Loin de la surenchère actuelle d’effets spéciaux, le cinéma de science-fiction à ses origines portait le plus souvent un véritable message philosophique. Prenons l’exemple d’Homunculus, film allemand sorti il y a 100 ans.
A la mort d’un enfant, pour atténuer le chagrin de la mère, le Dr Hansen (Albert Paul) parvient à créer l’Homunculus (Olaf Fonss), un bébé artificiel. Lorsque l’Homunculus fête ses 25 ans, il se demande pourquoi il est incapable d’aimer. Il découvre son origine artificielle. Pour se venger, il décide de détruire l’humanité. Devenu patron d’une entreprise, il exploite ses ouvriers. Mais en réalité, il joue un double jeu : il se déguise en ouvrier et attise la haine des travailleurs. Le Dr Hansen crée alors un second Homunculus afin d’éliminer le premier : le feu doit être combattu avec le feu. En haut d’une montagne, le premier Homunculus tue le second. Mais il est frappé par la foudre…
Homunculus est une série de films allemands réalisés par Otto Rippert (1869-1940) en 1916. Le scénario a été écrit par Fritz Lang et le film préfigure déjà son chef d’œuvre Métropolis (1927). Tourné en pleine guerre 1914-1918, son message reste très actuel.
Les six films s’appellent La naissance de l’Homunculus, Le livre mystérieux, La tragédie de l’amour Homunculus, La revanche de l’Homunculus, La destruction de l’humanité, La Fin de l’Homunculus. Jusqu’en août 2014, on pensait que seuls le 4ème épisode et un morceau du 5ème avaient survécu. Mais lors du festival du film muet de Bonn de 1914, l’intégralité du film a été montrée, pour la première fois depuis près de 100 ans.
Cette adaptation du roman de Robert Reinert dénonce la volonté de construire des hommes artificiels. Au moyen d’une technologie sinistre, des scientifiques fous mettent au point des androïdes surhumains. Cette créature artificielle, dotée de pouvoirs surhumains, pense être exclue de l’humanité en raison de son incapacité à éprouver et à susciter de l’amour. L’acteur danois Olaf Fonss, vêtu d’une cape noire ou déguisé tantôt en financier, tantôt en ouvrier, campe une créature ténébreuse. Une telle critique de la modernité, dès 1916, apparait aujourd’hui comme conservatrice.
Ce film met aussi l’accent sur le danger d’attiser les haines au sein de l’entreprise entre dirigeants et ouvriers. Homunculus prend en effet la tête d’une corporation de puissants chefs d’entreprises pour les inciter à pratiquer un capitalisme pur et dur, mais dans le même temps, déguisé en prolétaire, il appelle les ouvriers à se révolter.
Ce film expressionniste, avec de nombreux effets de clair-obscur, servira de modèle aux adaptations cinématographiques ultérieures de Frankenstein, dont il développe un message similaire. Le cinéma expressionniste allemand de science-fiction est né.
Indisponible en DVD, ce film peut être visionné sur Youtube.
Kristol Séhec
Photos : DR
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