03/11/2016 – 07H00 Quimper (Breizh-info.com) – Héritière des faïenceries crées il y a plus de 300 ans à Quimper, Henriot perpétue la tradition et l’univers de la faïence bretonne façonnée et décorée à la main. Après bien des vicissitudes ces dernières années – vente à un investisseur américain, redressement judiciaire … – l’entreprise était reprise en 2011 par Jean-Pierre Le Goff, un ingénieur-mécanicien.
Se déclarant à l’époque « motivé par ses passions et son attachement à la Bretagne », le repreneur annonçait son credo : « Conserver vivante à Quimper cette usine-musée, en lui cherchant des niches.». Du luxe authentique et de haut de gamme, notamment grâce à de jeunes créateurs reconnus.
C’est sans doute pour l’illustrer que la faïencerie vient d’éditer une Marianne couleur chocolat noire, nue et aux lèvres pulpeuses, œuvre du « plasticien » Yannick Cohonner. Produite à 250 exemplaires, cette oeuvre presque caricaturale est proposée au prix de 500 €. Son créateur, sorte de sous Jeff Koons breton, n’en est pas à sa première provocation. En 2014 il avait déjà commis une autre Marianne de 4 mètres de haut à l’impressionnante poitrine et dont le modèle était une stripteaseuse. L’œuvre exposée dans le hall de la mairie de Quimper avait du être retirée rapidement.
La Marianne noire symboliserait «l’amour inter-communautaire» et «l’abolition de l’esclavage». Il s’agit selon Cohonner de célébrer la richesse culturelle de la France qui : « est tout sauf une Blanche catholique, c’est un pays athée, la Marianne est un super symbole. Être noir ce n’est pas quelque chose d’exotique, ce n’est pas être un citoyen à part, il a le droit d’être représenté».
Lors de l’Exposition coloniale de 1931, les faïenceries HB et Henriot présentèrent plusieurs pièces inspirées par l’Afrique dont une tête de Soudanaise due au sculpteur à Emile Monnier (photo). L’amateur d’art comparera :
Au cours du XXème siècle, les faïencerie quimpéroises ont toujours été dans l’air du temps. Dans les années 1920-1930, avec le réveil du nationalisme et de l’identité bretonne, elle produira alors des oeuvres d’artistes liés au mouvement des Seiz Breur. Abandonnant les « biniouseries », René-Yves Creston, Jorj Robin et bien d’autres rajeuniront la faïence de Quimper. Tout un travail collectif qui sera magnifié dans le pavillon de la Bretagne à l’Exposition internationale de Paris, en 1937.
Les « années sombres » de 1940-1944 virent les faïenceries quimpéroises se mettre à l’heure de Vichy et travailler pour l’occupant allemand. De nombreuses assiettes décoratives, plaques, blasons avec emblèmes ( ! ), pièces uniques pour être offertes à des généraux, leur permettront de boucler les fins de mois.
Aujourd’hui avec leur Marianne noire, les duettistes Jean-Pierre Le Goff et Yannick Cohonner tentent de complaire à la dominance culturelle parisienne bobo.
Pour l’un il s’agit de mettre son entreprise « dans le sens de l’histoire » et d’une bienpensance espérée rentable, pour l’autre de se faire un nom. Est-ce là le bon choix ? « Ils ont beaucoup à perdre » souligne un acheteur. « La clientèle Henriot, c’est aussi celle qui achète le bol avec prénom comme un signe d’enracinement et qui n’a pas envie de financer une entreprise qui se lance dans une politique qui ne correspond pas à son image initiale . Passer en moins d’un siècle d’un certain nationalisme breton et d’une bienveillance vis à vis de l’Allemagne, à une Marianne noire, il fallait oser ».
Jean-Pierre Le Goff vient d’annoncer la suppression de trois emplois de production pour la fin de l’année.
Photo : DR
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6 réponses à “Quimper. Faïencerie Henriot : de l’Exposition coloniale à la Marianne noire”
Citons aussi des artistes comme Dilasser et Olivier Lapicque, qui ont su donner à Henriot de vraies lettre de noblesses, avec élégance et talent. Il est vrai que de nos jours, seule la provocation est reconnue. Que J.P. Le Goff ne vienne pas pleurer quand Henriot sera à nouveau en difficulté (ce que je souhaite!) tant il aura bafoué la tradition de cette entreprise……
On ne peut pas souhaiter qu’Henriot soit en difficulté (il y a des employés et donc des familles qui vivent de cette entreprise).
Par contre, rien ne vous oblige à acheter cette Marianne, qui plus est une Marianne en Bretagne faut qu’en même pas exagérer.
Si les Français achètent cette Marianne parce qu’elle leur plait, c’est bon pour les exportations bretonnes… Donc, de quoi nous plaignons nous?
Intéressante mise en perspective. Les faïenceries quimpéroises ont donc toujours été dans l’air du temps, subordonnant leurs créations à l’existence d’une demande — ce qui n’est après tout que du marketing bien pensé. Mais avec cette Marianne noire, j’ai l’impression qu’elles arrivent à contre-temps. La préférence étrangère était à la mode voici quelques années, beaucoup moins aujourd’hui. Heureusement, le catalogue des faïenceries est large, on peut espérer que la présence de cette Marianne noire ne nuira pas au reste de leurs collections.
Mais je te jue, j’étais betonne avant la maée noie ! Non, y a pas bon …
Les dernières « créations »…….. « by Henriot »………c’est plutôt …. »bye bye Henriot »……..
JP Le Goff voulait en 2011″conserver vivante à Quimper cette usine-musée en lui cherchant des niches » Il a peut être le sens de l’humour…