Pendant la campagne électorale américaine, l’acteur et réalisateur Clint Eastwood a affiché son soutien à Donald Trump. Avec son franc-parler, il a ainsi expliqué que « tout le monde en a secrètement marre du politiquement correct. Nous sommes dans une génération lèche-botte, nous sommes vraiment dans la génération mauviette. On voit des gens en accuser d’autres de racisme et d’autres choses. Quand j’étais plus jeune, ces choses n’étaient pas qualifiées de racisme ».
Alors que l’immense majorité des artistes américains proclamait son soutien à Hillary Clinton et se moquait ouvertement de Donald Trump, Clint Eastwood encourageait celui-ci à devenir le 45ème président des États-Unis. Le slogan de Donald Trump « Make America Great Again » (Rendre l’Amérique à nouveau grande) avait éveillé en Clint Eastwood sa fibre patriotique et conservatrice.
Arrivé en Amérique au milieu du XVIIe siècle, les ancêtres de Clint Eastwood font partie des premiers colons à se lancer dans la conquête de l’Ouest. Au début de sa carrière, il est connu pour son rôle de cow-boy justicier dans la série TV Rawhide. Il se fait alors remarquer par Sergio Leone qui fait appel à lui pour la « Trilogie du dollar » (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la Brute et le Truand). Devenu célèbre, il interprète L’Inspecteur Harry, film policier prônant l’élimination des criminels.
Il explore des genres différents : le film de guerre (Lettres d’Iwo Jima), le film noir (Mystic River), le drame (Million Dollar Baby), l’histoire d’amour (Sur la route de Madison), la comédie (Space Cowboys)…
Certains sont d’authentiques films conservateurs. Plusieurs westerns prônent le cow-boy justicier, même s’il est parfois peu vertueux (L’Homme des Hautes Plaines, Pale Rider, Impitoyable). Dans Firefox, l’arme absolue (1981), l’ennemi est l’Union soviétique. Dans Sur la route de Madison, l’épouse renonce à l’amour pour préserver son mariage. Lettres d’Iwo Jima est le premier film américain à montrer la guerre du point de vue ennemi. L’Échange légitime la peine de mort pour les assassins d’enfants, idée soutenue par Eastwood. Dans Gran Torino, un vétéran de la guerre inculque à un Hmong les valeurs traditionnelles de l’Amérique. Mais d’autres films sont moins conservateurs lorsqu’ils proposent la solution de l’euthanasie (Million Dollar Baby) ou encensent Nelson Mandela (Invictus).
Sur le plan politique, même s’il se dit libéral sur certains sujets de société, il vote pour les candidats républicains Eisenhower, Nixon et Reagan. Ronald Reagan cita d’ailleurs la réplique de L’inspecteur Harry, « Vas-y. Fais-moi plaisir ! », pour menacer d’utiliser son veto présidentiel face à la majorité démocrate au Congrès qui souhaitait augmenter les impôts. Il finance deux expéditions militaires privées pour libérer des prisonniers au Laos. L’acteur se présente en 1986 au poste de maire de Carmel. Eastwood est élu maire avec 72 % des voix.
Clint Eastwood a été récompensé à de nombreuses reprises, remportant notamment quatre Oscars, cinq Golden Globes, trois Césars et la Palme d’honneur au Festival de Cannes en 2009. Son cinéma apparait comme viril, conservateur, patriotique, mais aussi humaniste.
Plusieurs de ses films ont suscité une polémique aux États-Unis :
* L’inspecteur Harry (1971). Ce film montre l’explosion de violence que connait l’Amérique au début des années 1970. Le réalisateur Don Siegel s’inspire de l’affaire du Zodiac, tueur qui tirait sur des habitants de San Francisco. Mais c’est le personnage d’Harry Callahan, campé par Clint Eastwood, qui marque les esprits. Armé d’un magnum 44, adepte de réparties cinglantes, cet inspecteur réputé pour ses méthodes expéditives critique le système judiciaire américain. Quand la justice ne fait pas son travail, il intervient… Il tue les criminels la plupart du temps sans sommation. Clint Eastwood explique qu’« à l’époque, les gens trouvaient qu’on mettait tellement l’accent sur les droits des accusés qu’on négligeait les droits de la victime». Polar musclé et brillamment mis en scène, L’inspecteur Harry reste, aujourd’hui encore, politiquement très incorrect. A l’époque, plusieurs journalistes américains ont traité ce film de « fasciste ».
* Lettes d’Iwo Jima (2007). « Dans la plupart des films de guerre que j’ai vus au cours de ma jeunesse, il y avait les bons d’un côté, les méchants de l’autre. La vie n’est pas aussi simple, et la guerre non plus ». Pendant le tournage de Mémoires de nos pères, Clint Eastwood justifie ainsi son idée de réaliser un autre film sur la bataille d’Iwo Jima. Tourné sur place, en japonais, Lettres d’Iwo Jima ne se contente pas de décrire la brillante stratégie défensive du général Kuribayashi (campé par le charismatique Ken Watanabe). C’est la première fois qu’un réalisateur tourne deux films pour explorer, à travers notamment les authentiques courriers adressés aux familles, la psychologie de chacun des belligérants. Tandis que les soldats américains combattaient avec l’espoir de survivre, les japonais, condamnés par avance, recherchaient une mort honorable. Lettres d’Iwo Jima montre la propagande nippone basée sur le nationalisme impérial et le sentiment de supériorité sur les « yankees ». Les soldats sont conditionnés à offrir leur vie pour l’empereur, choisissant ainsi le suicide plutôt que la reddition. Mais Clint Eastwood respecte trop la culture japonaise pour juger ces suicides collectifs, si déroutants pour les occidentaux. Spike Lee reprocha à Eastwood l’absence de soldats Afro-Américains dans ses deux films Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima. Eastwood lui répondit : « il m’a critiqué quand j’ai fait Bird. Pourquoi est-ce qu’un type blanc fait ce genre de film ? Parce qu’il fallait bien que quelqu’un le fasse […] Ce ne sont pas [les Afro-américains] qui ont érigé le drapeau américain ».
* Gran Torino (2009). Walt Kowalski, un ancien combattant de la guerre de Corée, joué par Clint Eastwood, amateur d’armes, retraité des usines automobiles Ford, est agacé par ses voisins asiatiques. Il les traite de « faces de citrons », de « têtes de nems » ou de « rats de marais ». Une nuit, il surprend le jeune Thao, un de ses voisins d’origine Hmong, en train d’essayer de voler sa Ford Gran Torino 1972. Un gang pousse en effet Thao à tomber dans la criminalité. Walt menace le gang. La famille de Thao le remercie vivement. Puis il apprend que les Hmong, après avoir soutenu les forces vietnamiennes et leurs alliés américains durant la Guerre du Viêt Nam, ont terminé dans des camps sous la menace des communistes. Walt décide de partir en guerre contre le gang. Dans son testament, il stipule qu’il lègue ses biens à l’église, pour faire plaisir à sa défunte épouse, et sa Gran Torino à Thao, devenu son ami. Ce film réalisé par Clint Eastwood a également été critiqué en raison du conservatisme du héros et de l’exaltation de la justice privée.
* American Sniper (2014). Un Cow-boy de rodéo au Texas décide de s’engager par patriotisme dans les forces armées des États-Unis. Il suit l’entrainement des Navy Seals où il devient tireur d’élite. Pendant la guerre d’Irak, sa précision au tir sauve de nombreux soldats américains. Les récits de ses exploits se multipliant, il devient une cible privilégiée des insurgés. Mais en rentrant au pays, souffrant de stress post-traumatique, il ne parvient pas à retrouver une vie normale auprès de sa famille… Ce film de guerre a suscité une vive polémique aux États-Unis, certains le considérant comme nationaliste et belliciste. Certes, ce film ne s’interroge jamais sur la légitimité de l’engagement américain dans la guerre d’Irak. Il montre la torture uniquement du côté musulman. Certes, encore, il exalte le courage du sniper le plus redoutable de l’histoire américaine (cent soixante tirs mortels). Mais contrairement à ce que soutiennent de nombreux médias, il ne s’agit pas seulement d’un film patriotique. Le thème central est la véritable vie d’un homme considéré comme un héros. Clint Eastwood ne porte aucun jugement. On découvre ainsi le terrible choix auquel est confronté un sniper. Dès la première scène du film, le héros prend la décision de tuer une femme et son enfant, porteurs d’une grenade. Dans cette terrible guerre civile, tout individu devient un ennemi potentiel. De retour au pays, il n’est pas hanté par la guerre qu’il laisse derrière lui, mais par le fait qu’il abandonne son rôle de protecteur. Il explique qu’il ne connait aucun remord : « Je suis prêt à répondre de chacun de mes tirs devant mon créateur ».
Un prestigieux coffret sorti le 16 novembre contient 50 films en DVD, réalisés et/ou interprétés par Clint Eastwood : American Sniper, Jersey Boys, Une Nouvelle Chance, J. Edgar, Au-delà, Invictus, Gran Torino, L’échange, Lettres d’Iwo Jima, Mémoires de nos pères, Million Dollar Baby, Mystic River, Créance de Sang, Space Cowboys, Jugé Coupable, Les pleins pouvoirs, Minuit dans le jardin du Bien et du Mal, Sur la route de Madison, Un monde parfait, Impitoyable, Chasseur blanc Coeur noir, La Reléve, Pink Cadillac, L’Inspecteur Harry, Magnum Force, Le retour de l’inspecteur Harry, L’inspecteur ne renonce jamais, L’inspecteur Harry est la dernière cible, Bird, Le Maître de guerre, Pale Rider le cavalier solitaire, Haut les flingues, La corde raide, Firefox l’arme absolue, Honkytonk Man, Bronco Billy, Ça va cogner, L’évadé d’Alcatraz, Doux dur et dingue, L’épreuve de force, Josey Wales Hors la loi, La Sanction, Breezy, L’homme des hautes plaines, Un frisson dans la nuit, De l’or pour les braves, Quand les Aigles attaquent, Le Bon la Brute et le Truand, Pour une poignée de Dollar, Et pour quelques Dollars de plus.
Kristol Séhec
Coffret Clint Eastwood Anthologie 50 films, 189,99 euros. Warner Home Vidéo. (pour le commander, cliquez sur l’image ci-dessous)
Photo : DR
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