Sortant seulement en VOD ou en DVD, le film Eye in the sky dénonce la mainmise du pouvoir politique sur les militaires dans la guerre contre le terrorisme.
Le colonel Katherine Powell (Helen Mirren), officier britannique du service d’espionnage, dirige depuis l’Angleterre une opération de capture à Nairobi (Kenya) d’un groupe de terroristes activement recherchés. Parmi ceux-ci, elle veut à tout prix arrêter une dangereuse anglaise convertie à l’islam. Mais elle découvre que le groupe, dans lequel figure également un islamiste américain, prépare une attaque suicide imminente. Il faut agir très vite. Seule solution pour empêcher l’attaque suicide : anéantir la maison des terroristes au moyen d’un missile tiré par un drone. La mission n’étant plus une capture mais une élimination, Powell doit obtenir l’autorisation du ministre britannique, lequel réclame l’aval du premier ministre et même de la Maison Blanche ! Pendant ce temps, dans une base du Nevada, le pilote de drones de l’USAF Steve Watts (Aaron Paul) s’apprête à lancer le missile. Mais une petite fille s’approche de la maison ciblée pour vendre du pain. C’est alors que le pouvoir politique britannique, à l’inverse des américains, hésite à ordonner la frappe. Peut-on envoyer un missile sur cette maison où se prépare un attentat imminent mais au risque de tuer une petite fille innocente ? En réalité, le pouvoir politique craint surtout qu’un dommage collatéral ne déplaise à l’opinion publique. Powell veut éliminer les islamistes au plus vite. Son supérieur, le lieutenant-général Frank Benson (Alan Rickman), fait alors tout ce qu’il peut pour obtenir le feu vert des politiciens indécis. Afin d’obtenir l’autorisation de tir, Powell ordonne à son officier d’évaluation de recalculer le taux de risque de dommages collatéraux. Il réévalue ce taux à 45 %. Pensant que le risque de décès de civils est limité, le pouvoir politique autorise alors le tir…
Eye in the Sky est un film britannique réalisé par le Sud-Africain Gavin Hood. Spécialisé dans les grosses productions hollywoodiennes (X-Men Origins : Wolverine, La stratégie Ender…), ce réalisateur parvient à montrer avec un rythme soutenu une situation de guerre évoluant à chaque minute. Ce scenario de Guy Hibbert est porté par d’excellents acteurs. Agée de 71 ans, l’actrice Helen Mirren, déjà récompensée par un Oscar en 2007 pour The Queen, campe à merveille le rôle d’un colonel inflexible. Mort en janvier 2016, Alan Rickman, connu pour son interprétation de l’énigmatique professeur Rogue dans la saga Harry Potter, est parfait dans son rôle de général tentant d’influencer le pouvoir politique.
En 2015, dans Good Kill, Andrew Niccol posait déjà la question de l’utilisation des drones dans la guerre contre le terrorisme. L’acteur Ethan Hawke incarnait un pilote de chasse reconverti en pilote de drone opérant depuis le Nevada. Il montrait qu’un soldat animé d’une certaine droiture pouvait éprouver une grande détresse à éliminer un ennemi sans courir le moindre risque tout en tuant des civils innocents. Mais l’utilisation des drones n’est pas le thème central d’Eye in the Sky.
De même, Eye in the Sky ne se focalise pas sur l’islam et le terrorisme. Comme beaucoup de films, il opère une distinction entre les musulmans modérés et les islamistes terroristes. Il montre en effet par exemple des fondamentalistes empêchant les enfants de jouer. Le scénariste s’inspire de la terroriste islamiste Samantha Lewthwaite pour créer le personnage de l’anglaise convertie à l’islam. Celle-ci fait partie du groupe terroriste islamiste somalien Al-Shabbaab, responsable d’une tuerie dans un centre commercial de la capitale kenyane (68 morts en septembre 2013) ou de l’attaque de l’université Garissa (147 morts en avril 2015).
Des hommes politiques obsédés par l’opinion publique
En réalité, le principal intérêt d’Eye in the Sky est de montrer la mainmise du pouvoir politique sur les opérations militaires. Certes, cette opération militaire fait intervenir des officiers dans un QG en Angleterre, des agents de terrain au Kenya utilisant des mini-drones avec caméras en forme d’insecte, des drones pilotés par des soldats américains depuis le Nevada et un centre de reconnaissance faciale basé à Pearl Harbour ! Mais tous ces militaires restent soumis à la décision politique. Or celle-ci est difficilement prise de concert par les autorités politiques : le ministre britannique de la Défense, le procureur général, le ministre britannique des Affaires étrangères en voyage à Singapour, le secrétaire d’État américain en voyage à Pékin, la Maison Blanche… Ce film montre bien que les hommes politiques sont obsédés par l’opinion publique. Ils semblent confrontés à un dilemme : peut-on éliminer un dangereux groupe terroriste au risque de provoquer la mort d’une fillette innocente ? Mais l’on découvre qu’en réalité ce n’est pas cette mort qui est crainte, mais la chute dans les sondages qu’elle provoquerait…
En apparence, Eye in the Sky refuse de prendre position en laissant le spectateur résoudre lui-même ce dilemme qui suscite les tergiversations des hommes politiques. Mais le réalisateur se moque souvent des politiciens. Tandis que les politiciens britanniques sont malades d’indécision, le secrétaire d’Etat américain décide de l’attaque aérienne entre deux balles de ping-pong. Les militaires sont bien mieux traités, puisqu’ils se posent avec sans froid la juste et terrifiante question : quel est le risque de « dommage collatéral acceptable » ? En réalité, ce film démontre que le pouvoir politique, incapable de prendre une décision rapidement, devrait laisser les militaires mener les opérations.
Eye in the sky, film disponible en e-cinéma sur le site internet mytf1vod.tf1.fr à partir de 6,99 euros. Le e-cinema est une nouvelle stratégie commerciale qui consiste à proposer directement en VOD (vidéo à la demande) des films de cinéma inédits.
Sortie en dvd et Blu-Ray le 15 novembre 2016, TF1 vidéo.
Kristol Séhec
Photos : DR
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Une réponse à “« Eye in the sky », la guerre des drones au risque des dommages collatéraux (cinéma)”
Excellent film, où la lâcheté des politiciens est mise en avant.