Michèle Morgan. Elle avait de beaux yeux : elle est partie vers d’autres cieux

Mince alors, Simone Roussel a tiré son ultime révérence, à seulement 96 printemps. Elle était plus connue sous le nom de Michèle Morgan. Comme parfois certaines étoiles du septième art, elle devint esclave d’une scène, d’une réplique, d’une tenue ; un peu comme Marilyn Monroe en son temps, jupes virevoltantes sur une bouche d’aération.

Ainsi, Michèle Morgan, c’était un baiser avec Jean Gabin, lequel lui assurait qu’elle avait de beaux yeux, toute belle qu’elle était dans son trench et coiffée d’un béret, les deux signés de la grande Coco Chanel. Certains de mes confrères ayant une fâcheuse tendance à se recopier les uns les autres, les autres s’étant juste contentés, avant les autres, d’aller piocher chez Wikipédia, allons peut-être chercher autre chose chez la si belle Michèle Morgan.

Tenez, un film parmi d’autres, peu connu, mais finalement pas le plus anodin, le Fortunat d’Alex Joffé. Elle y partage l’affiche avec Bourvil, tandis que le tout jeune Frédéric Mitterrand y incarne un charmant rôle d’enfant. Michèle Morgan et Bourvil ? Un couple aussi improbable que celui formé par le même Bourvil et Louis de Funès dans cette Grande Vadrouille filmée par Gérard Oury, le dernier compagnon de la demoiselle aux yeux si beaux.

De quoi s’agit-il ? C’est l’Occupation, comme dans le film à l’instant évoqué. Michèle Morgan est une grande bourgeoise affublée de deux enfants. Son mari a été déporté. Il lui faut passer de toute urgence en zone libre. Mais comment ? Heureusement qu’il y a le bon Fortunat, incarné par Bourvil. Il est brave homme, mais nigaud comme pas deux et boit du vin comme si c’était de l’eau.

Miracle de ce que l’âme humaine peut cacher de plus noble : Fortunat se prend de tendresse pour cette famille jetée à la rue. Il a des principes ; elle a des manières. Elle sait se tenir dans la haute société ; lui ne connaît que les caboulots de campagne. Il ose à peine croiser son regard ; elle ne sait le toiser autrement que de haut.

Et c’est là que les destinées se croisent, les défauts de Fortunat devenant autant de qualités dans cette adversité à laquelle sa protégée n’est que peu préparée. À son contact, il se civilise ; au sien, elle s’humanise. En plein milieu du film, ce sommet d’érotisme tout en suggestion. Elle essaye d’éplucher les patates, mais s’y prend comme une gourde. Il lui apprend les bons gestes, tout en lui tenant longuement le poignet. La scène est à tomber par terre.

Autant des actrices de l’époque, Arletty ou Suzy Delair, jouaient d’une manière qui paraît aujourd’hui un brin démodée – accent gouailleur et yeux de biche -, autant celle de Michèle Morgan, plus que d’être moderne, demeure intemporelle.

Pour finir sur Fortunat, la fin de ce film est tout bonnement bouleversante. Le mari de Michèle Morgan revient indemne des camps. Bourvil, heureux pour elle, comprend que son amour est sans issue. Il s’en va, le cœur dévasté. Elle le voit partir, les yeux mouillés de larmes. Histoire d’amour platonique ayant changé à jamais deux amants dont la courtoisie leur aura interdit de concrétiser la chose. Plus chrétien que ce film, on ne fait pas. On n’a jamais mieux fait et il est à craindre que ce joyau, illuminé par la grâce de Michèle Morgan, ne soit jamais surpassé.

Ces choses dites, il est un fait que Michèle Morgan, ses yeux étaient plutôt pas mal.

Nicolas Gauthier
Journaliste, écrivain

Source : Boulevard Voltaire

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2 réponses à “Michèle Morgan. Elle avait de beaux yeux : elle est partie vers d’autres cieux”

  1. Fred dit :

    « Elle joue magnifiquement  » écrivait le critique Lucien Rebatet à propos de son rôle dans ‘la piste du nord’ de jacques Feyder. Ce film réalisé en 1939 fut projeté en 1942, alors que Michelle Morgan était aux Etats Unis …

  2. Dark Vador dit :

    Michèle Morgan, Jean Gabin, ou encore Georges Brassens, ou plus près de nous Coluche, Renaud… Toutes ces personnes savaient pertinament le rôle qu’elles ont joué dans le volet culturel du roman national français, c’est à dire dans la débretonnisation, dans la destruction de notre conscience collective via les radios et le petit écran parisiens. Ces gens savaient très bien ce pour quoi ils étaient utilisés, ce à quoi ils ont participé.

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