Philippe Pascot, l’homme qui dénonce les élus malhonnêtes [interview]

08/02/2017 – 07H00 Paris (Breizh-info.com) – Le 1er février dernier à 20 heures, l’Assemblée Nationale votait à l’unanimité une proposition de loi visant à instaurer l’obligation du casier judiciaire vierge pour tout candidat à une élection locale, présidentielle, législative ou sénatoriale à partir de 2019. C’est déjà le cas aujourd’hui pour entrer dans la fonction publique… mais curieusement, pas pour gérer l’argent du contribuable comme le font les hommes politiques. Nous avons retrouvé Philippe Pascot, auteur de plusieurs livres sur les petits et grands privilèges que se sont octroyés les élus de la République, et qui appelle depuis longtemps à la mise en place du casier judiciaire vierge pour assainir les écuries d’Augias.

Né en 1955, Philippe Pascot est un militant associatif depuis sa prime jeunesse – avec des actions spectaculaires, parfois, comme en juin 1985 lorsqu’il fait douze jours de grève de la faim, juché sur le clocher de sa commune, Bondoufle (91), pour protester contre l’interdiction d’émettre du CSA contre la radio locale Sortie de secours. Il a aussi fait de la politique pendant 25 ans, à Evry et en Ile-de-France ; il a notamment été adjoint à la mairie d’Evry de 2001 à 2010, puis conseiller régional d’Ile-de-France. A partir de 2014, il a commencé à écrire sur les politiciens. Dans une série de livres, il décrit sans concession comment ils se sont taillés sur mesure des lois pour profiter du système.

Il a écrit successivement Délits d’élus, où on listait 400 hommes et femmes politiques qui avaient commis des délits et avaient été condamnés pour cela. Dans un nouveau tome paru à la rentrée 2016, du Goudron et des Plumes, il y en a 600. Il a écrit précédemment Pilleurs d’État, où il en citait 200 de plus.

Breizh-info : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser aux délits des élus ?

Philippe Pascot : J’ai toujours considéré qu’un élu devait être exemplaire, qu’il devait servir et non se servir. Or, j’ai constaté qu’en France, les privilèges des élus, c’était un sujet tabou.

Breizh-info  : Vous dénoncez les distorsions entre le droit applicable aux élus et le droit commun ?

P.P : Oui, il y en a plein. Par exemple un élu peut arriver à payer deux fois moins d’impôt qu’un citoyen non élu. L’impôt est en effet calculé sur chacun de ses mandats, séparément, alors qu’un citoyen est imposé sur l’ensemble de ses revenus. L’élu bénéficie en outre d’un abattement de 750 euros. Le gouvernement a annoncé l’arrêt de ce privilège en 2017, mais il faut le faire voter par des parlementaires… qui sont souvent des élus qui cumulent les mandats. Pas gagné. Un autre exemple : pour une femme d’élu, la pension de réversion c’est 66%  de la pension de son mari, sans plafond. Pour une femme d’un retraité du régime général, c’est 54% d’un plafond de 19.000 euros.

Breizh-info : Pourtant, il y a déjà eu des tentatives d’assainir la vie politique, par exemple via le non-cumul des mandats ?

P.P : C’est une arnaque. Les élus vont rendre un de leurs mandats, celui qui les arrange le moins, à un de leurs proches. Ces derniers, nouvellement élus sur des mandats peu rémunérateurs, vont augmenter leurs indemnités, afin de pouvoir en vivre. Et ceux qui ont lâché leurs mandats, aussi. Comme Xavier Bertrand, qui a claironné avoir lâché ses mandats de maire et de député. Mais pas de s’être augmenté de 4000 € bruts comme président de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin. Résultat : on aura encore plus d’élus, encore plus de pros de la politique, et encore plus d’argent du contribuable dépensé en indemnités.

Breizh-info : Est-ce que cela vous étonne que la loi sur le casier judiciaire vierge des élus soit adoptée à l’unanimité à l’Assemblée ?

P.P : Pas du tout. Cette loi, j’en suis l’instigateur, et c’est l’aboutissement d’un long travail de lobbying.

Breizh-info : Quand a-t-elle été préparée ?

P.P : Il y a 4 ou 5 mois déjà. Mais avec les lourdeurs de l’emploi du temps parlementaire, elle n’est présentée que maintenant, si bien qu’elle ne s’apppliquera pas aux campagnes présidentielle et législatives qui ont démarré entre temps.

Breizh-info : Cette loi est présenté par un député de gauche [Fanny Dombre-Coste, député PS de la 3e circonscription de l’Hérault ; lancée en politique par Georges Frêche, cet artisan photographe – le seul artisan de l’Assemblée Nationale – est une spécialiste reconnue au sein du PS des thématiques liées à la filière bois et au droit social en entreprise, NDLA], est-elle soutenue dans l’autre camp ?

P.P : Oui, notamment par Charles de Courson [UDI, NDLA]. Nous l’avons aussi envoyée à plusieurs sénateurs de différents camps pour recueillir leur réaction.

Breizh-info : Pourquoi à votre avis les élus sont tellement pressés de clarifier le système et mettre fin à leurs privilèges ? Est-ce l’onde de choc des affaires successives ?

P.P : Parce que la pression devient intenable. Notre pétition pour un casier vierge des politiques a réuni 149.000 signatures, certains députés ont été inondés de mails pour voter la loi, des candidats à la présidentielle ont repris la proposition (Jadot, Dupont-Aignan, Jean Lassalle, Charlotte Marchandise, François Asselineau…) et il y a une attente sociale énorme. Tant que les privilèges des élus étaient peu ou pas connus, ça passait, maintenant qu’ils le sont, les gens ne l’acceptent plus. Comme pour beaucoup de choses, le savoir c’est le pouvoir. Plus il y a de gens qui savent que notre système démocratique est détraqué, et plus il y a de chances de le réparer.

Breizh-info : Et maintenant, qu’allez vous faire ?

P.P : Maintenir la pression sur les sénateurs. Dans la mesure où la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée, sauf magouille de dernière minute, elle ne peut plus être bloquée.

Breizh-info : Que pensez-vous de l’affaire Fillon, qui cause une onde de choc d’autant plus importante à droite que Fillon s’était présenté comme candidat intègre et exempt de l’affairisme des époques de Sarkozy et Chirac ?

P.P : Le problème n’est pas tant qu’il embauche sa femme et ses enfants – d’autres le font – mais une question de compétence, et de travail réel. Un collaborateur qui travaille à l’Assemblée, ça se vérifie facilement : il a un badge, on peut pointer ses allées et venues, il a un téléphone, y répond, il est sur l’organigramme, etc.

Breizh-info : C’est plutôt le système qui est fautif ?

P.P : Tout à fait. Ce que disent Hamon et Valls, c’est à dire qu’il faudrait empêcher les époux de travailler ensemble, c’est tout à fait démagogique. A cela s’ajoute un autre problème complètement passé à l’as : le fait qu’il soit consultant (2F Conseil), ce qui peut, dans la mesure où il brigue les plus hautes fonctions, poser un problème d’indépendance à l’avenir.

Breizh-info : Allez vous continuer votre série de livres sur les dérives des élus ?

P.P : Oui, j’en sors un début mars, qui s’appellera Allez presque tous vous faire f…

Breizh-info : De quoi allez-vous y parler ?

P.P : J’ai encore découvert, depuis les derniers livres, des avantages et privilèges innommables pour les élus issus de l’ensemble de la classe politique.

Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe

Photo : Rama/ Wikimedia
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