Convention démocrate de Philadelphie. Une victoire de Clinton entachée de lourdes gaffes

27/07/2016 – 18H30 Philadelphie (Breizh-info.com) – Pendant les conventions républicaines et démocrates du mois de juillet 2016 aux Etats-Unis, Pierre Toullec vous présente chaque jour un résumé de la journée précédente, en exclusivité pour Breizh Info. Au tour de la convention démocrate !

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Mardi 26 juillet – Une victoire entachée de lourdes gaffes

Ce mardi était crucial pour le parti démocrate : l’ensemble des observateurs s’attendaient à une victoire aisée de Hillary Clinton lors du vote des délégués pour déterminer le ou la candidat(e) pour l’élection présidentielle face à Donald Trump.

Hillary Clinton : première femme nominée par un parti politique américain majeur

Sans surprise, Hillary Clinton a très largement remporté la nomination sans que les pro-Sanders ne s’y opposent réellement. Bernie Sanders lui-même a été le dernier à prendre la parole durant le vote, confirmant qu’il n’était plus candidat et demandant aux délégués de nommer Hillary Clinton par acclamation.

Ainsi, l’ex-première dame a « fait l’histoire » en devenant la première femme nominée par un parti politique américain majeur pour la présidence des Etats-Unis.

Ce fut finalement le thème de cette journée, les démocrates s’enchaînant sur l’estrade et dans les interviews pour affirmer qu’il s’agissait bien d’un moment historique. Pourtant, Nancy Pelosi, démocrate et ex-présidente de la Maison des Représentants (députés) l’a mise en garde : jouer la carte de la première femme présidente est risqué car, selon Pelosi, un petit nombre d’électeurs votent en fonction du sexe du ou de la candidate. Au contraire, la grande majorité des citoyens s’intéressent davantage au programme et à la personnalité de la personne à élire.

La dernière parade anti-Clinton des pro-Sanders

Après la nomination finale de Hillary Clinton, le soutien n’était toujours unanime au sein des délégués démocrates. L’une des erreurs majeures du parti et de ses stratèges fut de penser que l’opposition interne représentée par Bernie Sanders était liée à la personnalité du Sénateur du Vermont. En réalité, la division philosophique déjà visible au cours de la primaire de 2008 est toujours présente et forte au sein de la gauche américaine. Ce mouvement socialiste – terme récupéré par Bernie Sanders pour la première fois depuis des décennies aux Etats-Unis – s’oppose au courant social-démocrate que Hillary Clinton représentait déjà il y a huit ans.

La défaite de leur champion n’a donc pas diminué les ardeurs des partisans de Bernie Sanders. Mais paradoxalement, leur réaction a davantage aidé l’ex-première dame que ses adversaires. A la suite de l’annonce de la victoire de Hillary Clinton, plusieurs centaines de délégués opposés à sa nomination ont décidé de quitter le Wells Fargo Center. En particulier, ceux issus de six Etats très largement remportés par le « socialiste-démocrate » se sont rapidement vidés, à savoir ceux de l’Alaska, de l’Oklahoma, de l’Idaho, d’une partie du Mississippi, de l’Utah et bien entendu du Vermont. Ils ont rejoint les manifestants à l’extérieur réclamant la nomination de Bernie Sanders.

Cette action n’a pourtant pas eu l’objectif recherché. S’il était symboliquement fort, les quelques centaines de sièges vides sont passés relativement inaperçus au sein d’une foule de près de 10.000 personnes ! Leur départ fut mentionné, mais les caméras du monde entier étaient tournées vers la salle en elle-même. Peu nombreux furent les médias qui ont couvert les mouvements de protestation à l’extérieur. Mais le départ de nombreux adversaires de Hillary Clinton a créé une véritable sensation d’unité. Contrairement à la veille, quand les huées se sont massivement fait entendre, ces départs ont fait perdre la voix des résistants démocrates. Du coup, tout le reste de la soirée a montré une image d’unité au sein d’une immense salle : une véritable victoire médiatique immédiate pour Hillary Clinton mais qui pourrait avoir des conséquences particulièrement néfastes pour la suite de sa campagne si elle ne parvient pas à réunir le parti. A ce jour, seuls 54% des électeurs de Bernie Sanders sont prêts à voter pour la nominée démocrate, 5% envisagent de voter pour Donald Trump et le reste se divise entre le candidat libéral Gary Johnson, la candidate écologiste Jill Stein et l’abstention. Si elle n’inverse pas la tendance, une telle perte de l’électorat qui a mené Barack Obama au pouvoir favoriserait fortement une victoire de son adversaire républicain.

Bill Clinton souhaite-t-il réellement la victoire de sa femme ?

Bill Clinton n’est pas un débutant en politique. Après avoir fait ses premières armes en Arkansas, il fut propulsé sur la scène nationale en 1991 et ne l’a jamais vraiment quitté. Alors, que s’est-il passé ce mardi soir, lorsqu’il a pris la parole devant l’ensemble de son parti ?

On ne peut pas dire que son discours était mauvais en soit. Mais il manquait clairement de passion. Comparé à son discours en faveur du président Obama à la convention de 2012, il semblait clairement que l’ex-président manquait de dynamisme et d’envie.

Ce n’est pas la première fois que cette constatation est faite. Bien que Hillary Clinton a été politiquement très active depuis des dizaines d’années, dans le couple, c’est bien Bill Clinton qui était en avant. Elu pour la première fois ministre de la justice de l’Arkansas en 1977, puis gouverneur du même Etat pendant douze ans avant de devenir président des Etats-Unis de 1993 à 2001, il fut toujours le haut de l’affiche du couple. Même après la fin de son dernier mandat et lorsque Hillary est devenue sénatrice de New York en 2001, il restait l’ancien président que les démocrates voulaient inviter et interroger.

Avec cette nouvelle candidature de sa femme et ses chances de l’emporter, il n’est plus la tête d’affiche. Cela s’est ressenti dans de nombreux meetings politiques. Au lieu de défendre le bilan de Hillary, Bill a passé des heures à rappeler les programmes qu’il a mis en place lorsqu’il était en fonction, analysé en public des centaines de chartes graphiques et de statistiques et expliqué qu’elles seraient ses propres politiques s’il était au pouvoir aujourd’hui.

Finalement, en regardant la performance d’hier et son comportement tout au long de la primaire, la question se pose : Bill Clinton souhaite-t-il réellement la victoire de sa femme ? Est-il prêt à accepter l’idée de devenir le « premier Gentleman » des Etats-Unis ? Il doit certainement vouloir la victoire de Hillary mais, au fond de lui-même, le fait de passer au second plan dans sa famille lui pose de vrais problèmes d’égo et cela se ressent clairement dans cette campagne.

Le TransPacific Partnership : « Hillary la pourrie » ?

La pire erreur de la soirée est certainement venue de l’actuel gouverneur de Virginie Terry McAuliffe. Avant d’entrer dans les détails, il est important de comprendre les liens entre ce dernier et les Clintons. McAuliffe n’est pas un simple élu démocrate qui soutient la nominée de son parti. Lui et sa femme sont de proches amis de Bill et Hillary depuis plusieurs dizaines d’années. Il a dirigé la campagne de réélection du président Clinton en 1996 puis celle de Hillary en 2008. Entre les deux, il fut président du parti de 2001 à 2005. L’homme connaît donc particulièrement bien la nominée démocrate, sa manière de penser et ses idées.

Ce mardi, Terry McAuliffe a donc eu l’honneur d’être l’un des tous premiers orateurs après la victoire définitive de son amie à la primaire démocrate. Il a parlé avec talent pour humaniser la candidate qui reste considérée comme froide, calculatrice et manipulatrice. Les nombreux scandales qui l’entourent – financement de sa campagne et de ses frais de vie par Wall Street, l’attaque de Bengazhi, l’affaire des e-mails du ministère des affaires étrangères, la collusion entre le parti démocrate et sa campagne pour faire perdre Bernie Sanders, etc. – ont popularisé l’idée selon laquelle elle est une vendue, indigne de confiance et menteuse. Donald Trump a résumé cette image avec le slogan « Crooked Hillary » (que l’on peut traduire en français « Hillary la pourrie », sous-entendu la corrompue).

Le discours du gouverneur McAuliffe avait donc pour objectif, comme celui des autres orateurs, d’humaniser la candidate. L’ensemble de la journée avait cet objectif : rappeler son travail pour les enfants et les familles pauvres, les orphelins et l’importance de l’éducation. Bref : « non, Hillary Clinton n’est pas un monstre sans cœur et sans scrupules ». Le gouverneur a réalisé un très bon travail sur ce plan, avec son approche pragmatique et un discours « passionné » mais posé, comme à son habitude.

Le problème n’est pas venu de son discours. Juste après avoir quitté l’estrade, le gouverneur a donné une interview a plusieurs journalistes qui a immédiatement fait du reuz lorsqu’il a répondu à des questions sur la position de Hilary Clinton sur le Trans-Pacific Partnership,  un accord commercial entre 12 pays bordant l’océan Pacifique ayant pour objectif de fluidifier les échanges commerciaux, principalement en imposant comme norme la droit américain sur la propriété intellectuelle à l’ensemble des pays membres. Cet accord était souhaité – sous la forme d’un grand accord de libre-échange – par le président George W Bush mais a été profondément revisité et négocié par le président Obama et Hillary Clinton lorsqu’elle était ministre des affaires étrangères comme un accord commercial ayant pour objectif d’uniformiser le droit sur la propriété intellectuelle sur les normes américaines à travers l’ensemble de l’océan. (NB : le traité est bien entendu plus complexe et complet mais le cœur de ce traité est bel et bien de libérer les échanges à condition que les partenaires s’alignent sur le droit américain et respectent les valeurs des Etats-Unis).

Mais, alors qu’elle en fut l’une des principales rédactrices, devant la montée des deux candidats anti-TPP que sont Donald Trump et Bernie Sanders, Hillary Clinton a fini par revoir sa position et se prononcer contre cet accord, affirmant comme ses deux adversaires qu’il était trop libéral (pendant que, dans le même temps, les candidats les plus libéraux et les Think Tanks libéraux américains ont condamné le TPP pour être trop protectionniste, NDLA). Hillary Clinton est ainsi revenue sur sa propre position, condamnant un traité qu’elle a elle-même aidé à rédiger et condamnant l’administration Obama pour laquelle elle a travaillé pendant quatre ans ! Cette situation était déjà profondément inconfortable et a renforcé l’idée qu’elle était prête à se vendre pour n’importe quelle position pour réussir à conserver le pouvoir.

Le problème est que dans cette interview, Terry McAuliffe a affirmé (traduction directe de ses paroles) : « Je suis inquiet car si l’on n’applique pas le TPP, la Chine finira par briser les règles ; Mais Hillary comprend cela. (…) Une fois l’élection terminée, et que nous nous assiérons pour parler du commerce, le peuple comprendra que nous souhaitons corriger certains éléments mais que pour aller de l’avant nous devons construire une économie globalisée. »

Les journalistes ont alors insisté pour lui demander si Hillary Clinton allait, au vu de ses dires, changer de position sur le TPP une fois élue. Sa réponse fut claire et sans hésitation : « Oui. Ecoutez, elle a soutenu ce traité. »

Le gouverneur a fini par revenir sur sa position et la campagne de Hillary Clinton a rapidement répondu pour affirmer que McAuliffe s’était trompé en prononçant ces mots, mais le mal était fait. Dans les minutes qui ont suivi, cette interview a fait le tour des médias américains, été publié des milliers de fois sur les réseaux sociaux et il n’a pas fallu longtemps pour que la campagne de Donald Trump et les fidèles de Bernie Sanders récupèrent l’information, affirmant qu’une fois de plus, un nouvel élément démontrant à quel point la candidate démocrate est « Hillary la Pourrie ».

Pendant ce temps, Donald Trump monte, monte !

Il est bien entendu trop tôt pour faire une analyse complète de l’impact populaire de ces deux conventions, celle des démocrates n’étant pas terminée. Mais un changement fondamental a eu lieu depuis la fin de la convention républicaine : jusqu’ici, à de très rares exceptions, les sondages donnaient Hillary Clinton très largement gagnante. C’était même l’un des arguments les plus utilisés lors de la primaire de droite. De Ted Cruz à John Kasich en passant par Marco Rubio et Jeb Bush, les adversaires de Donald Trump martelaient que « nominer Donald Trump c’est voter pour Hillary Clinton », sous-entendu le milliardaire New-Yorkais n’avait aucune chance de battre la candidate démocrate la plus impopulaire depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Effet de la convention républicaine, de l’union de la droite ou de la peur d’une présidence Clinton ? Quelle qu’en soit la raison, les faits sont là : au 1er juillet 2016, l’ex-première dame menait son adversaire de pratiquement cinq points, avec (en moyenne sur les sept derniers sondages) 44,6% d’intentions de vote contre seulement 39,8% pour Donald Trump dans le cadre d’un face à face (le nombre de sondages prenant en compte les candidatures de Jill Stein et Gary Johnson sont toujours rares).

En ce mercredi 27 juillet, la balance s’est complètement inversée : sur les sept derniers sondages nationaux, c’est désormais Donald Trump qui est le favori des sondages avec plus d’un point d’avance et 45,7% d’intentions de vote contre toujours 44,6% pour Hillary Clinton. Il est donc à noter que ce n’est pas tant une diminution de la popularité de la candidate démocrate qui a chuté mais plutôt celle du New-Yorkais qui a grimpé en flèche ! L’un des sondages, celui du LA Times publié aujourd’hui, donne même Donald Trump avec 7 points d’avance, le mettant très proche des 50% d’intentions de vote, un chiffre qu’il n’avait jamais atteint depuis le lancement de sa campagne en juin 2015 !

Ainsi, pendant que les démocrates continuent leur convention toujours divisés et en enchaînant les « gaffes », le républicain profite d’un fort regain d’intérêt sur sa candidature. Si la gauche ne parvient pas à changer le ton au cours des deux prochains jours, cette avance du milliardaire pourrait bien tenir à long terme.

Retrouvez le résumé de la journée du 27 juillet demain sur Breizh Info !

Crédit photo : DR
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