26/08/2016 – 17H30 Washington (Breizh-info.com) – Tout au long des élections américaines de 2016, retrouvez chaque vendredi l’analyse de Pierre Toullec, spécialiste de la politique américaine, en exclusivité pour Breizh Info ! L’occasion de mieux comprendre les enjeux et les contours d’élections américaines finalement assez mal expliquées par la majorité de la presse subventionnée – sponsor démocrate de longue date. L’occasion également d’apprendre ce qui pourrait changer pour nous, Européens, suite à l’élection d’un nouveau président de l’autre côté de l’Atlantique.
La différence de traitement médiatique des candidats
Dans l’ensemble de l’occident, le débat droite-gauche ne se limite pas aux questions philosophiques et programmatiques. Les conservateurs en particulier aiment utiliser l’argument des « grands médias » contrôlés par les progressistes. Ils pensent de même des grandes écoles et des systèmes d’enseignement public. Ils seraient entre les mains d’une élite auto-proclamée ayant l’objectif de saper les valeurs fondatrices de nos sociétés, en particulier les valeurs judéo-chrétiennes.
Cette critique est parfois utilisée aussi par la gauche la plus radicale, souvent proche des mouvements communistes. Ainsi Edwy Plenel, président et fondateur de Médiapart, surfe sur cette vague anticapitaliste et profondément progressiste. Il accuse les « grands médias » de faire le jeu de la droite et de l’extrême-droite (d’ailleurs, quasiment tout le monde est d’extrême-droite à ses yeux).
Cependant, ces quelques lignes éditoriales sont profondément de mauvaise foi. Il est clair que dans l’ensemble du monde occidental – à l’exception peut-être de l’Italie – la majorité des grands médias défend effectivement une idéologie proche des partis de gauche. On le voit en Bretagne et en France quotidiennement. Tout média, qui n’est pas sur la ligne Le Monde – Le Figaro – TF1, est immédiatement qualifié d’extrême-droite.
Les sites d’information (ou, comme ils s’appellent eux-mêmes très souvent de « ré-information ») considèrent que ces grands médias donnerait une vision tronquée de ce qui se passe dans nos sociétés. Ils sont violemment attaqués alors qu’ils proposent pourtant des panels de personnalités avec des opinions très diverses.
Ces médias « alternatifs » filtrent beaucoup moins l’opinion des intervenants et recherchent au contraire davantage de diversité. Breizh-Info en fait bien entendu partie, ainsi que de nombreux autres médias très différents tels que Contrepoints, Atlantico, TV Libertés, Nouvelles de France, un grand nombre de médias indépendantistes ou régionalistes (en Bretagne bien entendu mais aussi en Corse, Occitanie, Savoie, Alsace, etc.) ainsi qu’une constellation d’autres exemples de sites, radios et presse locale plus ou moins connus, ayant tous le même objectif : offrir une version différente de celle entendue dans les grands médias « autorisés ».
Il reste que ces médias d’information alternatifs aux médias « officiels » restent moins consultés en France que dans d’autres pays, en particulier anglo-saxons. Aux Etats-unis, les chaînes de radio se font et se défont. Les animateurs peuvent parfois fonder leur propre chaîne et obtenir une incroyable audience. Leurs » shows » sont en effet diffusés sur plusieurs radios. Les journalistes ou leaders d’opinion imposent ainsi leurs émissions aux médias plutôt que l’inverse. Cette méthode est particulièrement populaire chez les conservateurs et les libéraux, avec des présentateurs vedettes tels que Rush Limbaugh, Glenn Beck, Hugh Hewitt, Bill Whittle et – littéralement – des centaines d’autres à travers le pays, écoutés par des millions d’américains chaque jour.
En parallèle, des sites d’information – de tous bords politiques – parviennent à se créer et à devenir des références d’information, considérés comme plus sérieux. Ils réussissent principalement grâce à des stratégies de « niches », c’est-à-dire de spécialisation dans des domaines spécifiques. Certains visent un journalisme impartial, qui donne la parole à toutes les opinions (exemples : Politico et RealClearPolitics). D’autres ciblent un public idéologique déterminé (exemples : Townhall, National Review, Red State, The Libertarian Republic, The Daily Caller et bien d’autres).
Cette tendance américaine n’est pas nouvelle et existait bien avant la popularisation d’internet. Ce nouvel outil de communication n’a fait que continuer la tradition très américaine de créer aisément de nouvelles sources d’information loin des médias « autorisés ». Favorisé par le premier amendement de la constitution qui empêche toute restriction de la liberté de parole, ce type de liberté d’opinion existe depuis le XVIIIème siècle. Elle a connu une heure de gloire dans la presse écrite au XIXème. Ce furent notamment les débats sur les questions du pouvoir fédéral, de l’expansion vers l’Ouest, de l’intégration du Texas et, bien entendu, de l’esclavage puis de la reconstruction du Sud après-guerre. Le XXème siècle fut celui de la radio, outil de communication bien plus libre et ayant une très forte influence sur les débats politiques. La France, elle, est toujours incroyablement en retard sur ce média. La percée des « radios libres » à la fin du siècle n’a aucunement permis de rattraper le massif déficit de chaînes de radios et la capacité pour de nouvelles à voir le jour rapidement.
Enfin, l’arrivée d’internet a vu, dès les années 1990, la rapide montée en force des blogs et des sites d’information. Au début des années 2000, leur impact commençait déjà à être incontournable aux USA. Il faudra attendre la présidentielle de 2007 en France pour commencer à voir un important impact d’internet sur la vie politique française. Nombre d’observateurs sont d’avis que l’élection présidentielle de 2004 fut gagnée par George W Bush en grande partie grâce à son fort engagement en ligne, dépassé par la suite par Barack Obama en 2008 et 2012. Encore aujourd’hui, en 2016, l’impact d’internet dans les publications et les débats politiques français sont infimes et très loin d’égaler le pouvoir d’influence des radios indépendantes, des sites d’information et l’impact des réseaux sociaux observé aux Etats-Unis.
Alors de qui parle-t-on lorsque l’on aborde les « grands médias » (« mainstream ») américains ? Il est vrai que de nombreuses chaînes télévisées d’information « nationale » sont dominées par des journalistes plutôt orientés à gauche, voire à l’extrême-gauche. Les plus connues sont CNN, NBC News et MSNBC. Il n’existe qu’un seul pendant à droite (Fox News) mais qui est bien plus populaire et regardée que ses principaux concurrents. Enfin, le groupe « Fox » est présent dans la majorité des Etats de l’union avec ses propres chaînes télévisées locales.
La situation est légèrement différente avec la presse plus traditionnelle. Les médias papiers restent populaires aux Etats-Unis avec un grand nombre de titres historiques ainsi que des plus récents. Or, là une majorité de journalistes plutôt progressistes se retrouvent, avec une domination certaine dans les titres tels que le New York Times, le LA Times, USA Today, le Washington Post, le Boston Globe et bien d’autres. Il reste que ces titres doivent aussi affronter la concurrence d’une presse plus conservatrice et libérale dont le Wall Street Journal, le New York Post ou encore le Washington Times.
Il est donc vrai qu’il existe un monde médiatique progressiste très puissant aux Etats-Unis mais, à l’inverse de la France, une très puissante compétition conservatrice existe. Les citoyens américains trouvent naturel d’aller chercher eux-mêmes leurs sources d’information dans les milliers de médias alternatifs qui peuplent cette jungle médiatique américaine – et nous ne parlons ici que des médias traitant de politique et d’économie ! S’il est vrai qu’une tendance générale ressort des médias « mainstream » en faveur des démocrates et des républicains modérés et que ces médias ont fortement favorisé chaque nominé démocrate depuis de nombreuses années (Al Gore en 2000, John Kerry en 2004, Barack Obama en 2008 et 2012), la situation est beaucoup moins caricaturale qu’en France.
Il reste qu’aucun nominé républicain n’a eu à subir le traitement que subit Donald Trump. Cette différence de traitement se traduit de deux manières : tout d’abord, l’ensemble des médias (progressistes et conservateurs) parlent beaucoup plus de sa candidature que de celle de Hillary Clinton. Dans le même temps, cette couverture reste très négative, même dans les médias dits « de droite ».
Pourquoi ce phénomène ? Est-ce une modification du panorama médiatique américain ? Pourquoi des médias conservateurs virulents contre John McCain en 2008 et Mitt Romney en 2012 se sont-ils rangés derrière leurs candidatures après les primaires mais ne le font pas pour Donald Trump en 2016 ?
Réponse demain, dans la suite de l’analyse de Pierre Toullec à propos de la campagne médiatique autour des élections américaines à venir.
Photos : DR
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