Par Michel Lhomme, philosophe, politologue , via Metamag.
Pour le système, la seule opposition demeure le Front National. Mais est-elle une opposition crédible ? N’est-ce pas un FN fantasmé, un FN « spectaculaire » au sens de Guy Debord, un « simulacre » au sens de Jean Baudrillard? Ne nageons-nous pas en pleine fiction politique ?
Le slogan de campagne du Front National a été dévoilé : c’est La France apaisée. Il y a mieux. On a même entendu parler de « l’islam laïcisé par les Lumières ». On aura donc eu trois mois de silence de Marine Le Pen pour écouter, quelque peu médusé, le discours de Brachay , à savoir un discours assimilationniste sur l’immigration, la ressucée putride d’un ancien discours chevènementiste, qui nous renvoie en fait à ce que la France n’est déjà plus et qui n’est tout simplement plus réalisable en raison du clivage définitif du pays entre France périphérique et France urbanisée, cette France malheureuse et ravagée, déformée et laide, si bien décrite et analysée par Christophe Guilluy. Florian Philippot nous servant en quelque sorte les fiches jaunies de son mentor Paul-Marie Couteaux jamais remises à jour.
La France attend pourtant du Front National non des larmes mais des poings, non l’assimilation mais l’expulsion des réfugiés. Marine s’entête à croire encore le multiculturalisme possible, à rêver d’une patrie réconciliée avec elle-même et elle refuse les slogans radicaux. On nous rétorquera qu’il faut toujours atténuer le discours pour conquérir le pouvoir. C’est faux : Sarkozy le bateleur de Neuilly le sait bien qui a presque été plus loin dans sa campagne des primaires dans la surenchère identitaire que le Front National lui-même.
Alors on peut s’interroger : le Front national prépare-t-il vraiment les Présidentielles pour les gagner ? Prépare-t-il d’ailleurs les Législatives qui suivront en sélectionnant son personnel ? En validant la nouvelle France (le mariage gay et le burkini), le Front National ne devient-il pas un faux parti de rupture dont on pressent déjà qu‘il se couchera devant le bloc de constitutionnalité ou la laïcité positive ( l’interdiction de la croix dans l’espace public) ?
Le Front National est devenu un parti sans nom propre : c’est le « Rassemblement Bleu Marine » ou « les Estivales de Marine » qui de plus, malgré des propositions intéressantes de la société civile comme le club Croissance Plus ne présente rien de concret comme programme économique.
Il faudrait, nous suggère-t-on, choisir le « social » contre le capital alors que le peuple français est justement ruiné par le social et l’assistanat. L’élection se jouera sur l’identité mais qui veut l’emporter haut la main devrait aussi proposer des réformes ambitieuses en remettant tout à plat.
Il y a dans le programme non renouvelé du Front National, une autre cause d’échec prévisible, c’est le maintien de l’idée d’une sortie de l’Euro ? Marine après le Brexit la croit plus que jamais possible et nécessaire. Sauf que c’était avant Visegrad et l’espoir, à savoir cette possibilité nouvelle qui est apparue de changer l’Europe de l’intérieur . Višegrad, c’est en effet en Europe centrale (Tchéquie, Slovaquie, Hongrie, Pologne mais aussi Croatie et demain l’Autriche), la possibilité d’une réouverture de puissance et d’autonomie au sein de l’Europe, l’accouchement d’une nouvelle Europe qui ne sortirait pas de l’Union mais la changerait et la transformerait.
Avec Višegrad , il y a l’urgence immédiate pour le Front national d’infléchir son discours nationaliste et jacobin vers un discours européen alternatif et non bassement souverainiste celui de l’Europe des patries. Le salut français ne viendra pas du Brexit, mais d’une nouvelle alternative européenne se moulant dans les institutions déjà construites.
On doit en tout cas en faire à l’heure présente le pari. Il faut pour cela définitivement sortir à la fois du nationalisme gaullien et de l’atlantisme pour penser qu’on puisse agir dans l’Europe au-delà de la sécession ce qui effectivement n’était pas possible avant la crise des réfugiés. L’Europe parce qu’elle est envahie et instrumentalisée par l’Otan, est de nouveau en marche et cette Europe là ne se contentera pas d’assimiler l’inassimilable.
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10 réponses à “Le Front national : un parti sous cellophane”
Le FN n’est certes pas très radical mais il l’est toujours plus que les républicain ou le PS.
Avoir un programme clair avec des réforme ambitieuse c’est clivant et donc cela fait perdre des voix.
C’est pour cela qu’aucun parti n’a de programme économique détaillé.
Oui c’est vrai qu’à choisir entre la tambouille antinational et le FN alors le Front est préférable de loin, l question est plutôt de savoir de quel Front on parle, pour l’instant il n’y a rien chez MLP qui ne soit de nature à vraiment changer les choses, ce n’est pas avec l’assimilation et la sortie de l’euro que l’on va sauver le peuple français…
D’accord sur la « mollesse » identitaire du FN. Mais c’est important de mettre le paquet contre l’UE, les USA, l’€ et l’OTAN.
Il faut arrêter d’espérer quoique ce soit des autres pays européens. Nous ne devons compter que sur nous-même. #Visegrad
@ARousseau29 Non, Le slogan du #FN est #AuNomDuPeuple.
Nous avons 5 à 7 millions de musulmans dans le pays dont la quasi totalité sont français. Que faire ? Ouvrir des camps de concentration ? Ce problème ne pourra être résolu que dans la durée, à un horizon de 20/25 ans (une génération). Pour l’heure, quelle solution que de faire le dos rond et de mettre en route une politique laïciste respectant notre culture judéo chrétienne ? Je trouve la position de Marine Le Pen raisonnable et rassurante.
Ce papier me semble aussi réaliste que la position du FN ! Rester dans l’Europe, mais sortir de l’OTAN, est-ce vraiment réaliste. Rester dans la zone € et vouloir changer celle-ci : désolé de le dire, mais c’est n’importe quoi…
Effectivement, on peut s’interroger : le Front national prépare-t-il vraiment les Présidentielles pour les gagner ?
J’ai le sentiment qu’il dérive de plus en plus !
Faire le pari de la transformation de l’Union Européenne de l’intérieur ? Voilà un pari bien osé sur lequel je ne miserai pas un kopek.
En 1999, Charles Champetier écrivait dans la revue Eléments qu’on se devait de préférer une »mauvaise »Europe à l’absence d’Europe et il ajoutait : »l’Union Européenne n’est pas si mauvaise que cela ». Il pensait lui aussi que l’UE ne pouvait que se bonifier et avoir des effets positifs, malgré tout. Ce que nous constatons, c’est très exactement le contraire. Plus elle prend de l’âge et plus elle apparaît pour ce qu’elle est : un monstre froid au seul service des compagnies transnationales (la collusion des dirigeants bruxellois avec ces dernières a été magnifiquement illustrée récemment par la nomination de Barroso à un poste prestigieux chez Goldman-Sachs; son successeur, l’intempérant Jean-Claude Juncker, s’est illustré en bâtissant un paradis fiscal au coeur de l’Europe, pour le plus grand bien des compagnies transnationales et des très riches). Les pays d’Europe centrale et de l’est restent au sein de l’UE parce qu’ils profitent, pour l’instant, des subventions bruxelloises mais ces pays très dépendants financièrement de Bruxelles pourront-ils provoquer un changement radical de l’Union Européenne ? Rien n’est moins sûr, parce que la caste qui dirige cette organisation non seulement a-démocratique mais désormais clairement anti-démocratique a des réflexes autoritaires de plus en plus palpables. Il est très probable que la radicalisation autoritaire de l’Union Européenne va provoquer son éclatement comme le pressent très justement le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz qui a pu observer de très près la camarilla bruxelloise. Nous sommes gouvernés par une bande de fanatiques (fanatiques du marché, de la mondialisation, de l’ouverture à l’autre, du métissage….) dont les intérêts personnels sont étroitement liés à l’existence de cette organisation calamiteuse (il en va de même pour leurs complices installés dans les capitales nationales). Ils iront jusqu’au bout de leurs intérêts, dussent-ils provoquer la disparition de l’UE; la réalisation d’une autre organisation européenne passe sans aucun doute par la sortie de l’UE.
« Le peuple français est justement ruiné par le social et l’assistanat. » À mon avis plutôt par les compagnies étrangères, américaines surtout qui « optimisent fiscalement ».Chaque année, les 4 plus grosses entreprises du web ( Google, Amazon, Apple et Facebook) volent ainsi 500 millions à 1 milliard d’€ à la France.