09/02/2017 – 11h00 Paris (Breizh-Info.com) – Marc Le Fur (LR) a émis une proposition de loi, enregistrée le 1er février 2017 à l’Assemblée nationale, visant à supprimer le prélèvement à la source, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2018 et chambouler le système fiscal français. Le député des Côtes d’Armor estime que le prélèvement à la source, instauré par la loi de finances pour 2017 , serait une « usine à gaz qui va rendre pour bon nombre de nos compatriotes l’impôt incompréhensible ».
« En premier lieu, c’est parce qu’ils peuvent mesurer le niveau de l’impôt que nos compatriotes l’acceptent ou le contestent. Or le prélèvement à la source transforme l’entreprise en collecteur de l’impôt sur le revenu. Le salarié percevra ainsi une rémunération nette non seulement de cotisations sociales, comme c’est le cas actuellement, mais également de l’impôt sur le revenu. La relation directe entre le contribuable et l’État qui est au cœur du principe du consentement à l’impôt va de fait disparaître. La retenue à la source présente ainsi l’avantage pour un gouvernement, et c’est sans doute un motif inavoué de la réforme : rendre l’impôt indolore, anesthésiant…» explique le chef de file de la droite et du centre au conseil régional de Bretagne.
Mais Marc Le Fur y voit également là une attaque vis à vis de la famille :
« En France, l’impôt est jusqu’à maintenant « familialisé ». Il repose sur la famille, le foyer fiscal, et non sur l’individu. Il est le reflet de la capacité contributive des familles, c’est-à-dire la différence entre leurs revenus et leurs charges. Au foyer fiscal, certains préfèrent l’individualisation de l’impôt. C’était le cas du gouvernement Ayrault qui a rogné les avantages du quotient familial. C’est l’objectif du « taux individualisé » prévu dans le cadre du prélèvement à la source qui propose la séparation fiscale au sein d’un même couple. Si ce « taux individualisé » a le succès escompté par la gauche, celle-ci pourra demain justifier la fin de la familialisation de l’impôt préalable à sa fusion avec la CSG. La retenue à la source constitue le cheval de Troie de la fin de la familialisation de l’impôt sur le revenu et de la fusion de l’IR et de la CSG.»
Une fausse immédiateté
Ensuite M. Le Fur évoque la « fausse immédiateté » du prélèvement à la source : « L’avantage supposé du prélèvement à la source serait son immédiateté, sa réactivité à l’évolution du revenu. C’est oublier que la mensualisation volontaire de l’impôt qui concerne aujourd’hui près de 70 % des contribuables, de fait, a permis une immédiateté de la perception de l’impôt. L’immédiateté vantée par le gouvernement est fausse puisque les taux qui seront appliqués aux revenus du contribuable dans le cadre du prélèvement à la source ne sont pas liés aux revenus de l’année en cours mais seront calculés en fonction des revenus de l’année n-2 jusqu’en septembre, puis de l’année n-1 pour les trois derniers mois de l’année. Le contribuable peut certes, en théorie, choisir de moduler le taux si ses revenus baissent. Mais attention, s’il se trompe les amendes sont lourdes !»
M. Le Fur explique également que ce prélèvement va instaurer une contribution des familles à la trésorerie de l’État
« Dans de nombreux cas, le contribuable fera de véritables avances à l’État qui n’aura pas voulu prendre en compte à l’avance des réductions et crédits d’impôt. Un foyer emploie une personne pour garder ses enfants. Aujourd’hui, il verse le salaire et déduit l’année suivante cette charge de son impôt. Il y a donc concomitance entre l’impôt et le crédit d’impôt. En 2018, le contribuable paiera l’impôt sans déduction, puis se verra rétrocéder le crédit d’impôt l’année suivante. Qui bénéficie de ce dispositif si ce n’est l’État ?
À titre d’exemple, un couple avec 4 000 € de revenus imposables par mois avec 3 parts (deux enfants) doit 2 618 € d’impôts avant réduction d’impôt. S’il a régulièrement 400 € par mois de dépenses de services à la personne, soit une réduction d’impôt de 2 400 €, il paie actuellement 218 € d’impôts, soit 22 € par mois de janvier à octobre et rien en novembre et décembre.
En 2018, il subira un prélèvement de 2 618 € divisé par 12, soit 218 € tous les mois et on lui rendra 2 400 € en septembre 2019 – un an après – au titre de son crédit d’impôt généré en 2018.
Concrètement cette famille fait une avance en trésorerie à l’État – son versement mensuel passe de 22 à 218 euros – dont elle ne sera remboursée qu’avec un an de retard. Résumons, l’impôt c’est pour tout de suite, le crédit d’impôt c’est pour dans un an !»
Mais ce sont aussi les conséquences sur les entreprises qui sont pointées du doigt ainsi que le coût de la réforme :
« Cette réforme va également représenter un coût supplémentaire pour les entreprises de l’ordre de 2 milliards d’euros selon le Conseil des prélèvements obligatoires. Ce dernier estime que le coût induit par cette réforme pour les employeurs pourrait représenter entre 1,3 % et 3,5 % de la valeur des impôts collectés.
L’employeur devient inévitablement le tiers payeur de l’employé-contribuable. Ce sont des milliers d’heures de travail pour les entreprises, de nouveaux logiciels, de nouvelles expertises de cabinets comptables. Tout cela pèsera terriblement sur la compétitivité des entreprises et particulièrement des PME.»
2017, année blanche d’impôt ?
Et enfin, l’année « blanche » de 2017, suscite là encore des interrogations :
« Les revenus de l’année 2017 ne seront pas imposés. Comment éviter les fraudes et évasions, les optimisations abusives, les majorations artificielles des revenus ? »
Avec la réforme du prélèvement à la source, le contribuable va devoir désormais appréhender potentiellement huit taux sur l’année à savoir :
1° le taux réel d’imposition : taux effectif de prélèvement sur les revenus du contribuable ;
2° le taux marginal d’imposition : taux de la tranche supérieure dans laquelle se situe le contribuable ;
3° le taux résultant du prélèvement à la source (PAS) calculé par l’administration et transmis à l’employeur, selon les revenus de l’année n-2 de janvier à août ;
4° un autre taux du prélèvement à la source selon les revenus de l’année n-1 de septembre à décembre ;
5° le taux forfaitaire appliqué aux contribuables qui ne disposent pas de taux ou qui ont opté pour la confidentialité ;
6° le taux modulé calculé pour anticiper une éventuelle baisse de revenu ;
7° et 8° les taux individualisés applicables lorsque les membres d’un couple souhaitent que soit prélevée sur leurs salaires une retenue à la source selon un taux uniquement fonction de leurs revenus propres et non ceux du foyer fiscal. Il existera dans ce cas deux taux individualisés, un pour chaque conjoint composant le foyer
Pour Marc Le Fur – dont on ne sait quand la proposition de loi sera votée à l’Assemblée, « le prélèvement à la source est destiné à entrer en vigueur au 1er janvier 2018, et il en résultera au 31 janvier 2018 un véritable choc financier quand les contribuables vont découvrir que leurs feuilles de paye vont diminuer. La consommation du début de l’année 2018 sera donc forcément problématique. Mais les effets sur la consommation se feront sentir également aux mois de novembre et décembre de chaque année. Les contribuables payent soient par tiers (15 février, 15 mai et 15 septembre), soit en dix mensualités (de janvier à octobre). Les mois de novembre sont par conséquent des mois sans paiement de l’impôt, ce qui donne au contribuable un pouvoir d’achat complémentaire, particulièrement utilisé pour les fêtes de fin d’année.
Avec le prélèvement à la source, sur douze mois à la place de la mensualisation sur dix mois, cette particularité fiscale bien connue de nos compatriotes disparaîtra. Cela aura évidemment des conséquences sur la consommation pour Noël. C’est pourquoi, la présente proposition vise à supprimer l’article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2016 et à revenir au système déclaratif de l’impôt sur le revenu.».
Les échéances électorales à venir pourraient, de toute façon, remettre en cause ce changement dans l’imposition des Français.
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