Les milieux économiques se sont émus des conséquences possibles de la visite de Vladimir Poutine à Istanbul le 11/10, dans la suite de sa participation à la World Energy Conference. Il y a rencontré Recep Erdogan, la 3e fois depuis sa réconciliation avec lui durant l’été. A la suite de quoi Poutine a annoncé que la Russie était prête à rejoindre l’OPEC dans le projet de cette dernière visant à limiter la production de pétrole afin de relever les prix. Ce projet pourrait être finalisé avant la fin de l’année.
Il a déclaré, au contraire de sa politique précédente visant à produire le plus de pétrole possible afin de soutenir l’économie russe, que le « gel et même la décision définitive visant à bloquer la production de pétrole était une bonne décision et que la Russie était prête à à s’y joindre ». Il a exhorté les autres producteurs de pétrole, notamment ceux non-membres de l’OPEC, à faire de même. L’OPEC avait annoncé que ce blocage pourrait permettre de liquider les stocks et rééquilibre le marché mondial du « brut ».
Immédiatement le prix de celui-ci s’est élevé jusqu’à 53 dollars le baril, le plus haut jamais atteint depuis deux ans. Le ministre de l’énergie saoudien Khalid Al-Falih, s’est dit optimiste concernant la prochaine réunion de l’OPEC le 30 novembre. Il a jugé possible prochainement le prix de $60 le baril. Jusqu’ici, la position saoudienne avait été de continuer à produire, quelles que soient les pertes en résultant pour le Royaume, afin de maintenir des revenus suffisants, et aussi, avait-on dit un moment, afin de rendre moins rentable l’exploitation de gaz de schiste aux Etats-Unis. Il en était de même de la position russe antérieure. Moscou hésitait à limiter sa production, afin de ne pas se priver de revenus indispensables.
La hausse possible du prix du baril aurait des conséquences certaines sur les autres économies, notamment européennes. Des hausses de prix en résulteraient immédiatement, notamment dans le domaine du transport. Mais en contrepartie, la recherche et la production de sources alternatives en deviendraient plus attractives. Il en serait de même dans le secteur du nucléaire. En France, la décision devrait être bien accueillie.
Au plan géopolitique, la déclaration de Poutine, approuvée par le ministre saoudien, semble illustrer un rapprochement plus accentué que jusqu’à présent entre Moscou et Riyad. Ce rapprochement avait déjà été visible lors de la conférence de Hangzhou en septembre et avait vivement inquiété Washington. Celui-ci avait fait de l’Arabie saoudite un élément important de sa politique armée au Moyen Orient, visant à éliminer Bashar al Assad et à chasser la Russie de ses bases en Syrie, notamment de Tartous.
Jusqu’ici, pour sa part, la Russie n’avait pas vu de contradiction dans sa politique visant à favoriser un axe chiite dans la région, avec notamment un rôle essentiel dévolu à l’Iran, et celle d’entretenir de bons rapports avec l’Arabie Saoudite. Certes, un accord russo-saoudien sur le niveau de production du pétrole ne pourra pas laisser Téhéran indifférent; sa politique était jusqu’à présent de produire le plus de pétrole possible.
L’Iran est membre de l’OPEC. On verra donc la position qu’elle adoptera lors de la prochaine réunion. Mais l’on peut penser qu’elle sera sensible à la nécessité de maintenir de bonnes relations avec Moscou, vu l’hostilité larvée, sinon ouverte que continuent à lui manifester Washington et ses proches alliés.
Jean Paul Baquiast
Source : Europe solidaire