Deux mondes nous séparent : Pénélope et le Syllabus [chronique]

Le hasard fait bien les choses je retrouve un des petits volumes de la collection « Libertés » parus chez Jean-Jacques Pauvert dans les années 60 du siècle défunt. C’était de « la littérature de combat de tous les temps et de toutes les tendances ». Des « poches » au format inhabituel (18 X 8,5), à la couverture en papier kraft. Tout le culot d’un éditeur formidable qui mettait au catalogue des inédits de Sade, Tzara, Trotski, Pie IX, Taine, Alleg et Rebatet… ! On trouve encore des « Libertés » en librairie ancienne, à moins de 10 euros.

Celui-ci est consacré à l’encyclique « Quanta cura » de Pie IX (1846-1878) et au « Syllabus » qui en découla (1864). Le Syllabus est le catalogue des erreurs et des déviations de tous ordres que doit fuir le catholique romain. En gros, plus qu’en détail, la liberté religieuse, l’hérésie protestante, le rationalisme, le libéralisme, le progrès, le divorce et l’éducation laïque…

Pie IX est un pape singulier qui débuta libéral, favorable au « printemps des peuples » en Europe et qui finit ultra-réactionnaire lorsque le jeune royaume d’Italie voulut s’emparer de ses Etats. Les zouaves pontificaux de Lamoricière (envoyés par Napoléon III) le protégèrent jusqu’en 1870. Il ne se remit pas de la perte de son pouvoir temporel. Sur le plan doctrinal on lui doit l’infaillibilité pontificale, le culte du Sacré-Cœur de Jésus et l’Immaculée conception. Ouvertement antisémite, il laissa les Juifs romains enfermés dans leur ghetto.

Le volume paru chez Pauvert comprend en annexes divers documents d’époque dont deux articles de la Revue des deux Mondes publiés en 1865. Fondée en 1832, devenue la doyenne des revues, cette publication eut ses heures de gloire. Les plus grandes plumes signèrent des articles et la liste n’en finit pas. Citons juste Balzac, Vigny, Baudelaire, Dumas père, Sainte-Beuve et, plus tard, Claude Bernard, Albert Sorel, Anatole France, d’Annunzio, Hérédia…

La Revue des deux Mondes déclina après 1918. Conservatrice, académique, elle passa à côté des grands courants novateurs. En 1940, elle se rangea derrière Philippe Pétain, ce qui lui valut un peu de retard à l’allumage pour reparaître. Côté idées, elle fit pâle figure, comparée aux Temps modernes ou à Esprit.

Achetée en 1991 par le milliardaire-mécène Lacharrière (Marc Ladreit de), elle affiche autour de 5 000 abonnés (contre 26 000 en 1885) plus ou moins « sollicités ». Ses contributeurs (payés ?) sont des sous-fifres d’où se détache le flamboyant Franz-Olivier Giesbert, un des penseurs essentiels de notre temps.

Et Pénélope Fillon dans tout ça ? Eh bien, la dame a bénéficié d’un traitement de faveur et elle a droit à un record d’occurrences sur Google lorsqu’on tape « Pénélope, Revue des deux Mondes », revue dont tout le monde se fiche puisqu’elle n’a droit qu’à un article Wikipédia et au site Gallica qui donne en lecture de certaines années du XIXème siècle.

En 1865, le point de vue de la Revue était attendu et lu. Les deux articles cités sont signés par un chroniqueur, Eugène Forcade, catholique ouvert qui se dit affligé par le Syllabus. Je suggère à Pénélope de se procurer le dit catalogue car, à part le libéralisme sans fard de son époux, elle y trouvera tout ce qu’il nous propose comme avenir.

Jean Heurtin

Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017 Dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

Les commentaires sont fermés.

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Tribune libre

Pénélope… Respect !

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky