Cléveland. Lundi 18 juillet – Une convention républicaine sous haute tension

19/07/2016 – 18H00 Cleveland (Breizh-info.com) –  Pendant les conventions républicaines et démocrates du mois de juillet 2016 aux Etats-Unis, Pierre Toullec vous présente chaque jour un résumé de la journée précédente, en exclusivité pour Breizh Info. En commençant donc par la convention républicaine.

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Lundi 18 juillet – Un « spectacle » réussi ou une première journée « désastreuse » ?

Ce lundi 18 juillet, la convention républicaine de 2016 s’est ouverte à Cleveland, Ohio. Cette première journée ne devait pas être la plus importante mais avait pour objectif de donner le ton de ce grand événement de quatre jours.

Quel objectif ?

Les conventions des partis politiques américains sont particulièrement importantes. Au-delà du regroupement de militants, ce sont les délégués des cinquante Etats et des six territoires qui se réunissent pour décider du programme officiel, des règles de fonctionnement du parti pour les quatre années à venir et désigner officiellement les candidats à la présidence et à la vice-présidence des Etats-Unis.

Un « spectacle » sans faute

La seconde partie de la convention a débuté à 02h00 du matin GMT +1. Cette partie était réellement organisée comme un « show », un spectacle précisément chronométré comme les politiques américains savent très bien le faire.

Les orateurs de talents et stars du parti républicain se sont enchaînés, avec en tête d’affiche l’ex-gouverneur du Texas Rick Perry, l’ex-Maire de New York City Rudy Giuliani et la sénatrice de l’Iowa Joni Ernst. Le point culminant de la soirée fut le discours de Melania Trump, introduite par son mari Donald Trump. A l’exception du fait que Rick Perry n’a ni mentionné ni soutenu Donald Trump, cette partie s’est passée sans accro et sans difficultés sur le plan organisationnel.

L’objectif de proposer une politique plus sécuritaire tout en humanisant le candidat fut un succès dans l’image. De nombreux témoins sont intervenus et Rudy Giuliani a donné le discours le plus passionné de la journée, et probablement de sa carrière. Le cœur du message est resté sur l’offensive, faisant de Hillary Clinton la personne à abattre. Cette orientation n’a pas été choisie pour rien. Donald Trump est conscient que le parti reste profondément divisé sur sa candidature et il espère créer une union en se focalisant sur le danger que représente Clinton.

Une rhétorique qui a choqué médias et analystes républicains

Si le spectacle a été au rendez-vous, le ton des intervenants a surpris plus d’un observateur. Le thème de la journée était « Make America Safe Again » (Rétablir la sécurité en Amérique). Le portrait fait du pays par les intervenants faisait penser à des Etats-Unis à feu et à sang. Certes, un argument sur ce thème peut être avancé : à l’exception du 11 septembre 2001, alors que le président Bush venait tout juste de prendre le pouvoir, aucun attentat n’a été à déplorer pendant la suite de ses deux mandats, contrairement à ce qui se passe depuis le début de la présidence Obama. De même, les événements tragiques tels que des fusillades de masse ont fortement diminué sous la présidence Bush avec « seulement » douze fusillades de masse en huit ans contre dix-neuf sous la présidence Clinton et trente-cinq sous la présidence Obama (à ce jour).

De plus, bien que les Etats-Unis aient connu de véritables vagues de criminalité, les événements impressionnants tels que les meurtres réalisés par des policiers, les attentats et les affrontements ethniques à travers le pays donne une sensation de société en grave difficulté. Cependant, de 2001 à 2014, sous les présidences Bush et Obama, le niveau de criminalité s’est effondré, arrivant à un niveau historiquement bas. La criminalité, tous types confondus (meurtres, vols, agressions, etc.) reste à un niveau inférieur à celui de l’an 2000.

Le ton donné par les orateurs a été choisi par Donald Trump. La volonté a été clairement de jouer sur la peur. Hier soir, nous étions très loin du discours de Ronald Reagan comparant les Etats-Unis à une « Cité brillante sur une colline ». Au contraire, les comparaisons sont rapidement arrivées avec la campagne de Richard Nixon de 1968 : cette année-là, le candidat républicain a centré la plus grande partie de sa campagne sur la criminalité et la nécessité de répondre férocement contre le pic de violence. La différence est que sur le terrain, la situation n’était pas la même : en 1969, le nombre de crimes pour 1000 habitants était de 36,8 en moyenne sur l’année ! En 2014, ce chiffre était descendu à 29,7 pour 1000 habitants.

De même pour le nombre de meurtres : les deux pics de violences ont été atteints en 1974 avec 9,8 meurtres pour 100.000 habitants et en 1980 lors de la dernière année du président Carter (démocrate) avec 10,2 meurtres pour 100.000 habitants. En 2014, le nombre de meurtres est tombé à son plus bas historique depuis 1950 à 4,5 meurtres pour 100.000 habitants, faisant de l’année 2014 l’une des moins violentes que les Etats-Unis aient connu depuis la fin de la seconde guerre mondiale !

La récupération du discours de Richard Nixon à une période où la criminalité est à son plus bas historique semble donc particulièrement étrange et a choqué les observateurs, même républicains. Cela a particulièrement diminué l’impact du discours de Melania Trump. Lorsqu’elle a voulu parler de son mari en termes élogieux et pacifiques, son discours a été certes bien reçu, notamment par les militants, mais semblait étrange, comme décalé, prononcé entre deux orateurs affirmant que les Etats-Unis étaient au bord du chaos et victimes des pires vagues de violence de leur histoire. Ce qui n’a pas arrangé ses affaires fut que son discours donnait une sensation de déjà-vu. Dès qu’elle a terminé, les observateurs l’ont comparé à celui de Michelle Obama en 2008. Mais les internautes sont allés plus loin : en reprenant son texte et en le comparant à celui de l’actuelle première dame des Etats-Unis, il aura fallu moins de deux heures pour que les comparaisons détaillées entre les deux discours soient publiées. Non seulement le plan général du discours était le même, mais pire, deux paragraphes entiers du discours de 2008 de Mme Obama ont été copiés et collés !

Tout ceci additionné fait beaucoup. Si le spectacle en lui-même a été parfaitement maîtrisé et a séduit les militants républicains, les stratèges du parti se grattent la tête ce mardi matin. Comment est-il possible que tant d’erreurs aient été réalisées en termes de communications ?

Une division politique qui a mené la convention au chaos

La partie « show » composée principalement de discours de personnalités était la seconde partie, et la plus aisée. Cependant, c’est le début de la convention qui a posé de graves problèmes au parti républicain. Le mouvement #NeverTrump, composé de militants républicains qui considèrent que Donald Trump est fondamentalement un homme de gauche souhaitant davantage de pouvoirs de l’Etat et la fermeture des frontières lutte depuis des mois pour l’empêcher de devenir le nominé, semblait avoir échoué. Ce mouvement a reçu de très nombreux soutiens de la part de républicains importants. Aucun ex-président républicain ne sera présent durant ces quatre jours, et les nominés de 2008 et 2012 ont aussi refusé de venir. Il faut ajouter à cela sept des adversaires de Donald Trump à la primaire, vingt des cinquante-quatre sénateurs fédéraux, huit gouverneurs et soixante-trois députés, une situation sans précédent dans l’histoire des Etats-Unis.

Malgré cette situation, les organisateurs de la convention pensaient avoir réussi à briser le mouvement #NeverTrump qui, sans alternative solide à proposer, semblait s’être essoufflé au cours des derniers mois. Autre coup de force, la direction du parti républicain était parvenue, la semaine dernière, à faire passer une série de mesures en petit comité pour empêcher de donner aux délégués la liberté de voter selon leur conscience et pour empêcher le mouvement des délégués conservateurs de réclamer une primaire fermée dans laquelle les démocrates ne pourraient pas voter en 2020.

La convention a commencé doucement, à l’heure, à 20h00 GMT+1. Pendant deux heures, les délégués avaient la possibilité de s’installer en écoutant de la musique, discuter des propositions et se préparer pour l’événement. A ce moment, les équipes du parti républicain et les journalistes pariaient sur une première journée calme, jusqu’aux minutes précédant le véritable lancement de la convention avec le vote sur les règles. Au cours des vingt minutes précédant les 22h00, la rumeur a commencé à monter selon laquelle les partisans #NeverTrump pourraient avoir les voix pour bloquer la résolution de la direction du parti de la semaine précédente.

A 22h01, le président de la convention a mis aux voix par acclamation (vote oral) la validation du projet de la direction du parti et la conservation des règles permettant à Donald Trump de remporter définitivement la nomination. Immédiatement, des centaines de délégués ont hurlé pour réclamer un véritable vote (un « roll call ») dans lequel les voix de chaque délégué et chaque Etat représenté serait compté. Dans un tumulte rarement vu en politique américaine, les organisateurs ont tout de même organisé le vote par acclamation dans un vacarme assourdissant. Il fut impossible de départager les « Oui » des « Non ». À 22h05, les délégués des deux camps ont commencé à s’insulter, se menacer et hurler pour se faire entendre de la direction, qui a alors donné la victoire pour le « Oui ».

Un véritable chaos s’en est alors suivi. Pendant pratiquement une heure, personne n’était réellement capable de dire ce qu’il se passait. A 22h21, le Sénateur Mike Lee, leader des #NeverTrump, a dit sur CNN « C’est surréaliste, je n’ai jamais vu un tel chaos dans une convention ». Les menaces sont allées très loin, un groupe de soutien de Trump ayant été jusqu’à bloquer Kira Birkeland, une déléguée pro-Ted Cruz, et à la menacer de mort si elle ne quittait pas l’Etat de l’Ohio avant la fin de l’événement.

Peu de temps après 22h30, le président de la convention a organisé un nouveau vote sur le même sujet, rappelant qu’il était important de pouvoir réellement définir qui criait « oui » et qui criait « non ». Il a refusé de passer par un vote individuel réellement comptabilisé et, à nouveau, les observateurs, et notamment les journalistes sur place, affirmèrent qu’il n’était pas possible de définir qui avait remporté le « vote ». Mais à nouveau, la direction du parti a donné la victoire au « oui », bloquant définitivement tout débat sur les règles et le programme du parti pour les élections de novembre. Le chaos a alors repris de plus belle. A 23h05, la délégation du Colorado, massivement anti-Trump, a décidé de quitter la salle, condamnant l’événement comme étant une « parodie de démocratie ». Quelques minutes après, devant la situation incontrôlable et la crainte d’un mouvement de foule violent, la séance a été levée.

Les proches de Donald Trump se sont alors précipités sur les journalistes pour donner leur version des faits. Son directeur de campagne, Paul Manafort, a en particulier précisé qu’il ne fallait pas qu’un vote individuel soit organisé car en cas de désaccord, cela aurait bouleversé le calendrier et mis en retard des orateurs prévus deux heures plus tard. Finalement, Donald Trump lui-même a Twitté que la scène de chaos était la faute de CNN qui avait volontairement mis à l’écran les scènes de chaos et mis à l’écran leurs analystes pendant les discours des pro-Trump.

Finalement, la levée de séance a permis de rétablir le calme sans pour autant faire diminuer les tensions. Les leaders du mouvement #NeverTrump sont sortis en colère de cette première journée, exigeant des excuses officielles et publiques de la part du parti, promettant qu’au vu de la manière dont ils ont été traités au cours de cette première journée, ils seront beaucoup plus agressifs pour se faire entendre et respecter pendant les trois prochains jours.

L’ambiance est électrique et l’image donnée par le parti républicain devant les caméras du monde entier fut désastreuse au cours de cette première journée. Les pro et anti-Trump espèrent pouvoir changer la donne au cours des trois prochains jours mais le temps va commencer à manquer pour les opposants. Le mouvement #NeverTrump semble brisé, mais à un prix terrible en termes de communication politique.

Ce qui est certain est que cette première journée fut globalement un échec pour Donald Trump : l’ensemble des médias américains ont fait leurs gros titres de cette séance chaotique. Seule l’intervention de Melania Trump a permis de redorer l’image de cette première période. Au cours de la nuit, les tractations vont continuer tard pour permettre d’assurer une image plus unie demain.

Un retour média catastrophique

En ce mardi matin, les Unes des médias américains sont terribles pour Donald Trump. Elles vont de « Le premier jour désastreux de Trump » à « Une rébellion détruit les espoirs d’union » en passant par « La convention du chaos » et autres « Jour 1 : le parti républicain explose en guerre civile à Cleveland ». Seule la chaîne Fox News n’a pas fait de Une négative, insistant au contraire sur le talent de la direction du parti pour « tuer la rébellion ».

Pire, le très populaire journal Politico a sorti ce matin une longue étude démontrant que plusieurs centaines de cadres du parti républicain profitaient de la convention pour organiser la leur dans l’ombre. Ils parlent des anciens présidents Bush, Mitt Romney, John McCain et de nombreuses autres figures de proue qui parieraient déjà sur la défaite de Donald Trump en novembre. Leur objectif serait de travailler à reprendre la main sur le parti dès le 9 novembre 2016, le lendemain de l’élection présidentielle, avec un programme déjà en rédaction, une réforme interne profonde et une stratégie pour remporter les élections de 2018, pariant qu’à cause de Donald Trump, le parti républicain allait perdre le contrôle du Sénat et de la Maison des Représentants en 2016. Leur objectif est de sauver le parti républicain, qu’ils craignent de voir disparaitre à la suite de cette année 2016.

Hillary Clinton, elle, regarde tout cela avec bonheur.

Cette première journée fut véritablement un désastre pour Donald Trump et ses équipes travaillent depuis très tôt ce matin pour rétablir le tir avant le début de la convention de ce mardi. Il reste trois jours. Il leur faut à tout prix inverser la tendance.

Retrouvez le résumé de la journée du 19 juillet demain matin sur Breizh Info !

Crédit photo : DR
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