Si l’on oublie Bécassine, niaise Bretonne créée en 1905, Corentin est le premier Breton à devenir un héros de bande dessinée.
Près de Saint-Malo, Corentin Feldoë, adolescent aventureux et courageux, est élevé par son oncle ivrogne et brutal depuis la mort de ses parents. Un petit matin, las de recevoir des coups, il s’échappe et parvient à embarquer clandestinement à bord d’un trois-mâts en partance pour les Indes. Rapidement repéré, il devient le second mousse. Mais après un abordage par des pirates, le trois-mâts coule lors d’une terrible tempête. Corentin échoue alors sur la plage d’une île sauvage. Il se lie d’amitié avec un monstrueux gorille et un terrifiant tigre qu’il nomme respectivement Belzébuth et Moloch. Grâce à eux, il échappe à des noirs cannibales. Il découvre alors Kim, un garçon de son âge qui deviendra son ami inséparable. Corentin parvint à sauver la jeune et jolie princesse Sa-Skya, fille du Sultan de Sompur, qui souffrait d’une maladie apparemment incurable. Sitôt guérie, elle est enlevée par des ennemis du Sultan, de terribles asiatiques.
Corentin revient en Bretagne dans l’album Le Poignard magique. Arrivé à Saint-Malo, il souhaite revoir Ker-Armor, son village natal, après la mort de son oncle. Il apprend que le comte de Saint-Guirrec, époux de la fille du marquis, a disparu. Il parviendra à retrouver le comte et à sauver son épouse.
Après de nouvelles aventures en Orient, Corentin part en Amérique avec sa mère pour retrouver son père. Malheureusement, le fort qu’il commandait a été détruit. Luttant contre des Yankees malhonnêtes et violents, il est recueilli par les indiens…
Un nouvel album des aventures de Corentin vient de sortir. Le jeune Breton veut voyager de nouveau. Mais le Rajah de Sompur confie à Corentin et à sa fille unique, Sa-Skya, la cachette de trois perles inestimables. Il offre alors à Corentin la main de sa fille et le trône qu’il laissera libre un jour. Corentin refuse. Contrarié, le Rajah lui demande de partir. Dans les jours qui suivent, une perle est volée. Rapidement accusé du vol, Corentin doit résoudre ce mystère. Il découvre que c’est un jeune prince qui a commis ce vol dans l’espoir de payer la rançon de sa famille. Corentin va risquer sa vie pour sauver ce prince qui est amoureux de la belle Sa-Skya…
Corentin est une série de bande dessinée créée par l’auteur belge Paul Cuvelier (1923-1978). Son premier dessin, représentant Saint-Nicolas et son baudet, est publié dans Le Petit Vingtième en 1930 alors qu’il n’a pas encore sept ans. Paul Cuvelier fait ses classes à l’Académie de Mons. Il rencontre Hergé en 1945 et lui voue un véritable culte. Il devient alors le benjamin d’une équipe de dessinateurs réunie par Hergé.
Le 26 septembre 1946, la couverture du premier numéro du Journal de Tintin présente Le temple du soleil, une nouvelle aventure de Tintin. En deuxième page, le lecteur découvre L’extraordinaire odyssée de Corentin Feldoë. Cuvelier a alors 23 ans. Ses planches apparaissent aux côtés de celles de Tintin d’Hergé et de Blake et Mortimer et Le Secret de l’Espadon d’Edgar P. Jacobs. Corentin paraît en noir et blanc, seuls Le Temple du soleil et Le Secret de L’Espadon ont les honneurs de la couleur. Ce premier numéro est orchestré par le rédacteur en chef Jacques Van Melkebeke, obligé de travailler dans l’ombre dans l’attente d’un procès pour collaboration avec l’ennemi qui le condamnera à une peine de prison.
La bande dessinée Corentin est éditée en album pour la première fois en décembre 1950, avec pour titre Les Extraordinaires Aventures de Corentin. Suivront Les Nouvelles Aventures de Corentin (1952), Corentin chez les Peaux-Rouges (1956), Le Poignard magique (1963), Le Signe du cobra (1969), Le Prince des sables (1970) et Le Royaume des eaux noires (1974).
En 1978, à la mort de Cuvelier, le premier album fait l’objet d’une réédition. A cette occasion, l’éditeur choisit de faire coloriser les deux premiers albums qui avaient été publiés en noir et blanc. La série a fait l’objet depuis les années 1990 de rééditions en intégrales dans un format plus grand. Une nouvelle colorisation est réalisée par Marc-Renier et sa collaboratrice Marie-Noelle Bastin.
C’est seulement en cette année 2016, quarante ans après le dernier album de Corentin, qu’un nouvel album voit enfin le jour. Le scénario fluide et bien ficelé, plein de rebondissements, est de Jean Van Hamme (créateur de Thorgal, XIII et Largo Winch). Ce célèbre scénariste avait au début de sa carrière réalisé deux scénarios pour Corentin : Le Prince des sables (1970) et Le Royaume des eaux noires (1974). En 1973, il avait écrit une nouvelle pour le supplément trimestriel du journal Tintin : Les trois perles de Sa-Skya. C’est cette dernière qui est adaptée et dessinée par Christophe Simon, connu pour avoir dessiné des albums de Lefranc (épisodes 14 et 15) et Alix (tomes 25, 26, 27 et 30), séries à l’origine créées par Jacques Martin. Christophe Simon redonne du souffle à la série. Il a fait un voyage de cinq semaines en Inde afin de reconstituer fidèlement des décors très travaillés. Certes, son trait relève davantage de la ligne claire de Jacques Martin que du graphisme de Cuvelier. Mais son superbe dessin est mis en valeur par la magnifique colorisation d’Alexandre Carpentier. Cet album particulièrement soigné, véritable hommage à Cuvelier, plaira à tous les fans nostalgiques des premiers albums.
Certes, la bande dessinée, d’un classicisme abouti, dégage une certaine naïveté. Dans les décors exotiques, Corentin subit des rebondissements tous plus rocambolesques les uns que les autres. Mais cette histoire est destinée aux plus jeunes lecteurs du Journal de Tintin. Pour le lecteur averti, elle dissimule néanmoins plusieurs messages : l’admiration de la civilisation hindoue, la méfiance envers les chinois, la dénonciation de l’esclavage chez les musulmans, la vulgarité des Yankees… On ajoutera que dans le nouvel album, le père de Sa-Skya n’est plus un sultan (de religion musulmane) mais un Rajah (de religion hindoue).
Espérons qu’il ne faudra pas attendre trop longtemps pour retrouver Corentin dans de nouvelles aventures.
Kristol Séhec
Corentin, Les Trois perles de Sa-Skya. 14,99 euros (Le Lombard). Corentin, Intégrale 1, 29 euros. Intégrale 2, 29 euros, (Le Lombard).
Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine
Une réponse à “Le retour de Corentin, premier Breton à devenir un héros de bande dessinée”
Corentin soit…, mais vous oubliez Blek Le Roc (né à Saint-Malo…, selon la BD, voir l’enfance de Blek…)