Auteur du livre La Langue des médias. Destruction du langage et fabrication du consentement (éd de l’Artilleur/Toucan, 2016), Ingrid Riocreux (photo), que l’Ojim a été l’un des premiers médias à interroger sur son livre passionnant, donnait récemment un entretien au Figaro/Vox.
Dans celui-ci, l’agrégée de Lettres modernes analysait le langage des principaux candidats à la présidentielle et leurs rapports aux médias. Mais avant tout, au regard des initiatives de Jean-Luc Mélenchon et Florian Philippot, qui ont tous deux créé leur chaîne Youtube, un constat s’impose selon elle : internet, les réseaux sociaux et les médias alternatifs ont pris une place importante dans le grand concert de l’information.
Ainsi désormais, « la hiérarchie de l’information échappe en grande partie aux médias officiels », explique-t-elle. En témoignent les récentes agressions de Cologne, commises par des clandestins, et que les médias officiels ont, dans un premier temps, tenté d’étouffer. Or, aujourd’hui, « toute tentative d’étouffer des faits avérés est contre-productive. Les faits en question finissent par être connus parce que les réseaux sociaux propagent les images et les témoignages ».
En parallèle, « les médias alternatifs gagnent en crédibilité: ils apparaissent comme ceux qui disent ce que les autres nous cachent », note Ingrid Riocreux. Pour contrer cette menace, les médias traditionnels ont donc choisi, de plus en plus, de nous mettre constamment en garde contre internet et les réseaux sociaux. Certes, cet appel à la prudence peut paraître légitime, mais pour l’essayiste, « ces mêmes médias ne semblent pas se l’appliquer à eux-mêmes », et commettent souvent des bourdes. La faute à la volonté d’être le premier à sortir une information, et donc à ne pas vraiment la vérifier, entre autres…
Concernant le monde politique, force est de constater que la majorité du personnel politique « se soumet au magistère moral des médias et accepte ce système dans lequel il faut utiliser certains mots et pas d’autres ». Et quand bien même beaucoup dénoncent ce magistère et se prétendent « hors système », ils ne le sont pas totalement. Car on ne peut tout simplement pas l’être, « cela reviendrait à ne pas exister du tout », nous dit Ingrid Riocreux. Et d’ajouter : « Si on laisse de côté ceux qui se prétendent hors système sans l’être en rien, les candidats « hors système » sont, en réalité, ceux qui arrivent à utiliser le système contre lui-même. »
Donald Trump en est un parfait exemple, lui qui a volontairement accumulé les « bourdes » pour voir les médias se jeter dessus, et donc parler de lui. Autre solution : les contourner. Soit complètement, comme tend à le faire Jean-Luc Mélenchon, soit partiellement, comme s’y essaie Florian Philippot, assez maladroitement par ailleurs.
Il n’en reste pas moins que cette campagne présidentielle à venir braquera une bonne partie des projecteurs sur le web, étant désormais possible que le gros de la bataille s’y déroule. Et sur internet, tous les coups (ou presque) sont permis.
Notre entretien avec Ingrid Riocreux
Source : OJIM