Morgann Katioucha (Dompter le diable) : « l’Homme est un être de la guerre. Par nature. » [ interview]

19/09/2016 – 07H30 Bretagne (Breizh-info.com) – Les éditions du Toucan ont publié, en mars 2016, un ouvrage qui n’est pas passé inaperçu en Bretagne : « dompter le diable » de Morgann Katioucha.

Le roman raconte l’aventure vécue par un jeune Breton, amoureux, paumé, aventurier, idéaliste, plongé dans la guerre des Balkans. Avec un ton saccadé, concis, tranchant, l’auteur – dont c’est le premier ouvrage – nous embarque dans une virée sanglante, violente, en Krajina, République serbe autoproclamée située entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Mais également en France, à son retour, où il n’a plus d’autre choix que de sombrer dans le grand banditisme.

« Dompter le diable », c’est une sorte de « voyage au bout de l’enfer », un livre qui se lit d’une traite et qui finit par laisser comme une écorchure, tant il est incisif et trash.  Et c’est le premier livre de Morgann Katioucha, qui devrait, s’il continue dans ce style qui possède incontestablement son public, percer dans le monde littéraire. Nous l’avons interrogé (ci-dessous) , lors d’une interview sans faux semblant, durant laquelle notre Tyler Durden breton s’est « lâché ».

Résumé de l’éditeur :

« C’est comme ça qu’on s’est quitté. J’allais « combattre les fascistes »…eux ils retournaient à la fac. A Rennes, la maudite… 4 septembre 1993. On était dans les environs de Zadar. République Serbe de Krajina, la « RSK ». Derrière, dans les montagnes là-bas, c’était parti la lambada. L’entre-massacre consciencieux. Et pas au lance-pierres ! Alors ça m’a pris comme ça, la bravitude. Ce matin. Dejana m’avait amené à un officier. Enfin un officier… En 93, c’était un peu la fête à la médaille dans les milices serbes. Tout le monde était un peu « quatre étoiles » là-dedans. On pouvait faire rapidement carrière. C’était l’époque ! Mais vue l’ambiance dans les balkans, elle pouvait être courte…

M’ont accepté. Tu parles ! Surtout en Krajina ! La chasse à courre ! Pas de tri ! Prenaient ce qu’ils avaient. A peine regardé, l’officier. Un grand maigre. Et tout roux. Même les cils ! Roux ! A faire dégueuler un rat ! Direct, m’a collé un Mauser. Walther G43. Semi-Automatique. Bidule ramassé sur les champs de bataille de la guerre de 100 ans. Comme ça ! Dans les pognes ! Pas de discours, d’explications, de « formation ». « T’appuies là ». Et encore c’était en Yougoslavitch. Fallu que Dejana me traduise. »

Dompter le diable – Morgann Katioucha – Editions du Toucan – 15€

 Entretien avec l’auteur :

Breizh-info.com : Pourquoi replonger, 25 ans après, dans le conflit en ex-Yougoslavie ? Les cicatrices du passé sont-elles à réouvrir ?

Morgann Katioucha : L’ex-Yougoslavie était une fable. La fable d’une « fédération heureuse » de peuples disparates aux intérêts divergents. Elle a éclaté comme éclatent toutes les constructions artificielles. Dans les faits, le poids culturel et politique des Serbes était supérieur aux autres peuples de la « lumineuse Yougoslavie ». Ce livre, en vérité, est une anticipation. Je pense que « l’expérience Yougoslave » et sa fin malheureuse préfigure les futurs conflits en Europe et particulièrement dans l’État français.

Breizh-info.com : Vous avez choisi un ton saccadé, presque argotique , pour quelles raisons ?

Morgann Katioucha : 
Parce que je ne sais pas écrire autrement. J’écris à l’instinct et je pense que l’homme occidental a beaucoup perdu de son instinct.

Breizh-info.com : Qu’est ce qui pousse un jeune étudiant rennais, gauchiste, à partir du jour au lendemain se battre dans une région dont il ne maîtrise rien ?

Morgann Katioucha :   Contrairement à 99% des gauchistes (que je distingue des gens de gauche) qui sont des fils à papa ayant juste des problèmes avec leur père médecin, mon personnage ira au bout de ses idées. Ça ne l’empêche pas d’être un solide bon-à-rien dans un premier temps, complètement dépassé par les événements.

Le « gauchiste » de gauche comme de droite (car le gauchisme est une attitude qui se retrouve de tout les côtés de l’échiquier) fait des lois à la fac sur le Chiapas ou la Palestine (pour la gauche) ou sur le Donbass et – encore – la Palestine (pour la droite) et se resserre une bolée en disant « putain ça me bouffe, faudrait faire quelque chose ».

Finalement il ne fait rien et à 30 ans, il vient travailler au cabinet d’architecte de Papa tout en continuant à lire Libé ou Rivarol. Une minuscule minorité va au bout… Ensuite les raisons de cet engagement peuvent varier, parfois ils arrivent à la riflette malgré eux… Sur un malentendu…

Breizh-info.com : Votre histoire démontre que tout n’était pas blanc ou noir dans un camp ou dans un autre. Pourquoi l’Europe de l’Ouest a-t-elle menti, déformé ce qu’il se passait là bas ?

Morgann Katioucha :  Dans aucun conflit, il n’y a un méchant et un gentil, il n’y a que des choix que chacun fait de prendre fait et cause pour un tel ou un tel. Qui est le bon et le gentil en Palestine ? En Irlande du Nord ? En Syrie ? Au Donbass ? Etc. Chacun fait le choix de trouver que tel ou tel camp est « le bon », car chaque camp à sa logique propre, sa martyrologie, son indignation imparable.

Mon personnage choisit les Serbes car il se trouve en Krajina et qu’il trouve une charmante serbette. Il faisait trois rues de plus et il tombait sur une croate avec d’aussi beaux atours qui lui aurait chanté « l’injustice que subit son peuple » sur le même ton.

Chacun dans sa vie fait des choix. Vous êtes nationaliste breton ? Basque ? Corse ? Catalan ? Ce sont des choix qui se comprennent autant que ceux d’un jacobin pur et dur qui veut défendre sa France et son histoire bi-millénaire. Ce que je n’arrive pas à comprendre, par contre, ce sont les bretons/basques/corses/occitans qui défendent des positions jacobines françaises… ça, ça dépasse mon entendement. Un ressortissant de l’Eure-et-Loir je comprend parfaitement, un Breton jacobin, je ne comprend pas. Quelqu’un qui aime se faire humilier sûrement…

Breizh-info.com : Votre histoire a également été celle de volontaires français partis se battre aux côtés des Croates, souvent pour la même soif d’aventure, mais dans l’autre camp. Qu’est ce qui différencie votre personnage, gauchiste, communiste même, des nationalistes du GUD partis sur le même front ?

Morgann Katioucha :   Tout à fait ! Il y a des activistes, des paumés, des doués, des pas trop doués, des héros, des bouinous sur tous les théâtres d’opération. Et ce depuis toujours. La guerre d’Espagne était, par exemple, pleine de ces aventuriers. Des deux côtés de la barricade !

Breizh-info.com : Aujourd’hui, il semblerait que la guerre en Ukraine et en Novorossia ait attiré à elle son lot d’aventuriers, jeunes et idéalistes. L’Europe de l’ouest n’a t-elle à ce point plus aucun idéal pour transcender la jeunesse ?

Morgann Katioucha :  L’Europe de l’Ouest a subi une vague de féminisation depuis les années 60. Attention, je différencie le féminisme de la féminisation. Le féminisme a été une réaction salutaire contre le patriarcat omnipotent et sénile qui dominait la civilisation européenne depuis toujours.

L’hystérisme féministoïde que nous connaissons aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce mouvement légitime ! Les féministes actuelles ne vivent pas la féminité comme un complément indispensable à la masculinité, elle se vivent comme l’ennemi de l’Homme, cet être misérable, patriarcal, nazi par nature.

Ça a fait du bien aux hommes de faire la vaisselle et de lâcher le carnet de chèques, mais aujourd’hui on leur demande d’abandonner leur masculinité pour être des femmes comme les autres. Et les femmes se comportent comme les blaireaux qu’elles dénonçaient dans les années 30 ! Belle avancée ! La Femme est effectivement l’égal de l’Homme. Aussi con, dictatorial et nombriliste que le bourgeois flaubertien.

Pour revenir à votre question : l’homme est un être de la guerre. Par nature. Un match de foot, un combat de boxe, un challenge professionnel, une rivalité quelconque, un défi. C’est con, c’est idiot, cela nous ramène à notre nature animale mais c’est comme ça. Or en Occident, l’homme ne sait plus ce qu’est la guerre.

Attention, la guerre telle que je l’entend n’est pas obligatoirement une guerre avec des armes et des destructions. Les ingénieurs qui ont travaillé sur le robot Philea (qui a été faire un tour sur la comète Tchouri) ont été en guerre, les chercheurs qui travaillent sur l’ADN, contre le SIDA, le cancer sont en guerre.

J’irai même jusqu’à dire que les moines qui aspirent à une vie de contemplation sont en guerre. En guerre intérieure mais en guerre quand même. Je rappelle également le titre du film « la guerre est déclarée » qui raconte le combat de parents contre la maladie de leur enfant.

Mais quelle guerre mène un homme qui travaille 8 heures par jour dans son usine de plasturgie et passe ses soirées entre l’apéro, les jeux vidéos et un peu de télé ? Certains s’en accommodent très bien, d’autres ont besoin de transcendance. D’avoir un but. De tester leurs limites. L’Occident actuel, je l’ai dit, est féminisé à l’extrême. Métro-sexualisé. Attaqué de façon de plus en plus violente mais prônant des valeurs de moins en moins viriles. Je pense que tout cela va contre la nature profonde de l’Homme. Certains vont donc chercher leur destin ailleurs.

dompter_diable

Breizh-info.com : La chasse aux Pokemons et le concert de rap du samedi soir ne seraient donc pas satisfaisants pour une partie de la jeunesse européenne ?

Morgann Katioucha :  Le rap ? Mais le rap parle viril ! Le rap actuel est une abomination, bien entendu. Capitalisme sauvage, machisme total, bêtise ras du sol, etc… mais tout ça n’est pas plus idiot que les Rolling Stones et les 100 000 nanas que s’est prétend s’être fait le chanteur d’AC/DC au final. Au moins, le rap ça sent un peu la testostérone.

Que propose le rock ‘n roll ou « la chanson française » comme alternative ? Des métro-sexuels à moitié tapette, alcooliques, drogués, étalant leur dépression et leur vide existentiel, parlant de leurs histoires d’amour ratées, leurs branlettes misérables. Pfffff, effectivement si j’étais un jeune immigré je n’aurais sûrement pas envie d’écouter toute cette gnangnanterie décadente.

Attention, je ne prône pas ici des valeurs viriles « gros muscles », etc. A mes yeux, un mathématicien qui repousse les limites de la connaissance fondamentale et qui bouscule ses pairs est aussi « velu » qu’un alpiniste ou un boxeur. Pour prendre des exemples extrêmes, je pense que le mathématicien russe Grigori Perelman, qui révolutionne la science tout en méprisant la société du spectacle et les codes et valeurs du turbo-capitalisme est l’un des derniers hommes.

A contrario, les plupart des sportifs gonflés à la testostérone, aux attitudes de racailles et aux discours lénifiants n’ont -au final- rien dans le froc. Même constat pour certains « identitaires » qui confondent alcoolisme chronique et virilité.

A bien y réfléchir je pense d’ailleurs que Grigori Perelman est LE dernier vrai homme de cette planète.

Breizh-info.com : Votre personnage est engagé très à gauche dans votre ouvrage. Se reconnaîtrait-il dans la gauche d’aujourd’hui, qu’elle soit celle du Parti socialiste, ou dans l’extrême gauche de Mélenchon ou des Autonomes par exemple ?

Morgann Katioucha :   Là aussi, je vais être très clair : la gauche actuelle a abandonné les classes laborieuses et s’est trouvé un prolétariat de remplacement : les femmes (qui n’avaient rien demandé), les minorités sociales et les immigrés.

C’est tout à fait simple : jusque dans les années 80, l’immigration était anecdotique, donc la problématique de l’immigration était anecdotique. Les classes populaires étaient encadrées par le Parti Communiste et ses succursales (CGT par ex.) et par l’Eglise. Il serait tout à fait fallacieux de refaire l’Histoire à ce sujet. Je prends un exemple : L’affaire de Bruay en Artois entre 72 et 73. Un crime commis dans un coron du nord. Un bourgeois local accusé du meurtre d’une fille d’ouvrière. Les organisations d’extrême-gauche de l’époque -les maos notamment- rêvent d’en faire un exemple, de « justice du peuple », etc… au final, tout cela tournera court, les mineurs du nord de l’époque étaient « travaillés » par le PCF bien entendu, mais étaient, en même temps, profondément chrétiens… et absolument pas gauchistes !

Le PCF comme l’Église avaient tort sur beaucoup de choses à l’époque mais ils AIMAIENT le peuple. Ils se trompaient (état réel de l’Union Soviétique, stalinisme, rapports trop étroits entre le pouvoir économique et le clergé, par exemple) mais de bonne foi, si j’ose dire. Aujourd’hui les organisations de gauche et notamment gauchistes (PCF inclus qui a repris toutes les thématiques qu’il vomissait en 68) détestent le peuple. Le peuple de souche s’entend. Pour un gauchiste de fac ou un mec du NPA aujourd’hui le « peuple » c’est un gros mot qui ressemble à populisme. Le boucher-charcutier ou l’ouvrier métallurgiste, il a souvent un point de vue critique sur l’immigration, sur l’islam sur toutes les « innovations sociétales » que Thorez (et surtout son épouse Jeannette Vermeesch !) aurait condamné au goulag dans les années 50 et c’est « mal ». Aujourd’hui, toutes les études le disent, les classes laborieuses votent massivement Front national. C’est un drame et c’est l’entière responsabilité de la gauche.

Donc, les petits-bourgeois qui composent massivement les orgas d’extrême-gauche, déçus par ce peuple, cet odieux prolétariat ont décidé de « changer de classe héroïque ». Désormais, à leurs yeux de petits bourgeois névrosés, le nouveau prolétariat ce sont les immigrés, les femmes, les transsexuels… Mais tout cela était déjà contenu dans la littérature dite « mao » post-68arde. Relisez « l’enfance d’un chef » de Jean-Paul Sartre par exemple. Mao disait fort justement que « l’existence sociale des hommes détermine leur pensée ». Aujourd’hui, les petits-bourgeois ont transféré leurs fantasmes, les fantasmes de leurs existences et de leurs désirs dans leurs revendications politico-sociétales. Jusque dans les années 70, on faisait la Révolution sociale et politique (« rupture avec le capitalisme » Mitterrand,  « guérillas » d’extrême-gauche européennes).

Aujourd’hui, la Gauche, qui est devenue l’hémisphère gauche du Turbo-capitalisme et de la Méga-machine, n’ose plus rêver de changement économique et fait la révolution à la maison et dans les slips. Elle ne s’occupe donc plus des classes laborieuses (terme que je préfère au « prolétariat ») qu’elle considère comme des classes en déclin et projette ses fantasmes de « changement de l’Homme » sur les « minorités » théorisées par Michel Foucault qui était l’archétype parfait de cette bourgeoisie dégénérée et névrosée. Il est cocasse d’ailleurs d’analyser la phraséologie gauchiste depuis 30 ans. On était avant dans la « dictature du prolétariat », on est depuis des années dans le « citoyennisme », le « participatif », « l’autrementisme » (voir les intitulés des listes aux élections : « Ploudalmézeau autrement » ou -plus largement- les mots d’ordre genre « pour une autre politique », la « mondialisation autrement », etc….sans jamais s’aventurer à définir précisément cet « autrement »).

Mais, si tout ce petit cirque fonctionne bien avec les « femmes opprimées », les homos et autres LGBTQI etc., c’est à dire la moitié des « nouvelles classes héroïques », je rigole de la confrontation du réel entre les petits bourgeois gauchistes et leur folklore et les masses immigrées. Confrontation qui a lieu actuellement d’ailleurs, dans cette ère post-Charlie ! Et le réveil est souvent difficile ! Je propose d’ailleurs de donner immédiatement le droit de vote aux immigrés (après tout ce sont des « citoyens » !), à TOUS les immigrés pour voir grandeur réelle s’ils votent pour Europe Ecologie Les Verts ou Mélenchon ! Après tout, la gauche de la gauche pourrait ainsi reconquérir Roubaix, Marseille, etc. Chiche !

Le pire de tout est que les « chances pour la France » que sont les djihadistes se sont majoritairement, dans leurs attentats, attaqué à ceux même qui se consument d’amour pour eux : Les Charlies, les jeunes et bobos du Bataclan, … mais heureusement, ces derniers, pétris d’amour et de compassion refusent de leur « donner leur haine » et continuent à les aimer d’un amour incompris.

La question de l’immigration est, en fait, devenue en quelques années, l’impensé de la politique française. Il n’est pas possible d’en débattre sereinement dans les organisations de gauche puisque la moindre phrase déclenche un réflexe pavlovien « ouah raciste, ouah nazi, ouah islamophobe« . La gauche est donc totalement déconnectée du peuple, des classes laborieuses, en insécurité culturelle et économique, et, de fait, a laissé toute la route au Front national.

Et le Front national marino-philippiste  ayant su se doter d’un discours néo-gaullien, très tactique, sur le sujet et non pas « bas du front », retire tous les fruits de cet abandon. J’irais même plus loin, la gauche de la gauche (je ne parle pas du PS qui n’est pas à gauche bien évidemment) a perdu TOUTE possibilité de « changer le monde », de renouer avec le peuple en tenant mordicus à son discours pleignard et démagogique sur l’immigration. Aujourd’hui il y aurait normalement un boulevard pour Mélenchon mais Mélenchon tient un discours sur le sujet à contre-courant de l’opinion de son électorat potentiel. Résultat, il ne parle qu’aux bobos et aux permanents politiques ou syndicaux. Et fait un score en rapport.

Je pense même que le sujet est plus grave parce qu’il touche au psychiatrique. En parlant avec des militants de gauche, des délégués CGT, on s’aperçoit qu’ils ont un discours sur l’immigration qui est du Le Pen père dans le texte. Mais ce discours, ils vont le tenir en privé. En public, dans un cadre militant notamment, ils tiendront le discours totalement inverse. On est dans une schizophrénie politique grave.

Je m’entretenais récemment avec un journaliste. Son discours, en privé, était du Zemour pur jus alors que ses écrits sont exactement l’inverse : la peur d’être « stigmatisé » dans son milieu professionnel. En fait, « padamalgame », « chancepourlafrance », « fopastigmatiser » sont des mantras mais… personne n’y croit plus. Personne. Même ceux qui les récitent.

Donc, je suis effectivement de gauche. Profondément, oui ! Mais de la « gauche populaire ». Et je m’inquiète beaucoup, en tant que Breton de la montée du Front national. A propos, est-ce que Marine Le Pen, qui en fait des tonnes sur le patriotisme franchouillard est vraiment française ? Je vois plutôt la fille d’un breton (même si considérer J.M. Le Pen comme Breton est une idée bien dévoyée de la bretonnitude) et d’une Occitane, c’est à dire deux nations annexées par la France et considérées jusqu’au début du XXè siècle comme des « provinces étrangères » (à la France jacobino-parisienne). C’est peut-être pour cela que madame Le Pen en fait, elle aussi, des tonnes sur la « grande patrie française »…

Je suis donc de gauche mais je préfère « mal penser » avec Monique Besnard, caissière à Loudéac que de « bien penser » avec Clémentine Autain.

Breizh-info.com :  Une flopée de jeunes convertis à l’islam (ou musulmans d’origine) sont partis également se battre en Syrie, et pour certains sont passés du statut de racaille de cité à bourreau criminel de guerre… Est-ce le même schéma mental qui les a guidés selon vous ?

Morgann Katioucha :  Alors je vais être tout à fait clair : aujourd’hui les jeunes immigrés de nos banlieues sont, pour beaucoup, des névrosés identitaires. Pourquoi ? Parce que tout peuple, tout segment humain se construit, de générations en générations, sur une histoire, des mythes, une martyrologie. Tout cela constitue une superstructure identitaire et personnelle. La France actuelle, par exemple, s’est construite sur la Résistance, le CNR, L’appel du 18 Juin, l’armée des ombres, Jean Moulin, puis « la France reconstruite », les 30 glorieuses, etc… L’Irlande s’est construite sur d’autres bases (la guerre de Libération nationale, l’idéal républicain, etc…), la Russie sur la « guerre patriotique contre le Reich », l’ex-Yougoslavie également (le « partizan »), …

A côté de ça, sur quoi s’est construit le jeune Algérien ou Français d’origine algérienne ? La « guerre d’Indépendance » qui s’achève en 62, le FLN, Le 1 million et demi de Shahids, etc… Ok ? Officiellement la glorieuse révolution algérienne gagne la guerre contre la 5è puissance mondiale le 19 mars 1962. Un mois plus tard, les premiers réfugiés économiques arrivent chez l’ancien colonisateur honni ! Prenant les mêmes bateaux que les Pieds-Noirs, c’est à dire les colons ! Plus de 50 ans après, l’Algérie est en ruine, les jeunes Algériens -qui ont été bercés par les exploits de leurs grands-pères sur « leur guerre contre les Français »- ne rêvent que d’une chose : avoir un visa pour s’installer en France.

Même le président Bouteflika vient se faire soigner chez l’ancien colonisateur ! Depuis 50 ans, l’Algérie indépendante n’a même pas été foutue de mettre en place un système de santé qui marche. Je précise que Cuba a l’un des meilleurs système de santé au monde tout en étant soumis à un embargo depuis le 3 février 62 (Un mois avant la victoire de la « glorieuse révolution algérienne » !). Imaginez de Gaulle allant se faire soigner la prostate à Berlin en 1969 alors que Hitler ou le régime nazi serait toujours au pouvoir !

Les Algériens « de France » ont dû se construire avec ça depuis 62. Un pays rêvé, fantasmé quand on vit dans une banlieue française, une « nostalgérie », mais un État failli, un pays de loosers, incapable de nourrir ses enfants et de leur proposer un avenir. C’est terrible de dire ça, mais c’est la vérité. Et beaucoup d’intellectuels algériens ne cachent pas cet état de fait. Dès que quelque chose va mal en Algérie, les autorités FLN ont coutume de se répandre sur « la France » qui intrigue d’une manière ou d’une autre, etc. La vérité c’est que les Algériens ont gagné la guerre mais ont perdu la paix. Ils ont été incapables de gérer leur indépendance. Imaginez que votre grand pépé qui vous a raconté sa guerre 39-45 de long en large soit actuellement en train de rêver à son merveilleux Limousin dans une banlieue miteuse de Cologne, lupen-prolétariat loosifié et que vous soyez, vous-même, arrivé dans les bagages et laissé là comme un gland. Quelle est votre construction identitaire ? Votre mythologie interne ? Quel regard avez vous sur votre peuple et, partant, sur vous-même ? Les Irlandais ont vécu ça après l’Indépendance également mais 10 ans après, le pays était parti sur les bons rails !

Et le Maroc ? Le roi est considéré comme le commandeur des croyants par ses sujets, son portrait est partout. Et pourtant, son pays est une misère économique. Ne parlons pas de l’Afrique Noire. Je vais désoler les tiers-mondistes mais le Tiers-Monde actuel ne rêve que de côtoyer les anciens colonisateurs. C’est un terrible constat d’échec. Et la source de beaucoup de nos problèmes actuels. Effectivement vous me direz, « on a été les chercher pour travailler à Citroën ». Mais si les États algériens, tunisiens ou maliens avaient – au même moment, ou 10 ans ou 20 ans ou 30 ans plus tard – mis en place une industrie quelconque, les patrons qui sont allés chercher les travailleurs immigrés auraient eu comme réponse un superbe bras d’honneur, point.

Alors effectivement, après l’échec du tiers-mondisme, l’échec du panarabisme, du « socialisme arabe », etc… les jeunes musulmans d’aujourd’hui se tournent vers l’islamisme car, pour une fois, ils ont l’impression de « gagner ». Je les encourage donc à aller vivre leurs rêves dans tout pays qu’ils considèrent comme « pleinement musulman » ! Il y a le choix !

A ce propos, je voudrais dire un mot sur Israël. Israël est LE pays honni par toute cette jeunesse. Les « immondes sionistes » et patati patata. Le truc c’est que en Israël, l’eau coule aux robinets et les trains arrivent à l’heure. Il y a 23 pays arabes autour d’Israël, pas un n’est capable (avec les mêmes atouts au départ) de donner un avenir à sa population. Je laisse aux personne de bonne foi tirer les conclusions de cet état de fait.

Je précise que dans ce constat, il n’y a rien de raciste. Le pays le plus misérable d’Europe en 45 ce n’était pas le Portugal ou la Grèce, c’était la Norvège, ils ont su trouver leur voie à force de travail. Je souhaite à tous les pays d’émigration de trouver la leur !

Breizh-info.com :  Avez vous d’autres projets d’écritures ?

Morgane Katioucha :On verra…

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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2 réponses à “Morgann Katioucha (Dompter le diable) : « l’Homme est un être de la guerre. Par nature. » [ interview]”

  1. Gilbert dit :

    Quelle pauvreté de pensée ! Le type se dit de gauche. La gauche façon Soral, sans doute : gauche du travail, droite des valeurs. Le même genre de rapprochement que national et socialiste. On a déjà vu ce que ça donne.
    Au passage, pourquoi vous cachez-vous ? Pourquoi ne vous présentez-vous pas comme un site d’extrême droite ?

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