01/03/2017 – 08H00 Saint Nazaire (Breizh-info.com) – La salle du Jean Bart, à Saint-Nazaire, était comble ce lundi 27 février lors de la table ronde organisée par l’AICCA (Association des Ingénieurs et Cadres des Chantiers de l’Atlantique), sur le thème : « la modification actionnariale des chantiers navals : quels enjeux, quelles options, quels choix ? ». Un sujet d’une actualité brûlante pour le site portuaire breton.
Animée par François Billet, elle réunissait l’ancien président des chantiers navals, Jean Noël d’Acremont, le directeur de l’ISEMAR (Institut Supérieur d’Economie Maritime) Paul Tourert, l’ancien expert-comptable du comité d’entreprise Bertrand Chédotal et l’animateur du site Mer et Marine Vincent Groizeleau. Ils ont pu confronter durant deux heures leur vision du futur et analyser les alternatives au rachat éventuel des 67% des actions STX par la société italienne Fincantieri pour un montant d’à peine 80 millions d’euros.
Un bref historique rappelle que l’entreprise a déjà changé plusieurs fois d’actionnaires. En octobre 1976, la fusion entre les Chantiers de l’Atlantique et Alsthom donnera naissance au groupe ALSTHOM-Atlantique, puis Alstom marine. En 2006, le finlandais Aker Yards et Alstom créent le nouveau Aker Yards. Il sera acheté fin 2007 par le groupe sud-coréen STX offshore et Shipbuilding. L’État français, via le Fonds stratégique d’investissement, reprend les 33 % du capital des ex-Chantiers de l’Atlantique détenu par Alstom marine.
Pour répondre à l’évolution du marché et aux diverses crises, l’activité a également beaucoup évolué : méthaniers, pétroliers, navires de croisière, bâtiments militaires. En 2011 les chantiers ont pris un virage stratégique avec les éoliennes en mer, concrétisé par l’usine ANEMOS inaugurée en 2015. Cela représenterait un marché européen de 7 200 turbines, dont 3 000 en France.
Aujourd’hui, les chantiers réalisent l’essentiel de leur chiffre en construisant de gros navires de croisière. Ce marché est porteur, malgré les crises, que ce soit en Europe, aux États-Unis ou en Asie. STX Saint Nazaire dispose en ce domaine d’un savoir-faire exceptionnel. A ce jour, aucun chantier asiatique ne peut le concurrencer. Son rachat éventuel par Fincantieri fait craindre un transfert de cette technologie sur ses autres sites. Cela s’est aggravé avec l’accord récent entre Fincantieri et les chantiers navals chinois.
Outre ce risque, les intervenants estiment que, dans l’immédiat, Fincantieri présente plusieurs inconvénients. Sa situation financière est fragile du fait d’un lourd endettement qu’elle ne peut rembourser faute de rentabilité suffisante. Son actionnaire majoritaire est l’État italien qui, avec l’aide des régions où sont installés ses chantiers, lui permet de se maintenir par des prêts et des commandes militaires. Il faudrait négocier des garanties sur la gouvernance, sur le maintien à Saint-Nazaire de la direction stratégique et des bureaux d’études, sur le statut des salariés.
Malgré ces inconvénients, certains pensent que cela pourrait être le début de la constitution d’un équivalent d’EADS dans la navale européenne. Cette idée sera radicalement contestée par un membre du public car il expose que la logique industrielle de l’aviation est à l’opposé de celle des Chantiers.
Pour construire cela, il faudrait du temps, au moins un, voire deux ans. Une option serait que l’État français exerce son droit de préemption de rachat des actions STX dans les 2 mois qui suivront l’éventuelle signature entre le tribunal coréen et Fincantieri. Cela permettrait d’engager des discussions sur tous ces sujets avec Fincantieri et d’étudier d’autres solutions pour assurer la pérennité des chantiers à Saint Nazaire.
La difficulté est qu’à ce jour il existe peu d’alternatives industrielles. En effet, si l’entreprise assure actuellement l’équilibre de ses comptes, elle est incapable de distribuer des dividendes car l’activité navale n’est pas assez rentable pour financer à la fois les investissement indispensables et rémunérer les actionnaires. Même si une recherche systématique n’a pas été engagée pour trouver un partenaire, aucun groupe industriel n’a manifesté son intérêt.
Reste la possibilité pour l’État français, après avoir racheté la participation de STX, de monter un ensemble en rapprochant l’activité des navires militaires de surface de la DCNS d’autant que ce marché est plus rentable que celui des navires civils. Par contre, la branche des sous-marins, qui conditionne de l’indépendance de la France, serait séparée pour rester entièrement sous le contrôle de l’État. Ensuite, le capital de cet ensemble pourrait être cédé, au moins en partie, soit aux salariés, soit à des collectivités locales, soit à des actionnaires citoyens, pour qui, selon les termes d’une personne dans le public, « le premier profit est le maintien sur place de l’entreprise et de ses salariés.«
Quand la parole a été donnée à la salle, les représentants syndicaux – CGT, FO, CGC – ainsi que le rédacteur de Ouest syndicaliste ont exprimé leur souci de l’avenir de l’emploi et des conditions de travail.
Au final, la quasi-totalité des intervenants ont exprimé le souhait que » la construction navale à Saint Nazaire reste française « . C’est l’expression du patriotisme économique que seul Sébastien Benoit, de la CGT navale, semble redouter car il s’inquiète « des bruits de bottes, des mots de patriotisme, nationalisme…« .
Th. M.
Crédit photo : Paquebotsaintnazaire/Wikimedia (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2017 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine