24/12/2016 – 07H30 Nantes (Breizh-info.com) – Les confessions d’un membre de la compagnie républicaine de sécurité n°42 (Nantes – St Herblain) publiées dans nos colonnes ont fait quelque bruit parmi les CRS de Nantes et de l’ouest de la France. Alain Jeuland, directeur zonal adjoint des CRS de la zone de défense ouest a tenu à réagir. Nous l’avons interviewé.
Breizh Info : Le CRS que nous avons interviewé affirme qu’il y a des quartiers sensibles où les CRS ont interdiction d’intervenir en temps normal. Que pouvez-vous répondre à ce sujet ?
Alain Jeuland : je n’ai pas connaissance du tout de ce genre d’instruction. Et je suis assez surpris qu’il vous en parle – et qu’il fasse état de saisies de drogues dans un quartier au nord de Nantes – alors que la CRS n°42 n’a pas fait une minute de sécurisation dans Nantes cette année, étant très prise avec des missions de maintien de l’ordre et Vigipirate. Tout ce qu’on peut avoir comme consigne, c’est que s’il y a une opération policière en cours, on nous demande de ne pas aller mettre un coup de pied dans la fourmilière. C’est lié à notre coordination avec la police.
Breizh Info: Quelles sont vos relations avec la police à Nantes ?
Alain Jeuland : S’il y a un endroit en France où les relations entre CRS et DDSP (direction départementale de la sécurité publique) sont bonnes, c’est à Nantes ; la convention établie en 2012-2013 entre la DDSP 44 et la DGCRS Ouest (direction générale des CRS de l’Ouest) est d’ailleurs devenue un modèle à l’échelon national.
Breizh Info : Revenons sur l’affaire des décorations au sein de la CRS 42…
Alain Jeuland : L’unité CRS 42 s’est trouvée au cœur des attentats de Paris, à canaliser la foule pour éviter des victimes nouvelles, à maintenir l’état des lieux – en présence donc de morceaux de corps etc. Elle a accompli un travail remarquable. Son commandant a demandé une décoration collective – au fanion de l’unité, car la force des CRS, c’est le collectif. Il n’y a pas de place pour l’action individuelle. Cependant Paris lui a demandé une liste de fonctionnaires méritants, il a commencé par refuser. J’étais alors à la direction centrale, j’ai suivi cette affaire.
Il a fini par donner la liste d’une vingtaine de CRS qui étaient au plus près des événements, et c’est eux qui ont été décorés. C’est donc faux qu’il y ait des hommes qui ont refusé la décoration. En revanche, il est vrai qu’il y a eu un mouvement d’incompréhension au niveau des hommes de la CRS 42, mais je n’ai pas de commentaires à faire sur la décision de Paris.
Breizh Info : Y-a-t-il eu une gratification avec cette décoration ?
Alain Jeuland : Oui, de 200 € environ, effectivement.
Breizh Info : Le CRS que nous avons interviewé fait état d’une mission de sécurisation faite par les CRS dans un quartier au nord de Nantes ; qu’en est-il ?
Alain Jeuland : Si la CRS42 ne fait pas de mission de sécurisation, d’autres CRS présentes à Nantes en font. Actuellement, la CRS 32 du Havre a relayé la CRS 8 qui venait de Dieppe. Le 8 décembre, une demi-compagnie a été engagée dans une mission de sécurisation en appui de la police nationale. Vingt-cinq personnes ont été mises à disposition – c’est à dire interpellées – dont 8 pour usage et cession de produits stupéfiants. L’une d’elles a été arrêtée avec 18 grammes d’héroïne conditionnés en petits paquets et 710 € en liquide sur elle.
Breizh Info : La CRS 42 de Nantes a été fortement sollicitée en 2016…
Alain Jeuland : En effet. En janvier 2016, deux mois à peine après les attentats, l’unité a eu 3 blessés à Bastia, en marge des affrontements suite à l’affaire Bastia-Reims. Des supporteurs corses avaient attaqué le commissariat de Bastia, notamment en jetant des projectiles incendiaires. Des fonctionnaires avaient aussi été blessés par l’explosion de plusieurs bouteilles de gaz d’une station service proche.
Ensuite, on s’est retrouvé à Calais, où j’ai assuré deux missions de commandement. La CRS 42 – avec d’autres – assurait la sécurité de la rocade portuaire et de l’autoroute, la nuit. Les deux axes étaient régulièrement pris d’assaut par les migrants qui montaient dans les camions. En même temps que les poids lourds passaient à toute vitesse, on était face à des migrants qui enflammaient des branchages.
Breizh Info : Vos hommes ont-ils fait face à une certaine agressivité de la part des migrants ?
Alain Jeuland : En effet. Et plus ça allait, plus il y avait de l’agressivité de la part des migrants contre les usagers de la route et les policiers. On en a interpellés, mais j’ai l’impression d’une certaine disproportion entre nos constats opérationnels et ce qu’on a pu voir comme condamnations judiciaires quand il y en avait.
Breizh Info : C’était une mission difficile ?
Alain Jeuland : Oui. Nous sommes plusieurs chefs à s’être fait la réflexion: nous avons beaucoup de respect pour les gens sur le terrain qui n’ont jamais baissé les bras. On avait aussi la motivation de protéger des riverains en plein désarroi, eux qui subissaient des assauts quotidiens, des dégradations, des vols, et dont on était le dernier recours. Je veux rendre hommage à mes hommes.
Breizh Info : Vous étiez aussi sur le front de la loi Travail ?
Alain Jeuland : Sur le premier semestre 2016, il y avait deux foyers importants de violences inacceptables, c’était Nantes et Rennes, avec une volonté évidente de la part de certains manifestants de porter atteinte à l’intégrité physique des personnels de police. On a eu 36 blessés dont 4 graves. A ce sujet, Philippe Deroff, le commandant de la CRS 13 (St Brieuc) blessé le 15 septembre lors de la manifestation contre la loi Travail [avec deux de ses hommes] par des tirs de cocktail Molotov qui les ont transformés en torches vivantes, est toujours en convalescence. Il commence à peine à remarcher.
Breizh Info : Pour finir, que vous inspirent les confessions de ce membre de la CRS42 ?
Alain Jeuland : Je suis très attristé par les manquements à l’obligation de réserve de ce CRS. Ils ne font pas honneur au drapeau et ont ému les hommes de la compagnie républicaine de sécurité n°42, qui se sentent salis notamment par les manquements vis à vis de l’institution républicaine.
Propos recueillis par Louis Moulin
Photo : DR
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