La persistance de mes recherches m’a conduit à relire les Annales de la Société royale académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure. En 1852, dans le tome XXIII, entre les pages 216 et 218, j’ai trouvé ce qui suit et marque un progrès moderne dans l’éradication de l’obstination paysanne et aristocratique.
Janvier 1794, plusieurs milliers de prisonniers survivent à la Virée de galerne dans l’Entrepôt des cafés, sis alors à l’extrémité du port de Nantes, gardés par deux cents soldats. Comme le précise le texte introductif : « En mars 1793, la Vendée s’insurge… À la guerre civile se joint bientôt la terreur. Nantes devient le théâtre des atrocités d’un proconsul et de ses sbires, et ce règne à jamais abominable durera quatre mois. Tout manquait dans la ville, l’air et le pain ; tout, jusqu’aux moyens d’enterrer les morts… Carrier tue des deux mains, mais les prisons regorgent toujours jusqu’à ce que le typhus ne vienne s’ajouter, pour les vider, aux noyades, aux fusillades et à la guillotine ».
Las ! Il n’y eut pas que le typhus… La commission révolutionnaire de surveillance, alias le club Vincent-la-Montagne, ordonne alors d’expérimenter des «fumigations» au chlore [ce qui est déversé par bidons entiers sur les civils syriens d’Alep, par exemple]. Le pharmacien (apothicaire) Jean-Alexandre Hectot (1769-1843) est chargé de l’opération sous les ordres du bon docteur Jean-Baptiste Darbefeuille (1756-1831). Ces deux apprentis sorciers inventent, à l’insu de leur plein gré, l’utilisation des gaz asphyxiants. Nantes s’honore de leur avoir dédié le nom de rues. L’usage du chlore désinfectant avait été mis au point par le docteur Louis-Bernard Guyton-Morveau (1737-1816)… d’où le nom de «fumigations guytonniennes» à venir. «Le muriate ou chlorure de sodium est décomposé par l’acide sulfurique qui s’empare de la soude et laisse se dégager le chlore sous forme de fumigation» précise la « notice ».
Les symptômes décrits par Hectot : «Ma peau était devenue sèche et jaune ; j’avais la vue affaiblie ; j’étais devenu sourd ; tout mon corps était épilé ; l’intérieur de ma bouche était devenu noir-brun et se dépouillait par lambeaux» sont exactement les mêmes que ceux rapportés par les médecins militaires après la bataille d’Ypres, cent vingt ans après…
Pour les sceptiques voici le témoignage du pharmacien :
« Il me vint un ordre pour aller faire des fumigations guytonniennes dans diverses maisons de détenus. Je ne citerai que l’Entrepôt… Je le trouvai dans un tel état d’infection et de désordre qu’il est difficile de le peindre. Il y avait de la paille en quantité assez minime et coupée menue. C’était pourtant sur cette paille qu’étaient couchés les détenus… Les portes et les fenêtres étaient fermées; des baquets en bois étaient placés çà et là et contenaient de l’urine et des matières fécales: d’autres étaient à l/4 ou 1/2 pleins d’eau, c’était celle que ces détenus buvaient; quelques morts, placés de distance en distance, une femme, entre autres, était accouchée sans être délivrée, puisque son enfant y était encore adhérent… L’enfant et la mère étaient d’une couleur violet-noirâtre. Les autres morts étaient déjà en putréfaction. L’odeur qui s’exhalait était, en général, de matière fécale et de putréfaction.
Je plaçai mes fourneaux allumés avec du charbon sur lequel je mis des terrassons contenant du muriate de soude (sel de cuisine) et de l’oxide de manganèse, dans lesquels je versai, en m’éloignant, de l’acide sulfurique.
Je m’en retournai à l’Hôtel-Dieu ; mais, dès le soir, plusieurs infirmiers que j’avais amenés avec moi tombèrent malades, et plus tard deux en moururent… Mes aides en pharmacie furent malades ; les docteurs Blin et Laënnec le furent aussi. Bacqua eut la maladie et s’en guérit, ainsi que M. Deshays, attaché à la chirurgie.
Enfin, je fus pris à mon tour. Un mal de tête me tracassa d’abord. Je pensai que le sang en était la cause ; je fus saigné, il ne diminua pas. La saignée fut faite à midi et répétée le soir ; le mal de tête continua toute la nuit. Je ne dormis pas… Je refusai le lendemain une troisième saignée. J’avais encore ma présence d’esprit. Mon mal de tête était d’ailleurs insupportable. Ce jour-là, je préparai tout ce que je croyais avoir besoin pour passer la nuit, pensant qu’en raison du repos que je croyais prendre, j’aurais été mieux le jour suivant, d’autant que je n’avais rien mangé depuis deux jours…
Je me suis réveillé vingt-deux jours après ! »
Morasse
Photo : DR
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Une réponse à “Nantes. En 1794 la République inventait les gaz toxiques… [chronique]”
Les valeurs de la république c’est tout contre Dieu et la religion catholique pour le plus grand malheur du peuple et du pays.