13/08/2016 – 06H00 Nantes (Breizh-info.com) – L’actualité ne pouvait laisser indifférent Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Il est donc monté au créneau dans une tribune publiée par Le Monde (29 juillet 2016).
D’entrée de jeu, le ministre montre qu’il entend rester dans les clous du politiquement correct : « La France ne peut pas concevoir le combat contre le terrorisme, contre la radicalisation, autrement qu’avec les armes du droit. Le droit n’est pas une faiblesse. Il est notre force. La démocratie ne nous lie pas les mains. C’est pour sa préservation que nous nous battons. Assassiner un prêtre est le dernier acte monstrueux d’une liste désormais tragiquement remplie. La détermination totale dans cette guerre – car c’en est une – ne devrait jamais se traduire par la renaissance des lettres de cachet ou la réhabilitation de la loi des suspects…Autrement dit, par la légalisation de la tyrannie de l’arbitraire. »
À partir de là, il se doit de condamner la proposition de Nicolas Sarkozy, qui tendraient à « réduire notre droit à un système d’exception, dont nous savons, pour le voir en œuvre dans d’autres pays, qu’il est inefficace et ne saurait nous garantir contre les impulsions meurtrières des terroristes ».
L’ancien prof de la fac de droit de Quimper demeure avant tout un juriste, d’avantage préoccupé par la défense des règles de droit en vigueur – oubliant que le droit rectifie le droit – que par la sécurité des citoyens. Par conséquent, pour lui, « suggérer que « toutes les personnes qui sont aujourd’hui sous contrôle judiciaire pour des faits de terrorisme doivent être placées en détention provisoire et non plus laissées en liberté » revient à demander d’effacer l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789… Conseiller « la rétention administrative pour les individus fichés les plus dangereux » est méconnaître l’article 66 de la Constitution, qui prévoit que la privation de liberté ne peut être prononcée que par un juge judiciaire. Remettre en cause « la présomption d’innocence » pour « ceux qui ne sont pas encore passés à l’acte », c’est bafouer la très ancienne été constante jurisprudence du Conseil constitutionnel.» Voilà donc Sarko habillé pour l’hiver.
Mais un peu d’histoire aiderait à rafraîchir la mémoire du prof de droit. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789) n’empêcha pas la Convention d’utiliser la Terreur comme mode de gouvernement. Et la même « Déclaration », reprise dans le préambule de la Constitution de la Vème République (4 octobre 1958) permit au président de la République, Charles de Gaulle, de pratiquer à grande échelle l’«internement administratif». Étaient visés les partisans de l’Algérie française suspectés d’«activisme» pendant la période 1960-1962. C’est ainsi que près de 15 000 personnes se retrouvèrent dans des camps gardés par les gendarmes et les CRS ; le plus célèbre d’entre eux était le camp de Saint-Maurice-l’Ardoise situé dans le Gard. On vit même des personnes traduites devant les tribunaux, acquittées car ce qu’on leur reprochait ne dépassait pas le stade du délit d’opinion, arrêtées à leur sortie du palais de justice par la police et bénéficier d’un internement administratif.
Cela dit, si on raisonne politique politicienne, Jean-Jacques Urvoas a raison de tenir ce discours destiné, en premier lieu au public « de gauche ». C’est ce que montre le baromètre de l’institut Elabe. « La profonde défiance qu’ont les Français à l’égard de la politique économique et sociale de François Hollande touche désormais la lutte contre le terrorisme », observe Bernard Saranès, le président d’Elabe.
Effectivement, la cote de confiance de l’exécutif demeure dans les basses eaux au début août : 17% pour François Hollande et 20% pour Manuel Valls. Seul bémol, l’électorat de gauche se ressoude un peu derrière le couple exécutif et le ministre de l’Intérieur, à la faveur notamment des virulentes mises en cause d’une partie de l’opposition. François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve gagnent respectivement 5, 6 et 7 points ce mois-ci auprès des sympathisants de gauche. Ceux-ci ont « apprécié le discours sur le respect de l’état de droit et des valeurs de la République », explique Bernard Saranès (Les Échos, 5-6 août 2016).
En 2017, Jean-Jacques Urvoas reprendra ses cours à la fac de droit de Quimper après le retour de la droite aux affaires. Rien ne lui interdit alors d’organiser un séminaire sur le thème : le droit rectifie le droit. C’est ce qu’avait retenu en 2008 Nicolas Sarkozy en procédant à une révision de la constitution.
Crédit photo : Parti socialiste/Wikimedia (cc)
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3 réponses à “Justice. Jean-Jacques Urvoas oublie les familles des victimes”
Sauf erreur,les internements administratifs de de Gaulle l’étaient sous la mise en oeuvre de l’article 16 et donc parfaitement légaux mais la justice,alors Algérie française,relaxait tout le monde et même les criminels qui voulaient renverser le pouvoir légitime!
C’est très bien de nous parler du « Droit », et donc de nos Lois …
Encore faudrait-il les appliquer pour traiter les causes des drames constatés !
Exemple : les dizaines de versets des sourates du Coran qui prêchent la haine et le meurtre …, les ségrégations …, envers les « non-croyants » à l’islam … . Ce Coran devrait être traité par l’application du Code Pénal, Art. 222-17, 18, 18.1, …, Art. a-221-5§6°, Art. R625-7, ou encore la Loi de 1881, Art. 23, 24, ou la Loi de 1972, …
Ces versets sont prêchés, rabâchés dans les mosquées et les écoles coraniques, et ils imprègnent les neurones des enfants musulmans, des jeunes et des adultes …
En tant que garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Monsieur Jean-Jacques Urvoas est le premier dirigeant de France chargé d’utiliser et de faire appliquer « les armes du Droit » dont il parle, il me semble ?
Remettre en cause « la présomption d’innocence » pour « ceux qui ne sont pas encore passés à l’acte ». En clair, il faut qu’ils passent à l’acte pour être condamnés… quid de celui qui se fait exploser, qui commet un suicide par policier (suicide by cop comme aux Etats-Unis) ? Avoir comme référence La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) me laisse perplexe. Autre temps, autres mœurs…