12/11/2016 ‑ 07H00 Washington (Breizh-info.com) ‑ L’identité collective est-elle une arme de guerre ? En tout cas, elle joue un rôle dans de nombreux conflits. C’est pourquoi la DARPA s’y intéresse. La DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), agence du ministère de la Défense des États-Unis, se consacre aux recherches relevant des technologies « émergentes ». Elle a joué autrefois un rôle capital dans la naissance de l’internet et se penche aujourd’hui sur des sujets comme la sécurité informatique, la robotique, la stimulation neuronale ou les micro-satellites.
Mais elle s’intéresse aussi aux sciences humaines. Elle a lancé au début de l’année le projet Next Generation Social Science (NGS2). Celui-ci vise à créer des méthodes et outils nouveaux qui serviront à « développer et valider des modèles causals des comportements sociaux humains ». Tout un éventail de disciplines scientifiques seront mises à contribution : sociologie, économie, sciences politique, anthropologie, psychologie, informatique, physique, biologie, mathématiques…
Dans le cadre de ce programme, la DARPA vient d’attribuer un gros contrat de recherche (3 millions de dollars sur deux ans, avec extension possible) à une équipe dirigée par le professeur Joshua B. Plotkin, de l’University of Pennsylvania. Son projet : « déterminer à quels facteurs obéissent l’apparition ou l’effondrement d’une identité collective dans les populations humaines ». Parmi les six chercheurs participant à l’étude figurent un Belge, Johan Bollen (University of Indiana), et un Britannique, Alexander Stewart (University College London).
Tous sont des spécialistes de l’étude des phénomènes sociaux à l’aide d’outils mathématiques ou informatiques. Le professeur Plotkin est connu en particulier pour ses travaux sur la biologie de l’évolution et la théorie des jeux. L’une de ses conclusions récentes : la coopération et la générosité ne jouent probablement pas dans l’évolution un rôle aussi important qu’on l’imaginait jusqu’à présent en se fondant sur le célèbre « dilemme du prisonnier ». Cette thématique ne paraît pas anodine. En cas de troubles sociaux majeurs, comme l’illustre Laurent Obertone dans son roman Guérilla (Ring, 2016), le risque numéro un est celui d’une disparition soudaine des relations d’altruisme : les gens se battront pour eux-mêmes ou pour leur famille mais ne risqueront pas leur vie pour leur nation ou pour la ville voisine. Il est fort possible que le volet « effondrement » (collapse) de l’identité collective tracasse davantage l’armée américaine que le volet « apparition ».
Les nouveaux outils permettront-ils de mieux cerner les contours de l’identité ? Ils devraient au moins renverser une partie des élucubrations psychologisantes qui obscurcissent la question.
Crédit photo : DARPA, domaine public, Wikimedia Commons
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