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Syrie : un conflit de plus en plus complexe

03/09/2016 – 13h30 Syrie (Breizh-info.com via Lengadoc Info) – Point de situation numéro 11 – La particularité du conflit qui déchire la Syrie depuis 5 ans et qui a occasionné 300 000 morts jusqu’à aujourd’hui, réside dans la multiplicité des belligérants. Le fait également que de nombreux pays extérieurs prennent part aux combats en soutenant telle ou telle faction par la fourniture massive d’armes, en envoyant des conseillers militaires au plus près des unités combattantes, en procurant un appui aérien non négligeable. Voire carrément en prenant part aux combats avec ses propres troupes au sol comme vient de le faire la Turquie au niveau de Jarablus.

Quelle évolution au sol pour la Syrie ?

Les deux derniers événements majeurs du conflit en Syrie étaient centrés sur la lutte acharnée entre factions islamistes et forces pro-gouvernementales pour la maîtrise d’Alep et l’abandon par les troupes de Daech de leur bastion de Manbij.

          La situation à Alep

Les forces islamistes anciennement liées à Al-Qaïda avaient réussi à briser l’encerclement d’Alep par les forces gouvernementales en s’emparant de la zone militaire du quartier de Ramouseh située au sud-ouest de la ville. Cette victoire avaient permis de créer un corridor d’approvisionnement des quartiers rebelles situés à l’Est de la ville. Depuis trois semaines une lutte acharnée se joue quotidiennement dans ce secteur avec un léger avantage pour les troupes pro-gouvernementales. Au prix de nombreux morts, des unités tentent de pénétrer depuis le nord dans le collège technique ainsi que dans le complexe immobilier des « 1070 appartements ». Ces deux zones sont battues par l’artillerie islamiste située au niveau de l’école Hikmah un peu plus à l’ouest et guidée à l’aide de drones indiquant en temps réel la position des unités loyalistes. Le gros avantage de ces dernières se situe au sud de ce corridor grâce à la prise de la colline Um al-Qara qui permet un feu direct et surplombant sur l’axe routier alimentant les quartiers rebelles d’Alep. Plus aucun véhicule ennemi ne peut désormais emprunter cet axe. A tel point que les islamistes ont tenté cinq assauts meurtriers pour reprendre cette position.

Cette zone a également vu très récemment (30 août) un assaut victorieux des forces pro-gouvernementales quelques kilomètres plus au sud sur le flanc des islamistes au niveau du village de Qarassi. Développement dans les prochains jours.

          Autour de Manbij

Le bastion de Manbij était un point clef pour l’Etat Islamique puisqu’il verrouillait la partie nord de leur territoire en sécurisant le passage d’hommes et de matériel en provenance de Turquie depuis le village de Jarablus jusqu’à la capitale de Raqqah plus au sud. Les combattants à majorité kurde et sous tutelle américaine avaient réussi à traverser l’Euphrate, à isoler Manbij et à réduire la résistance islamiste. Des négociations avec l’Etat Islamique avaient permis la reddition de la ville moyennant la sécurité des troupes de Daech. Ces derniers avaient évacué la ville en convoi en se servant d’un millier d’habitants en guise de bouclier humain. Direction plein nord pour la ville frontière de Jarablus.

          L’intervention turque et la question Kurde

Cette semaine a été marquée par l’entrée sur le territoire syrien des troupes turques, censées soutenir des rebelles islamistes prétendument modérés et compliquant encore plus la donne des alliances locales.

Les kurdes ont depuis longtemps été utilisés par les USA en tant que supplétifs légitimes sur le terrain. Ils jouissaient d’ailleurs d’un capital sympathie quasi unanime puisqu’ils luttaient contre Daech avec succès. Un accord tacite de neutralité était même en vigueur avec le gouvernement de Bachar El-Assad. Ceci jusqu’à ce que les volontés de sécession du peuple kurde et d’établissement d’un grand kurdistan syrien (Rojava) ne deviennent trop importantes. Cette volonté s’est d’abord tournée vers les forces loyalistes présentes dans la ville de Al Asakah, enclave pro-gouvernementale en territoire contrôlé par les kurdes. Une semaine de combats qui a failli dégénérer en combat aérien entre l’aviation syrienne et l’aviation américaine qui a menacé d’intervenir pour protéger ses conseillers militaires présents au sol. Un compromis a été trouvé sous l’influence des russes et les troupes loyalistes ont pu quitter la ville librement. L’accord de neutralité commençait à prendre du plomb dans l’aile, Damas ne voyant pas d’un bon œil les velléités séparatistes kurdes sur son territoire.

Bachar El-Assad n’a pas été le seul à être de cet avis. En effet, le président turc M. Erdogan a annoncé que son pays allait être plus impliqué dans la résolution du conflit syrien dans les mois à venir. Quelques jours après cette déclaration M. Erdogan lançait une opération militaire appelée « Euphrates Shield » ayant pour objectif de pacifier les territoires de Syrie situés directement au sud de la frontière turque. Pacifier en luttant contre les combattants de Daech mais surtout empêcher la jonction des territoires kurdes de l’Est (région de Kobané) et ceux de l’Ouest (région d’Afrin). Nous assistons donc à un conflit régional turco-kurde à l’intérieur du conflit secouant la Syrie depuis 4 années. Pour ce faire l’armée turque s’appuie sur de soi-disant rebelles modérés, qui ne sont en fait que des milices islamistes et rejette toute présence kurde se situant à l’ouest de l’Euphrate. Le département d’état américain a ainsi exigé des forces kurdes qu’elles se retirent du territoire qu’elles venaient de libérer depuis quelques mois sous menace de la suppression des fournitures d’armes, de conseillers et d’appui aérien. Drôle d’alliance…

La Turquie tente de s’assurer une tranquillité de ce coté de l’Euphrate en gagnant une zone tampon face aux combattants de Daech. Ce n’est pas encore gagné puisque trois chars turcs viennent d’être perdus dans l’opération. Une fois cette zone établie, comment Erdogan pourra t’il accepter d’avoir 400 kilomètres de frontière commune avec un peuple qu’il considère dans son ensemble comme une organisation terroriste?

          Percée islamiste au nord d’Hama

Cette partie du front paraissait stabilisée depuis plusieurs mois et montre que les « rebelles » islamistes ont encore largement les moyens de bousculer la défense adverse. Une offensive lancée il y a 2 jours à partir de la ville d’Al-Latamina plein sud en direction de la ville d’Hama a réussi à passer au delà des lignes ennemies et à capturer une zone de près de 50 kilomètres carrés. La situation est évidemment préoccupante pour le camp loyaliste mais non désespérée puisque les assaillants eux mêmes ont freiné leur progression afin de ne pas se retrouver piégés dans une nasse. Ayant réussi à s’emparer de la ville de Khattab, ils s’en sont retirés rapidement de peur d’être anéantis. Des renforts loyalistes sont en cours d’acheminement et du matériel lourd est en train d’être redéployé sur le Mont Zayn. Ce dernier, dominant de 200 mètres la plaine bordant la ville d’Hama sera un des points d’appui fondamentaux dans les jours à venir pour enrayer la progression des islamistes. Nul doute que l’aviation syrienne et russe (la base de Hmeimim est à peine à 50 kilomètres de là) interviendra très rapidement. Cette nouvelle percée pourrait très bien être l’occasion pour les forces loyalistes d’effectuer une percée au niveau de Morek et de Kafr Zita et d’enfermer ainsi les troupes islamistes dans une nouvelle poche. A moins que les islamistes ne s’évertuent à élargir leur corridor. A suivre…

          La reddition des poches islamistes de Damas

La tactique régulièrement employée par les forces pro-gouvernementales consiste en la création de poches et en la réduction progressive de celles-ci. Il convient de dire qu’au début du conflit les troupes rebelles s’étaient emparées de larges portions de territoire et que depuis 4 années les troupes loyalistes s’efforcent de reconquérir ces zones, créant des ilots de résistance autour de certaines villes voire parfois de certains quartiers. La poche de Darayya en est une illustration très symbolique puisque Darayya était une des premières zones à être entrée en contestation avec le régime de Bachar el-Assad en 2012. Après 4 longues années de lutte et apparemment à court de munitions, des tractations ont été établies avec le gouvernement qui a accepté la reddition de la ville moyennant le transport en sécurité des combattants dans le gouvernorat d’Idlib. Certains ont choisi de rendre les armes et ont été amnistiés, les autres ont été acheminés en bus et reprendront les armes sur un autre secteur. Cette reddition permet à Bachar el-Assad de nettoyer des zones rebelles proches de la capitale (10 kilomètres du centre ville) et ainsi de réaffecter des troupes (2500 loyalistes pour 500 rebelles dans Darayya). La poche voisine de Al-Moadamyeh est en train de suivre le même chemin et certaines informations font état de tractations similaires pour le quartier de Al-Waer dans la banlieue de Homs. De petites victoires pour le pouvoir mais qui tendent à stabiliser la situation dans les zones sous son autorité.

Martial Roudier

Photos : DR

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