Raphno évoque aujourd’hui l’arrivée de 12,5°, un nouveau magazine dédié au vin.
L’arrivée d’un nouveau magazine de vin
Dans le landerneau du vin, la naissance d’une nouvelle revue a de quoi susciter de grandes attentes tant la presse vinique se restreint à un tout petit nombre de périodiques. La fameuse RVF (Revue du vin de France) truste la majorité des ventes sur une ligne éditoriale très officielle, centrée sur la Bourgogne et le Bordelais. Après un certain déclin, de nouvelles recrues ( Pierre citerne , Valérie Raisin , Jean- Robert Pitte) ont permis de redresser la consistance des articles et de restaurer l’image d’un magazine de référence. Loin derrière, la très docte et austère revue du Rouge et le Blanc, bien écrite mais répulsive à l’envi avec sa maquette en monochrome digne d’un bulletin syndical .Enfin l’amateur des vins sudistes peut s’appuyer sur l’honnête Terre de vins pécialisé sur le Languedoc et la vallée du Rhône.
Alors face à de tels concurrents se disputant un lectorat plutôt limité, l’ambition du mook * «12.5°, des raisins et des hommes» de s’imposer dans le paysage éditorial de la presse du vin laisse suggérer l’apport d’une réflexion nouvelle plutôt réconfortante. Surtout que la publication, biannuelle, doit donner le temps nécessaire à la rédaction d’articles de fond et que de belles signatures apportent leur contribution (Dominique Hutin, Isabelle Saporta et Sylvie Augereau, transfuge de la RVF). Passé l’effet de séduction d’une maquette somptueuse agrémentée de splendides photos, la lecture attentive des articles se révèle frustrante à mesure que la superficialité se dévoile au fil de portraits incongrus et de sujets stériles aux airs de publi-reportages.
Morceaux choisis
Parmi les sujets les plus croustillants, cette interview du bien nommé Antoine Pétrus, sommelier du Clarence, se racontant avec grand sérieux sur un entraînement préparé par les négociateurs du RAID et du GIGN pour l’obtention du prestigieux concours du Meilleur Ouvrier de France (MOF). Faut-il conclure à la convergence pathologique entre la psychopathie d’un terroriste et le caractère monomaniaque d’un client de palace ? Toujours est-il que nos policiers d’élite peuvent visiblement s’accorder quelques extras entre deux prises d’otage… Un entretien assez lisse qui nous apprend que le baroudeur aux 500 domaines visités, en revient tout de même à l’excellence de bons vieux accords hautement démocratiques, au travers du service d’un Haut-Brion blanc 2002 à 700€ la bouteille (le vin de son employeur) sur un filet de sole de ligne…
Du même tonneau, l’article fantomatique et sans relief consacré à la très élitiste et luxueuse cave du George V, très éloignée de l’univers humble et artisanal auquel semble se réclamer l’édito.
Puis il y a cette rencontre avec un agent en vin, pompeusement surnommé « impresario de vignerons ». Pour Romuald Cardon, VRP de quelques domaines sans grande envergure, 3 pages de questions dédiées à un parcours banal. Le commerce du vin dénombre quelques milliers d’intermédiaires de ce genre et si leur travail au sein de la filière peut justifier un sujet , une enfilade de questions creuses du type : «un accords mets vin ?» «Un vin à léguer à vos enfants ?», «Votre cépage préféré ?», frise l’incorrection envers un lecteur délesté de 20€ désireux avant tout de s’instruire sur le vin.
Superficialité et grosses ficelles
Les portraits de vignerons réservent aussi leur lot de déceptions, d’autant plus grandes que les figures choisies sont très charismatiques et riches en enseignement. En tout premier lieu celle de Patrick Baudouin, orfèvre de grands liquoreux dans l’Anjou. Sa réflexion très aiguisée sur le concept très controversé de grand terroir, aurait mérité bien mieux qu’un petit survol de son travail de vigneron. Plus de matière certes sur les sujets dédiés à l’iconique vigneronne du Valais, Marie Thérèse Chappaz, ou aux chevaux de trait de l’Auxois, mais toujours cette surabondance de photos destinée à masquer l’indigence de la plupart des articles de la revue. Cette impression de remplissage par de multiples biais (photos, dessins, astuces de mises en page) au détriment du texte finit par devenir de plus en plus agaçante. Le procédé ne se cache même plus lorsque la revue tombe dans les pages «marmiton» avec d’énormes photos de plats assorties d’un court commentaire sur l’accord mets-vins. Un retour aux origines ? Sans doute, car la revue 12°.5 n’est qu’un triste avatar de la revue 180 °C dédiée à la cuisine, autrement dit, passez votre chemin ! Il n’y a rien à boire !!
Raphno
Mook : contraction de book et de magazine, en somme une revue hybride à mi-chemin entre le livre et le magazine, ce qui permet de vendre ce dernier beaucoup plus cher…
Photo : DR
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Une réponse à “Revue. « 12°.5 », un titre léger en alcool mais aussi dans le fond !”
Bravo, mon cher Raphno, pour cette démolition… De toute manière, rien ne dépassera jamais une visite de cave ou de cellier où, dans des verres sans pied, on « dégustait » la file des tonneaux jusqu’à ne plus très bien monter les marches du retour. Ah ! c’était le bon temps où les Jean-Robert ne venait pas encombrer les appréciations.