24/01/2017 – 14H15 Londres (Breizh-info.com) – « Dans un jugement commun à sa majorité, la Cour Suprême estime qu’une loi du Parlement est requise pour autoriser les ministres à présenter la décision du Royaume-Uni de se retirer de l’Union européenne. »
Seul dans la presse française, Breizh Info (5/11/2016) avait anticipé cette décision : le référendum consultatif du 23 juin dernier ne suffit pas ; le Brexit ne peut se passer d’une loi votée par la Chambre des Communes. Pourquoi ? Parce que depuis Jacques II et le Bill of Rights approuvé par Guillaume d’Orange devenu William III (1689), la souveraineté britannique n’appartient pas aux peuples du Royaume-Uni mais aux Chambres. En vertu de ce principe général, les divers recours juridiques ayant suivi le référendum de juin ont donc abouti, après celle de la Haute-Cour en novembre dernier, à la décision citée des juges de la Cour Suprême, notifiée ce mardi 24 janvier à 9h30 GMT (10h30 françaises).
Par 9 voix contre 3, Theresa May, Premier ministre de Sa Majesté, se voit contrainte d’obtenir une délégation législative de la Chambre des Communes pour négocier l’application de l’article 50 du Traité communautaire, et fixer les clauses de son départ. Compte tenu des délais de convocation des élus, d’organisation des débats et de publication des résultats, la promesse de démarrer la procédure de départ avant la fin du mois de mars 2017 ne sera probablement pas tenue.
Les recours demandant les consultations des Assemblées irlandaise et écossaise n’ont pas été retenus par la Cour Suprême. Il est donc probable que les indépendantistes écossais (54 députés aux Communes) vont bientôt se faire entendre, eux qui souhaitent rester dans l’UE. Quant aux députés travaillistes qui, dans leur majorité, étaient contre une sécession, les commentateurs parlementaires londoniens estiment qu’ils vont, dans leur majorité, suivre Mme May et se plier aux votes de leurs circonscriptions respectives, puisque cela conditionne leurs réélections.
Dans tous les cas, Brexit ou non, force est de reconnaître qu’un nouveau concept juridique a été introduit dans le droit britannique, celui d’une souveraineté de facto du peuple, opposée à la souveraineté de jure des Chambres. Cette évolution est d’autant plus ambiguë que le ‘peuple britannique’ n’existe pas : le Royaume est une union institutionnelle de quatre peuples, l’anglais, l’écossais, le gallois et le nord-irlandais. Ce dernier, malgré les querelles religieuses, semble de plus en plus tenté de rejoindre la République d’Irlande, et le peuple écossais de faire sécession.
Le Royaume-Uni, habile jusqu’alors à pratiquer un pragmatisme de bon aloi dans les relations inter-communautaires, risque de traverser des période de turbulences internes majeures. Elles seront le prix à payer pour un demi-siècle de participations houleuses à la CEE (1973) puis à l’UE (1993). L’entrée, initiée en 1961, n’avait pu intervenir douze ans plus tard qu’après le départ du général De Gaulle, qui y était fortement opposé, et l’acceptation par Georges Pompidou. En interne, les conservateurs étaient majoritairement pour l’entrée en 1961, et les travaillistes s’abstenaient. Cinquante-cinq ans plus tard, les conservateurs ont fait approuver la sortie par référendum, et les travaillistes, qui étaient contre, se voient pratiquement obligés de la négocier, au risque de voir chanceler l’unité du Royaume. Vieille leçon politique : la versatilité des opinions n’est pas sans écueils.
J.F. Gautier
Crédit photo : Wikimedia (cc)
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