude d’avancer masqué devait demeurer une caractéristique si intrinsèque du « projet » qu’elle influencerait de plus en plus tous ceux qu’il charmait ». C’est la méthode  conçue par Jean Monnet, dont l’oligarchie européiste a fait un quasi saint.

Les architectes de cette organisation, dont l’esprit démocratique n’est pas la marque de fabrique, ont toujours eu en tête l’idée qu’il fallait construire un État fédéral sans demander aux peuples leur autorisation. North et Booker ont écrit : « Néanmoins, de toutes les caractéristiques de ce « nouveau gouvernement européen », la plus ingénieuse restait la manière dont il avait graduellement renforcé son pouvoir en coulisses en ayant maintenu  en place de manière visible l’ensemble des institutions des Etats-nations, de telle manière que leurs citoyens n’avaient pas la moindre conscience du degré de pénétration du processus. Il était difficile de se rendre compte à quel point cette toile d’araignée était bien tissée ». La plupart des citoyens des États européens ne savent pas à quel point leurs États nationaux ont été dépossédés de leur souveraineté législative par les bureaucrates de Bruxelles et quand, d’aventure, ils apprennent que 75% des textes de lois produits par leurs parlements nationaux ne sont que des transcriptions de directives européennes, leur premier réflexe est de réfuter cette information tant elle leur semble inimaginable. Le jour où une majorité d’Européens aura pleinement conscience de cette réalité qu’ils n’ont pas choisie, l’Union européenne sera définitivement morte.

Les oligarques ont sous-estimé les capacités d’analyse des peuples lesquels comprennent de plus en plus clairement qu’on se moque d’eux et qu’on est allé beaucoup trop loin dans la construction européenne (une nette majorité de Français pense qu’il faut revenir en arrière et diminuer les pouvoirs de l’Union européenne) malgré les refus exprimés lors des référendums français et néerlandais  de 2005, dont l’oligarchie n’a pas voulu tenir compte.

Une seule voie d’avenir : l’Europe en anneaux olympiques

Hubert Védrine s’inquiète des conséquences de l’autisme des dirigeants européens et il a raison de l’être puisque un membre du gouvernement polonais vient d’exprimer l’idée qu’il pourrait bien y avoir d’autres  « exits » si la Commission continue à se comporter comme elle le fait, c’est-à-dire avec condescendance et mépris pour tous ceux qui manifestent des sentiments patriotiques et des exigences démocratiques.

Pour Hubert Védrine, il est clair qu’«il n’y a pas de chemin démocratique vers le fédéralisme ni par référendum ni par les Parlements» et que l’entêtement des européistes provoquera un désastre ; il les supplie de bien vouloir faire une pause dans les « avancées » de l’Union et de « penser tout à fait autrement pour sauver l’idée européenne, en la libérant de l’européisme ». Compte tenu de ce que nous savons, il est peu probable qu’il soit entendu, parce que ces personnes  « qui ont fait de l’intégration européenne le combat de leur vie, après que toutes leurs autres croyances progressistes se furent effondrées, se sentent totalement perdues » ; l’abandon du projet fédéral signifierait, pour elles, la fin de tous leurs espoirs.

Hubert Védrine espère malgré tout que les dirigeants européens vont finir par admettre que la méthode employée n’est pas la bonne et que l’objectif qui est fixé n’est pas raisonnable. Pour préserver les « acquis européens et éviter que tout se détricote », il les adjure d’oublier « le vieux mythe des « Etats-Unis d’Europe » qui seraient seuls à même de faire le poids… Analogie trompeuse. Ceux qui ont fait les États-Unis ont rassemblé… des Américains. Ils n’ont pas eu à réconcilier, encore moins à fusionner, de vieilles nations antagonistes et parlant des langues différentes ». Autrement dit, les européistes ont juste oublié qu’il n’y a pas de peuple européen, seulement des peuples européens. Selon lui, toute fuite en avant supplémentaire détruirait ce qui reste de consensus et «dans tous les cas, le statu quo n’est plus tenable ». Quant à l’Europe sociale  – marotte de ses amis socialistes – et à l’Europe de la défense, il ne les croit pas possibles. Concernant la première, il estime que les problèmes sociaux ne peuvent être traités qu’au niveau national parce qu’il y a de trop grandes différences culturelles, économiques… entre les peuples et entre les États. En matière de défense, il ne voit pas d’autre possibilité qu’une union à la carte – tiens, tiens, Philippe de Villiers aurait-il fait un émule ? – pouvant associer des États appartenant ou non à l’Union européenne (le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne par exemple). Décidément très inspiré par l’idée de l’ « Europe en anneaux olympiques» chère à Philippe de Villiers, Hubert Védrine souhaite que les futurs projets européens (« grands équipements, projets universitaires, scientifiques, industriels, sociaux, culturels, écologiques, diplomatiques ») soient basés sur le seul volontariat des États.

Jean-Claude Juncker a annoncé le 13 février 2017 qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat de président de la Commission européenne en 2019 ; certaines mauvaises langues disent qu’il ne veut pas que son nom soit associé à l’effondrement de l’Union européenne

B. Guillard

Hubert Védrine, Sauver l’Europe,  Éditions Diana Lévi

Christopher Booker et Richard North, La grande dissimulation,  Éditions du Toucan

Photo : DR
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4 réponses à “L’Union européenne au bord du gouffre ? Les inquiétudes d’Hubert Védrine”

  1. Marie Lenoble dit :

    Marine a raison de vouloir en sortir

  2. canville dit :

    parlez nous un peu de Walter Halstein

    Walter HALLSTEIN, un NAZI, 1er Président de la Commission …

    ▶ 20:36

    https://www.youtube.com/watch?v=nwS0E1N1OCg

    18 juin 2013 – Ajouté par Union Populaire Républicaine – UPR – OfficielWalter HALLSTEIN, un NAZI, 1er Président de la Commission Européenne. Union Populaire …

  3. Davy Thriol dit :

    votre système de vérification d’e mails est une vraie chierie ! Heureusement que je parle anglais comme ma langue maternelle !!!
    Ne pas oublier que les pères fondateurs bouffaient à la gamelle de la C.I.A (Documents US déclassifiés depuis peu !)

  4. COMET Pierre dit :

    Scannez à 1200 DPI un chèque de votre chéquier. En zoomant sur l’image vous constaterez que les lignes du chèque (y compris les obliques) sont la reproduction de la phrase de Robert SCHUMAN, inspirée par Jean MONNET: « L’europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. »
    Les serial-killers ont la faiblesse (due à l’orgueil) de laisser une signature sur les lieux de leurs crimes pour que « la gloire » attachée à ces crimes leur soit bien attribuée. Les soi-disant démocrates qui nous dirigent ont eu là la même faiblesse. Ils décident pour le peuple, car eux, ils sont omniscients et savent ce qui est vraiment bon pour la populace. Quand celle-ci ne vote pas dans leur sens, il escamotent le résultat du scrutin pour passer outre: voir referendum sur l’Europe en France et dans d’autres pays.
    Mon message pourra facilement être annihilé en me traitant d’adepte obsessionnel de la théorie du complot, comme cela a été fait pour toutes les observations relatives au 11 septembre qui s’inscrivent en faux contre la version officielle (laquelle bafoue les lois élémentaires de la physique que tout bachelier d’antan possède encore).

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