09/02/2017 – 09h15 Rennes (Breizh-info.com) – Grâce à internet, la pratique du covoiturage a connu un véritable essor ces dernières années. Que ce soit pour des petits trajets domicile-travail ou pour parcourir de plus longues distances, de plus en plus de voyageurs optent pour cette solution qui se veut à la fois économique, conviviale, et écologique. S’il ne fait aucun doute qu’il est plus économique de partager une même voiture que de conduire chacun la sienne ou de prendre le train, et qu’il est plus convivial de voyager à plusieurs que tout seul, le côté écologique peut être discutable.
Il paraît pourtant naturel de faire le lien entre des voitures partagées et de moindres émissions de CO2. Certains chiffres semblent même l’attester : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) estime que le covoiturage induit une réduction de 12% les émissions de CO2 pour un véhicule type contenant en moyenne 3,5 personnes. Pour arriver à ce chiffre, l’ADEME a converti en CO2 les kilomètres économisés par les usagers en leur demandant ce qu’ils auraient fait sans covoiturage.
Or pour les longues distances, si en grande majorité les conducteurs auraient utilisé leur voiture de manière individuelle, une majorité encore plus grande de passagers aurait choisi les transports en commun… qui auront tout de même effectué leur trajet, malgré le covoiturage, ce que ne prend pas en compte le calcul de l’ADEME.
De plus, comme 69% des passagers auraient pris le train, il apparait donc que le covoiturage se pratique en grande partie au détriment du train est pourtant bien moins polluant que la voiture.
Car c’est surtout son aspect économique qui fait son succès par rapport au train, jugé bien trop cher. Mais l’effet pervers de ces prix bas est de rendre accessibles financièrement des trajets qu’on n’aurait pas effectués si le covoiturage n’avait pas existé. 21% des conducteurs affirment que sans covoiturage, ils voyageraient moins souvent. Or des déplacements plus nombreux correspondent à davantage d’émissions de CO2…
Mais alors, comment faire le bilan écologique du covoiturage ? Suffirait-il de mettre sur la balance d’un côté ces nouveaux trajets et de l’autre ceux que le covoiturage permet réellement d’économiser (notamment les trajets domicile-travail) ? Là encore la chose n’est pas si simple ; c’est une vision bien plus globale et plus complexe du phénomène qu’il faudrait avoir en réalité.
En effet, il faudrait par exemple ajouter au crédit du covoiturage qu’il permet à certains de se passer d’acheter leur propre véhicule, ou en tout cas d’en retarder l’acquisition. Mais il faudrait à l’opposé s’interroger sur ce que font les usagers du covoiturage des économies qu’ils réalisent. S’ils décident, par exemple, de dépenser cet argent dans un billet d’avion pour aller visiter une capitale européenne, on pourra difficilement dire qu’ils ont contribué à la préservation de l’environnement.
A mesure que l’on affine l’étude des effets du covoiturage, son aspect écologique se fait de moins en moins évident. Ce qui permet de relativiser les chiffres qu’ont pu mettre en avant ses promoteurs, chiffres dont le calcul omet généralement plusieurs facteurs importants et ne prend pas en compte les effets de bord.
Si quelques nuances sont à apporter sur la pratique du covoiturage, il ne s’agit pas non plus de chercher à décrédibiliser cette pratique qui, dans son principe, reste tout à fait louable.
Victor Séchard
Photos : DR
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Une réponse à “Le covoiturage, une pratique vraiment écologique ?”
Bonjour,
C’est vrai que le caractère systémique des choses et le libre choix modal ne permet pas de sortir un chiffre, sur les économies de CO2 engendrées par le covoiturage, comme si on le lisait sur un appareil de mesure en labo ( et nous savons que même en labo, les chiffres sont douteux pour en déduire les émissions réelles de la circulation automobile). Il y a néanmoins des raisonnements qui se tiennent plutôt bien, même s’ils ne peuvent être exacts à la décimale près, sur le covoiturage domicile-travail.
Si la réduction des émissions GES engendrées par le covoiturage doit intervenir dans la conception des politiques publiques, d’autres questions intéressantes apparaissent :
1) un passager qui monte à bord, augmente d’environ 10% les émissions CO2 de la voiture. : (
2) qu’en pense la puissance publique, lorsque ce passager était récemment chômeur, sans transport public pour se rendre à son nouvel emploi, ni ressource suffisante pour s’y rendre seul en voiture :)
Ce que je retiens, à ce stade, c’est que les salariés dépensent de l’ordre de 25 Md€ pour se rendre en voiture, à un travail qui leur rapporte notamment ces même 25 Md€, et que ces 25 Md€ partent en fumée, dans le sens littéral du terme.
Notre économie, qui s’engage dans celle d’une transition énergétique, mérite assurément mieux que cela. Et le covoiturage domicile-travail va bien dans cette direction, sans qu’il soit besoin de chinoiser sur les chiffres.
Bien cordialement,